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Editorial Publié le vendredi 7 septembre 2012 |

Chronique de la Radio al-Bayane / Diabaté Fousseni: "Au-delà de la douleur, la paix possible..."

© Par DR
Radio al-Bayane: Fousseni Diabaté, journaliste
Photo: Fousseni Diabaté, chroniqueur à la radio islamique Radio al-Bayane
Il continue de gémir, ce passé atroce que nous voulons tant bien que mal ensevelir sous les décombres de l’oubli, le passé d’une mère patrie, balafrée du fait de nos querelles intestines à son chevet. Sombre passé d’exilés, passé atroce d’une nation en chantier, au sol crépis par le sang innocent de tant de gens innocents.

J’ai regardé cette jeune étudiante, et du coin de son regard hagard, j’ai vu la présence de la mort. Je ne vous parle pas de mort physique, mais de mort morale, de mort de l’âme. J’ai essayé avec douleur affective de puiser au plus profond de moi, une parole d’espoir et de vie pour aider à revivifier son cœur broyé et miné de l’intérieur. Je pouvais tout sentir, encore triste d’imaginer ce qu’elle pouvait ressentir; ces soupirs de meurtrissure, ces larmes d’affliction. Au cœur de la crise militaro politique, elle était dans un bus qui venait de prendre une bombe lacrymogène. Elle se réveillera des instants plus tard, après être tombée évanouie. Sous ses yeux impuissants, il y avait là devant elle, deux colosses individus aux visages encagoulés. Ces deux sadiques et énergumènes déverseront sur elle, toute leur cruauté, leur bestialité et leur sauvagerie, en souillant ses entrailles à travers un viol crapuleux jusqu’à ce qu’elle tomba évanouie.

La suite est pathétique. Une jeune fille croyante, chaste et pudique qui avait décidé de garder sa chasteté, la pureté de son corps pour l’élu de son cœur, venait d’être ainsi dépossédée de ce trésor inestimable, sa virginité. Les conséquences seront drastiques. De cet acte horrible, sortira une grossesse, et aujourd’hui un enfant. Elle ne put passer son BTS, obligée de partir du domicile familial, pour fuir la lourde ambiance avec cette famille déboussolée, martyrisée par la hantise du ‘’qu’en diront les autres ?’’ Peu ne fallu, pour que cette jeune étudiante ne perde le nord.

Un enfant est né de cette bêtise humaine. La poitrine de cette jeune mère écartelée et affligée s’est bombée de lait. Et chaque fois que cet enfant pleurera parce qu’il aura faim, elle devra le tenir sous ses yeux, le rapprocher de sa poitrine et lui donner à téter. Et à chaque fois qu’elle rapprochera d’elle cet enfant, elle réveillera toujours ce souvenir atroce et douloureux. A chaque fois qu’elle rapprochera cet enfant d’elle, elle repensera certainement à ces scènes humiliantes et déshonorantes. A chaque fois qu’elle entendra les pleurs de cet enfant, elle pensera aussi à ses pleurs de souffrance et de douleur lors de ce viol crapuleux. Et cet enfant grandira certainement.

Demain, il jouera avec ses amis qui lui chanteront les légendes de louanges de leur père. Ils lui demanderont qui est son père ? Cet enfant sera muet. Son père s’appelle la honte, le ridicule, la mort, le viol. Son père s’appelle ‘‘l’inconnu’’. Il n’aura jamais ce bonheur fécond à chaque tombée du crépuscule de dire ‘’papa’’, de se voire accompagner à l’école, se voire offrir des cadeaux par lui, se voire embrasser et bénéficier de son éducation, sa chaleur paternelle. Et demain, quand il deviendra majeur, l’histoire renaitra de cendre nouvelle. Il voudra savoir qui est son père. Sa mère devra encore revivre l’histoire. Les pages douloureuses de cette histoire pour elle, ne se fermeront que jour de sa rencontre avec son Seigneur. Et les chaudes larmes déferlent chaque fois sur les sillons de ce visage, avec parfois des sanglots étouffés, à chaque question du genre : « Qui est le père de ton enfant ? »

Une parenthèse de sadisme qui marquera à jamais la vie de deux innocentes personnes, une mère violée et un enfant à la frêle innocence, fruit de ce viol. Au moment ou ce récit s’achève, n’oubliez pas que chacun de nous aurait pu être à la place de cette jeune étudiante ou de son enfant. Cela n’arrive pas qu’aux autres, et telle est la conséquence logique de cette parenthèse de turbulence qui a balafré les murs de stabilité, de fraternité et de condescendance de la Côte d’Ivoire. Et c’est pour éviter que de tels actes aux antipodes de toute humanité se produisent de nouveau, que notre mère patrie nous invite au sacrifice suprême, au sursaut de soi, à l’élan de patriotisme. Offrir notre orgueil en holocauste, et y voir jaillir l’ardente flamme qui consumera l’herbe asséchée de nos rancœurs, notre haine et toute velléité de vengeance.

Je ne cherche pas de coupable moi. Et je ne lance ici la pierre à personne. Mais je crois en la force du bien, la force de l’amour, la force du pardon. Je crois par delà tout en la force de la Justice Suprême, là ou celle des hommes peut échouer à faire plier l’échine à ceux dont les cœurs ne sont que nids d’aigreur. Il n’y a pas un seul homme en qui sommeille la moindre parcelle d’humanité qui ne pense au bonheur des autres. Ce bonheur passe inéluctablement par les rapports de bonne intelligence avec les autres, au-delà de nos idéologies et cultures plurielles. Loin des réactions épidermiques à fleur de peau, foncièrement hystériques, passionnelles, sectaires et grégaires.

N’oubliez pas, par delà tout, que là ou vous êtes fière de brandir votre père comme un trésor divin, vous auriez pu être un fils, une fille sans père, ou le fruit d’un viol aussi indigeste. En regardant ce jour votre fils, votre fille, imaginez un seul instant, qu’il ou elle soit le fruit d’un tel acte de viol. Que ressentiriez-vous au plus profond de votre âme? J’aurais tellement voulu que ce témoignage soit le récit d’une fiction, mais hélas, il est un fait avéré, produit par la méchanceté de l’ivoirien, du fait de sa cupidité, sa rage inconsidérée pour le pouvoir et l’avoir. J’ai attrapé cet enfant, cette chair nue dans mes propres mains, le buvant du regard, et je pouvais entendre les échos de cette voix intime me dire : « Plus jamais ça en Côte d’Ivoire ». Le viol devenu une arme de guerre. Une humanité au bord du gouffre. Ni ta mère, ni ton épouse, ni ta sœur, ni ta fille ne mérite cela. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, en passant par le centre, que de femmes n’ont vu leur dignité ainsi marchandée à vil prix ?

Voici le récit d’un passé entaché que tous, fiers ivoiriens et artisans de paix, nous devons transcender, pour rebâtir dans le pardon et l’amour, la Côte d’Ivoire nouvelle, la Côte d’Ivoire émergente. Les plaies sont encore fraiches et béantes. Mais rien n’est impossible à Dieu. Si à Lui, nous restons attachés et en Lui, nous puisons nos forces et énergies, nous parviendrons vaille que vaille à faire le deuil de ce passé ténébreux, pour que brille sur notre mère patrie, un nouveau soleil de paix et d’espérance vraie. L’homme est aussi une dynamique et une dynamite capable de faire exploser toute montagne compacte de mésintelligence, de discorde, pour y extraire les précieux diamants de bonne convivialité.

C’est parce qu’il est difficile de pardonner devant la cruauté des préjudices, que la valeur du pardon auprès du Seigneur est immense. Bienheureux, celui dont le cœur déborde de pardon et d’amour pour les autres. Il trouvera tout acquis à sa cause, Un Seigneur Oint de Bonté et de Miséricorde, Qui non seulement, rendra justice, mais le rehaussera pour avoir su pardonner, là ou tout l’invitait à la révolte, à la haine et à la vengeance. « Nul n’atteindra l’éternité sans passer par l’humanité », a dit Mahatmar Ghandy. Ici, il n’y a pas de place pour la haine et les injures. Il y a de la place pour les cœurs et non les pierres. Il y a de la place pour l’amour, en commençant à le distiller à ceux qui n’auront d’amour que de haine à faire valoir. Que les velléités de haine parviennent à étouffer nos élans de compassion et nos ardeurs de foi à aller à une paix vraie et durable, cela dénoterait de la décrépitude de notre engagement, et la flétrissure de notre sincérité à y aboutir. Nous vous en dirons davantage dans nos lignes prochaines.

Plus jamais ça en Côte d’Ivoire! C’est possible de le dire, et de le réaliser, si chacun y donne du sien. Paix, amour et prospérité en Côte d’Ivoire. Ainsi soit-il !

El Hadj DIABATE Fousséni
Journaliste professionnel, Chroniqueur à la Radio Nationale Islamique Albayane
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