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Société Publié le jeudi 4 octobre 2012 | LG Infos

Application de la Convention collective : Les journalistes entre espoir et impatience

Dans certaines législations, selon le droit du travail, une Convention Collective de travail (Cct) est un texte réglementaire définissant les statuts des employés d`une branche professionnelle, après une négociation passée entre les organisations représentant les employeurs et les organisations représentant les salariés (syndicat). Les contrats se doivent s`y référer en précisant le type d`emploi et le coefficient de rémunération. C’est dans cet esprit que, le 12 avril 2008, un accord a été signé entre les patrons de presse de Côte d’Ivoire (Gepci) et le syndicat des journalistes (Synapp-ci). La Convention collective annexe des journalistes professionnels et des professionnels de la communication de la presse privée en Côte d`Ivoire. Elle devait entrer en vigueur cette année, depuis plusieurs mois, mais ce n’est toujours pas le cas. Parce que les patrons de presse qui ont déjà bénéficié de l’aide de l’Etat au niveau de l’allègement fiscal et autres soutiens, continuent de penser que l’Etat ne veut pas faire de son mieux pour assouplir les charges fiscales et subventionner les entreprises. Les syndicats des journalistes, eux, ont toujours le pied à l’étrier pour mettre la pression sur leurs patrons. Le Conseil national de la presse (Cnp) tente, chaque fois, de désamorcer un conflit ouvert. Quant à l’Etat, il semble assister dans l’indifférence à la guéguerre.

L’histoire d’une convention

Les journalistes en Côte d’Ivoire sont toujours à la tâche. Sans toutefois être rémunérés à la hauteur de leurs rendements. Dans les rédactions, ils sont très peu les patrons de presse qui accordent à peine 100.000 Fcfa à leurs agents. Du coup, les hommes de presse sont englués dans une sorte de mendicité, matérialisée par la chasse aux enveloppes au cours des cérémonies (perdiems). Cet état de fait devenu finalement une institution a conduit des journalistes, notamment l’ex-confrère du Groupe de presse ‘’la Refondation’’, Cendres Glazaï (décédé en août 2006), premier Secrétaire général national du syndicat des agents de la presse privée de Côte d’Ivoire (Synapp-ci), à chercher une voie pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des journalistes. C’est ainsi que seront lancés les premiers jets de la Convention collective annexe des journalistes professionnels et des professionnels de la communication de la presse privée en Côte d`Ivoire.
L’Etat, conscient que le développement du pays passait par là, a accepté d’accompagner l’initiative. Ainsi l’ancien ministre de la Fonction publique, le Professeur Hubert Oulaye, l’inspecteur Esy Bonzou (président du groupe de travail pendant les réflexions), les patrons de presse conduits par Dénis Kah Zion et le Syndicat des agents de la presse privée (Synapp-ci) sont parvenus, le 12 février 2008, à trouver un terrain d’entente pour accorder des rémunérations conséquentes aux journalistes.

Ces avantages des journalistes…

Ainsi, selon l’article 9 (classification professionnelle) de la Convention, le journaliste professionnel ou le professionnel de la communication est classé dans des catégories et échelons. Chaque qualification fait l`objet d`un coefficient permettant le calcul du salaire minimum. Ce salaire est calculé en multipliant la valeur du point par le coefficient. Et la valeur du point est fixée à 1.900 Fcfa. Ce qui signifie que selon l’échelon affecté à chaque catégorie et échelons des professionnels de la communication ou au journaliste, celui-ci est multiplié par 1.900 pour obtenir le salaire de base du journaliste ou du professionnel de la communication. A titre d’exemple, le point (unité de mesure du taux d’intérêt qui équivaut à 1%) du rédacteur stagiaire de premier échelon a été fixé à 100 par la Convention collective. Son salaire de base s’élève donc à 100 X 1.900 = 190.000 Fcfa. A cela, il faudra ajouter les indemnités de transport (25.000 Fcfa pour Abidjan), les indemnités de logement (13% du salaire), les prestations maladies telles les lunettes et montures dont la charge est à l’employeur à hauteur de 80% et 60%, et plafonnés à 200.000 Fcfa tous les deux ans. En outre, les journalistes aspirants (stagiaire) doivent recevoir une prime mensuelle de stage de 100.000 Fcfa. De quoi à amorcer une marche vers la professionnalisation et surtout l’indépendance de la presse, le quatrième pouvoir.

…pas du goût des patrons

Seulement, ces avantages, attendus par les journalistes, ne trouvent toujours pas une oreille attentive auprès des patrons de presse. Depuis la signature de la Convention, ils ont toujours bataillé pour un report de la mise en œuvre de l’accord. Pis, depuis les états généraux de la presse tenus à Yamoussoukro, en septembre dernier, le Cnp est à la tâche. Dans ce sens, le Cnp a réuni, le 13 septembre dernier, le Synapp-ci, le Saapp-ci et Gepci autour d’une table de négociation en vue d’harmoniser les points de vue. En effet, à la suite de cette rencontre, il a été convenu qu’à partir de fin septembre 2012, les patrons de presse, compte tenu des difficultés du moment, commencent à payer leurs agents en fonction du point 1.400. Soit 140.000 Fcfa de salaire de base pour les journalistes à atteindre 1.900 points dans deux ans, soit en 2014. La barre de 1.700 sera atteinte entre janvier 2013 et décembre 2013. Mais pour les patrons de presse, il faut attendre 2016 pour pouvoir payer de façon effective le point 1900. Ils estiment qu’il faudrait d’abord résoudre en urgence un certain nombre de question. Notamment, l’amélioration des mesures fiscales, l’annulation des taxes, la baisse du prix du tirage des journaux par les imprimeries, le paiement des publicités par les agences publicitaires. Si rien n’est donc fait de la part de l’Etat, il n’est même pas à espérer d’un début d’exécution de ce projet que les journalistes attendent avec impatience.

L’arbitrage du Cnp

Dans le conflit qui oppose les syndicats de la presse privée au Groupement des éditeurs de la presse privée de Côte d’Ivoire (Gepci), le Cnp joue le rôle d’arbitre. Ainsi, depuis la signature de la Convention collective, le 12 février 2008, l’application de cet accord a fait couler beaucoup de salive, tant les patrons de presse traînent le pas dans l’application de cet accord. Des négociations ont été initiées par le Cnp, mais à la fin, elles n’ont rien donné. Et souvent, les syndicats et les patrons de presse se sont regardés en chiens de faïence. Ils durcissent le ton, parfois par la radicalisation des positions des patrons de presse quant à l’application de la Convention collective. Ce qui entraine un climat de méfiance et de supputations. Parfois les syndicalistes accusent le Cnp de jouer le jeu des patrons de presse, par son silence beaucoup bavard dans la mise en pratique des mesures de la convention. Pourtant, elle aurait pu user de son pouvoir pour faire plier l’échine aux patrons de presse. A la rencontre de Yamoussoukro, il était attendu que le Cnp sorte le grand jeu pour taper du poing sur la table, en appelant leurs interlocuteurs à l’ordre. Finalement, l’organe de régulation a choisi de jouer les arbitres, sinon les facilitateurs entre les deux parties pour éviter la crispation des rapports entre patrons de presse et les syndicats des journalistes. C’est sous sa diligence que les patrons de presse ont obtenu une application progressive de la Convention avec une échelle graduelle de la valeur des points. Une signature tripartite des nouvelles clauses de l’accord est donc attendue dans les prochains jours pour la mise en route de la Convention collective. Cette fois sera-t-elle la bonne ?

Renaud Djatchi & Sékongo Kanigui
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