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Politique Publié le jeudi 25 octobre 2012 | Le Patriote

Interview / Anne Desirée Ouloto (Cadre de l’Ouest) : “Entre ADO et les Wê, c’est désormais ton pied mon pied”

© Le Patriote Par PRISCA
Rencontre : Le ministre de la salubrité, Anne Desiree Ouloto reçois les jeunes de Toulepleu
Mercredi 23 novembre 2011. Abidjan, Palais de la Culture. Le ministre de la salubrité, Anne Desirée Ouloto reçois les jeunes de Toulepleu
Trois jours après la rencontre historique entre les populations Wê des regions du Guémon et du Cavally et le président de la République, Anne Désirée Ouloto, présidente du comité d’organisation, tire ici les premières leçons de ce rendez-vous. Pour elle, cette audience a tenu toutes ses promesses.
Le Patriote : Vous êtes la présidente du Comité d’organisation de l’audience que le Président de la République a accordée, lundi dernier au palais de la présidence de la République, aux populations Wê du Guémon et du Cavally. Trois jours après, quelles sont les enseignements que vous tirez de ce rendez-vous ?
Anne Désirée Ouloto : Les populations elles-mêmes sont reparties rassurées. Nous, en tant que proches collaborateurs du Président de la République, membres du gouvernement, mais filles et fils de la région, avons été également heureux de voir nos parents repartir satisfaits. La deuxième satisfaction réside dans la qualité des participants, la qualité des enfants de la région qui ont répondu massivement à l’appel du Président de la République. Il s’agissait de cadres de toutes tendances politiques confondues. Tous les cadres des différents partis politiques étaient présents.

LP : Y compris le FPI ?
ADO : Y compris le FPI, effectivement. Les présidents des Conseils généraux étaient présents, ce sont des militants affichés, connus, actifs et toujours en activité du Front Populaire Ivoirien. Tous ont participé avec nous aux préparatifs de cette rencontre. Cette rencontre se voulait républicaine. Je pense que c’est un pari réussi. Je suis heureuse que nous ayons réussi à jouer la carte de la transparence, de la franchise, du rassemblement, de la cohésion, de la fraternité. Tous nos frères, toutes nos sœurs, se sont sentis concernés par cet appel républicain du Président de la République qui voulait parler à des populations et non à des militants de son bord politique. Un Président qui voulait échanger avec des frères et pas avec des partisans. Ma grande satisfaction, c’est cette cohésion retrouvée des enfants des régions du Cavally et du Guémon.

LP : Dans le fond, pensez-vous que les échanges ont été à la hauteur de vos attentes ?
ADO : Les échanges ont été à la hauteur de nos attentes dans la mesure où les problèmes qui font l’objet des préoccupations des populations, des cadres, des jeunes, des femmes, des vieux, des chefs ont été tous présentés au Président de la République.

LP : Tous ?
ADO : Tous les problèmes ont été présentés. Il n’y a eu aucun sujet tabou. Certains cadres ont souhaité que nous remontions à 2002. Le Président a fait mieux dans sa réponse. Il est allé plus en arrière en remontant à 1999, à la crise militaire qu’on a vite fait d’oublier. Alors que ce coup d’Etat de 1999 a eu un impact négatif sur les années qui ont suivi. Comme le Président l’a dit, c’est à partir de cette date que la boîte de pandore a été ouverte. Je pense qu’il faut savoir analyser les choses avec objectivité. C’est ce qu’il a fait. C’est la raison pour laquelle moi, je suis très heureuse. Quand vous venez à une rencontre et que vous vous exprimez librement, comme cela a été le cas et que vous dîtes ce qui vous chagrine, vous exposez vos préoccupations telles que vous les sentez, vous repartez satisfaits d’avoir eu l’opportunité de dire ce que vous pensez, de dire vos préoccupations. Je pense que c’est déjà une première victoire. Même sans avoir entendu les réponses du Président de la République, les populations étaient déjà heureuses, soulagées, satisfaites, comblées d’avoir eu cette opportunité. Tout le monde se demandait si on aurait eu le courage de laisser les populations dire ce qu’elles avaient sur le cœur. Par exemple, exposer le problème des dozos, dénoncer les occupations des forêts par les hommes en arme. Il n’est pas de notre avantage de laisser une situation pareille perdurer. Puisque nos détracteurs avaient vite fait de dire que ces personnes qui occupaient les plantations étaient protégées par le Président de la République.

LP : Le discours prononcé par votre porte-parole était-il réellement celui du terrain ? N’était-ce pas un discours de cadres loin de la réalité ?
ADO : Vous étiez vous-mêmes présents à cette cérémonie, je veux parler de la presse. Est-ce que à la fin de cette rencontre, vous avez eu le sentiment que les populations étaient insatisfaites ? Vous avez vu que les populations ont suivi avec intérêt la lecture de ce message du Président de la République. Elles ont participé, elles ont réagi dans la salle. Vous avez également vu que les populations réagissaient selon qu’elles étaient d’accord ou pas avec la réponse donnée par le Président de la République. Ce qui veut dire que ce sont vraiment les préoccupations des populations. Si le Président a reçu ses alliés du Guémon et du Cavally, c’est parce qu’il a des collaborateurs honnêtes qui ne lui cachent pas la réalité du terrain. Et qui lui disent exactement ce qui se passe dans notre intérêt à tous. Notre objectif est d’aider le Président de la République à aider nos parents à vivre mieux, à vivre ensemble, dans la paix, pour le développement. Nous n’avons pas d’intérêt à cacher des informations capitales ou à cacher la situation dans laquelle nous vivons. Au contraire, c’est sur les rapports que nous avons faits au Président qu’il s’est résolu à recevoir nos parents. D’où l’obligation pour nous de leur donner l’opportunité de dire exactement ce qu’ils nous disent quand nous allons vers eux. C’est ce que nous avons fait. Nous les avons encouragés à dire ce qu’ils ont au plus profond d’eux.

LP : Pourtant, on a lu dans la presse proche de l’opposition que le vrai discours aurait été censuré. Qu’en est-il ?
ADO : Je pense que ceux qui le disent, n’ont rien à dire. Il n’y avait pas deux discours. Celui qui a été présenté est le fruit de larges concertations entre les cadres, les chefs traditionnels et les populations. Il n’y a eu aucune pression sur qui que ce soit.

LP : Pourquoi le choix s’est-il porté sur M. Tyéoulou Félix comme votre porte-parole ?
ADO : Je n’ai pas participé au choix de M. Tyéoulou Félix. Nous avons des aînés. Ce sont eux qui se sont impliqués et qui ont joué un rôle déterminant dans le succès de cette rencontre. MM. Emile Constant Bombet, Kei Boguinard, Oulaï Tiabas. Je voudrais au passage leur rendre hommage. Nous avons laissé la possibilité à nos aînés et aux élus de désigner le porte-parole des populations. Je vous rappelle qu’il s’agissait d’une rencontre républicaine. Les aînés sont allés plus loin en disant : «nous avons des fils qui politiquement ne sont pas proches du Président de la République. Nous avons des enfants qui ont assumé de hautes fonctions de l’Etat et qui sont suffisamment représentatifs de cette région ». Dans un souci de cohésion, d’unité retrouvée, ils ont jugé bon de leur donner l’opportunité de s’exprimer au nom de tous. C’était un signe fort de rassemblement des enfants de la région. Un signe fort de réconciliation entre nous-mêmes. Pour des élus et membres du gouvernement, accepter qu’un cadre qui n’est plus aux affaires dans l’administration, parle au nom des populations, est un signe de cohésion, d’unité et d’humilité.

LP : Est-ce parce que M. Tyéoulou a travaillé avec le FPI qu’il a été choisi comme votre porte-parole ?
ADO : Je ne peux pas vous donner les raisons pour lesquelles les aînés ont porté leur choix sur lui. En tant que membres du Gouvernent, nous n’avons pas participé à ce choix. Les quatre membres du gouvernement, ressortissants de la région, ont laissé la latitude à nos aînés de choisir le porte-parole des populations. Nous n’avons pas cherché à savoir pourquoi leur choix s’est porté sur M. Tyéoulou Félix. Ce que nous savons, c’est que M. Tyéoulou Félix est un cadre suffisamment représentatif de la région. Ce que nous savons, c’est que le fait qu’il ait prononcé ce discours donne du crédit à la pertinence de ce qui y est contenu. Sa seule présence a certainement suffi à rassurer des cadres du FPI, de la LMP ou du CNRD que nous n’avions pas revus depuis longtemps. Et qui, aujourd’hui, ont répondu présent et qui étaient assis avec nous pour écouter le Président de la République. C’est un signe fort. M. Tyéoulou a servi tous les Présidents depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny y compris le Président Alassane Ouattara alors qu’il était Premier ministre. Je vous rappelle que pendant vingt ans, il a été membre du secrétariat général du Gouvernement. Il se considère comme un grand commis de l’Etat. Ce que nous retenons, sans qu’il ne soit militant du RDR ou du RHDP, il est un digne fils de la région au service de la nation. Ce que nous retenons, c’est que c’est un citoyen ivoirien et le Président Ouattara est le Président de tous les Ivoiriens quel que soit leur parti politique. C’est un message fort à la Nation. Le peuple Wê a donné l’exemple. Nous avons dit que la réconciliation viendra de l’Ouest.

LP : Nous avons vu le Président de la République tutoyer le ministre d’Etat, Emile Constant Bombet. Nous avons vu M. Kei Boguenard et plusieurs barons de la région présents. Quels sentiments avez-vous eus les voyant?
ADO : Cela veut tout simplement dire que le Président de la République et Emile Constant Bombet sont des frères. Ils ont travaillé ensemble. Fondamentalement, je ne crois pas que les problèmes qu’ils ont eus par le passé soient de nature à ne pas favoriser leurs retrouvailles. Ce qui veut dire que lorsque notre pays est en péril, ses enfants, les vrais ne trouvent plus de raison de s’entredéchirer. Le ministre d’Etat, Emile Constant Bombet l’a dit. Il a agi dans l’intérêt de sa région, dans l’intérêt de son pays. C’est un grand homme d’Etat. Il a servi la Côte d’Ivoire pendant des années en tant que ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur. C’est un Officier supérieur de l’Armée ivoirienne. Il a entendu l’appel du Président de la République, il a répondu présent en bon soldat, en digne Wê, en digne citoyen ivoirien. On ne peut pas le lui reprocher.

LP : Cette unité dont vous parlez n’est-elle pas de façade, en attendant les prochaines batailles électorales qui vont vous déchirer encore à l’ouest ?
ADO : Il ne s’agira pas de batailles spécifiques à l’ouest. Les prochaines batailles électorales sont des consultations nationales. Il y aura une compétition politique. Cela fait partie de la vie régulière de toutes les formations politiques et de la vie d’une nation. Il faut faire la part des choses entre la fraternité des frères appartenant à une même sphère géographique, à une même langue, à une même ethnie et les considérations politiques. La politique nous a beaucoup fragilisés à l’ouest. Le constat est clair. Tout a été politisé à l’ouest au point où des frères se regardaient en chiens de faïence. Aujourd’hui, nous pensons qu’un pas important a été franchi. Nous avons été capables pendant la semaine de nous asseoir autour d’une même table et de travailler pour sortir un discours consensuel. C’est cela la force de la fraternité, dans le consensus où chacun défend ses idées, son style, sa méthode et finalement on trouve une forme à laquelle tout le monde adhère. Les cadres de ces deux régions ont franchi un pas important. Ils ont réussi à lever un certain nombre d’obstacles. Ils sont en train de faire un cheminement vers la cohésion. Il faut nous encourager. Ce n’est pas facile. En même temps, il ne faut pas stigmatiser les difficultés de l’ouest. Les problèmes que nous vivons existent aussi ailleurs, peut être moins amplifiés que chez nous. Parce que nous, nous sommes un peuple assez particulier. Nous exprimons haut ce que nous pensons. Notre problème essentiel, c’était que la politique nous avait divisés. Les auteurs des exactions sur les populations ne trient pas leur cible. Quand on parle des morts de Duékoué, vous voyez qu’il y a des pleurs dans toutes les familles, qu’on soit Malinké, qu’on soit sénoufo ou qu’on soit Wê. La mort a touché tout le monde. Cest parce que nous étions désunis que nous avons prêté le flanc à l’ennemi. En parlant d’ennemi, je parle de la violence, du désordre, de la mésentente, de la guerre, de l’incompréhension. Aujourd’hui, nous voulons lutter contre cette violence-là, nous voulons lutter contre le désordre, contre la pauvreté, contre les exactions. La seule chose qui nous reste à faire c’est d’être un, de nous unir pour lutter contre la pauvreté.

LP : Quatre questions centrales ont été abordées entre les Wê et le chef de l’Etat : la sécurité, le problème des exilés, les titres fonciers, la question des enquêtes judiciaires en cours. On a senti les populations approuver ou désapprouver certains aspects. Réellement, qu’est ce que l’Ouest souhaite pour la question des exilés par exemple?
ADO : L’Ouest et le Président de la République souhaitent que les exilés rentrent.

LP : A ce niveau, le Président a parlé de justice, il y a eu des grincements de dents.
ADO : Je pense que les gens n’ont pas bien compris où le Président voulait en venir. En réalité, il a l’obligation de gérer la sortie de crise. En bon père de famille, il doit être juste. Nous, nous sommes partisans puisqu’il s’agit de nos frères. Que ce soit moi ou les ministres Banzio, Toungara, Sanogo ou un vieux qui se trouve dans un village éloigné, nous voulons que nos frères rentrent. Le Président de la République est le garant du bon fonctionnement des institutions. La gestion du pays repose sur des règles. L’une de ces règles c’est la justice. Vous savez très bien qu’on reprochait à la Côte d’Ivoire de faire un culte à l’impunité. La Côte d’Ivoire était devenue un pays où on pouvait tout se permettre, sans jamais payer. La crise en Côte d’Ivoire est si profonde que nous devons tirer des leçons. Il faut donc amorcer la lutte contre l’impunité dans un souci de justice et d’équité. Parce qu’autrement, on ne réussira jamais à créer un climat de cohésion et de confiance mutuelle entre les Ivoiriens. Même dans une famille, un père sanctionne ses enfants, il les corrige, il les punit dans leur propre intérêt et dans l’intérêt des autres enfants.
Le Président a obligation de faire en sorte que tous les Ivoiriens comprennent que la vie en société a des règles. Pour revenir au cas de nos frères qui sont en exil, le Président a dit qu’ils y sont parce qu’ils ont eu peur à un moment donné. Une situation s’est produite en Côte d’Ivoire, certains ivoiriens sont restés au pays et d’autres sont allés volontairement en exil. Aujourd’hui, la question qui se pose est de savoir pourquoi Marcel Gossio est en exil, pourquoi Kaé Eric ou Paul Dokui sont en exil ? Il y avait un contexte particulier. Aujourd’hui, le Président de la République, s’appelle Alassane Ouattara. Il veut rassembler tous les Ivoiriens. Il veut les réconcilier. Il a créé une Commission Dialogue, vérité réconciliation. S’il n’y a pas de justice, comment voulons-nous que la vérité éclate ? Comment saurons-nous ce qui s’est passé en réalité s’il n’y a pas cette justice ? C’est la justice qui vous déclare coupable ou non des faits qui vous sont reprochés. Admettons que mon frère Gossio revienne en Côte d’Ivoire, je ne sais pas quels sont les chefs d’accusations qui sont retenus contre lui. Le Président de la République dit : «Venez, rien ne vous arrivera ». Il faut entendre par là, qu’il ne sera pas jeté en prison de façon arbitraire. Qu’il ne sera pas humilié. Mais, il est important selon le Président de la République qu’il aille devant la justice pour que la lumière soit faite. La lumière se fera dans l’intérêt du concerné lui-même. Parce qu’il jouit d’une présomption d’innocence. C’est au nom de cette présomption que le Président dit qu’il ne sera pas arrêté à sa descente d’avion pour être conduit directement dans sa prison. Il devra se défendre devant la justice après quoi, la justice prendra deux décisions. Si Marcel Gossio n’a rien à avoir avec ce qui lui est reproché, il est lavé à vie. Sinon, il peut être reconnu coupable, la justice prendra alors une décision pour le sanctionner. Même là encore, le Président l’a dit : «N’oubliez pas qu’au bout du compte, je suis le chef suprême de la Magistrature ». Il faut savoir lire entre les lignes.

LP : Est-ce à dire qu’il va gracier ceux qui seront condamnés ?
ADO : La Constitution le lui permet.

LP : Pourquoi ne pas faire voter une loi d’amnistie ?
ADO : Il faut reconnaître les faits avant de parler de l’amnistie, sinon on va s’installer dans le désordre et dans l’oubli. C’est pour qu’ensemble, nous puissions tirer les leçons de ce qui s’est passé. Pour qu’ensemble, nous puissions reconnaître nos fautes et demander pardon. Faire un mea culpa dans l’humilité, dans la repentance. Les Wê l’ont fait. Ils ont reconnu qu’ils ne sont pas totalement innocents dans ce qui leur arrive. Le Président aussi a dit que la Côte d’Ivoire n’est pas totalement innocente. Il a demandé pardon aux Wê au nom de la Côte d’Ivoire.

LP : A l’occasion, vous avez scellé un nouveau pacte en offrant un linge blanc au Président. Que renferme ce pacte ?
ADO : Le blanc est le signe de la divinité. Lorsque vous êtes en alliance avec quelqu’un, vous vous engagez à prendre soin de lui et à parfaire tous les jours votre relation. Il se trouve qu’il y a une alliance entre le peuple Wê et les Sénoufo. Malheureusement cette alliance a été entachée par le sang, par les mauvaises paroles. Le Président de la République on dit qu’on a trahi l’esprit d’Houphouët. Pour nous, en remettant ce pagne blanc, nous voulons sauver ce pacte, le renouveler. Je voudrais vous rappeler que les Wê ont toujours soutenu le Président Houphouët Boigny, ils ont soutenu le Président Bédié, ils ont soutenu le Président Guéi Robert, Ils ont soutenu le Président Laurent Gbagbo. Le Wê n’humilie jamais le chef. C’est ce même peuple que vous avez vu chez le Président de la République. Vous les avez vus l’accueillir pendant sa visite d’Etat. Cet accueil n’avait rien à avoir avec l’accueil qui lui avait été réservé pendant la campagne électorale. L’audience n’avait non plus rien à avoir avec l’accueil qui lui avait été réservé pendant sa visite d’Etat. Cela veut dire de plus en plus que ce peuple se rapproche du Président de la République. Et tient à se rapprocher de lui, tient à renforcer ses liens avec lui. Comme on le dit, entre nous c’est désormais « ton pied, mon pied ». Aujourd’hui, le peuple Wê a besoin d’être rassuré. Il a besoin de savoir que le Président Ouattara, quel que soit ce qui s’est passé, peut être quelqu’un sur qui il peut compter. Il a besoin de savoir qu’il peut s’accrocher à lui, qu’il peut lui parler en tant que fils.

LP : Y avait-il des raisons de se méfier ?
ADO : Pourquoi pas ? Ecoutez ! Pendant dix années, on leur a servi un discours. Pendant dix années, on leur a dit beaucoup de choses. On leur a dit qu’Alassane Ouattara n’était pas Ivoirien, qu’il était Burkinabé, qu’il allait brûler les églises. C’est lui qui a envoyé les gens dans les forêts pour les occuper. Voilà autant de choses qui ont été dites. Il leur a été aussi dit qu’Alassane Ouattara est le père de la rébellion, qu’il n’aime pas les Wê, et qu’une fois au pouvoir, il ne va nommer que les Malinké pour se venger. Aujourd’hui, ils sont surpris que leurs enfants soient auprès du Président Alassane Ouattara. Ils sont heureux. Sous Gbagbo, le Guemon et le Cavally n’avaient qu’un seul fils ministre. Aujourd’hui, ce sont quatre fils de la région qui sont ministres. C’est un signal fort.

LP : Concernant le don de 200 millions, il a été écrit dans la presse de l’opposition qui a même parlé de corruption, que cet argent a été donné pour payer le silence des Wê. Qu’en dites-vous ?
ADO : C’est une fausse accusation. Les Wê avaient parlé avant qu’il ne leur soit remis les 200 millions. Il n’y avait plus rien à cacher. Si on avait désigné Anne Ouloto pour prononcer le discours, elle aurait peut-être caché quelque chose, s’il y avait quelque chose à cacher. Nous avons choisi celui qui était libre. C’est dommage, parce que ceux qui le disent soit n’étaient pas à la cérémonie, soit sont de mauvaise foi. Parce qu’on n’achète pas le peuple Wê. Nous sommes des hommes libres. Le Président de la République lui-même a dit : «je sais vous m’avez parlé la vérité, permettez-moi de vous parler aussi en vérité ». C’est cette relation que nous aimons. Nous aimons l’honnêteté, la franchise, la fidélité dans les relations. Nous sommes fougueux, nous sommes directs. C’est ce qui fait dire par certains que les Wê aiment palabres. (rires, ndrl). Nous le faisons parce que nous sommes sincères dans nos relations. Je ne crois pas que le Président de la République ait du mépris pour les Wê. Parce que vouloir acheter notre silence, ce serait nous mépriser. Je pense qu’il a plutôt beaucoup de respect pour nous. Il le démontre tous les jours, il l’exprime d’ailleurs. Il faut savoir être honnête et rapporter des choses telles qu’elles sont. Le Président de la République veut avoir une relation particulière avec ce peuple. Il est rattaché à nos traditions. Il connaît la force des traditions. La première chose qu’il a voulu réparer, c’était la question des masques “Glaé” et “Koui”. Parce qu’il sait que c’est un peuple foncièrement attaché à la tradition. Il connaît la force et le pouvoir de la tradition dans la vie des peuples Wê. Les vieux nous disent que s’il y a tous ces malheurs dans la région, c’est parce que les ancêtres sont mécontents, c’est parce que les masques sont mécontents. Ce sont nos croyances. Le Président a touché au point faible. Un Wê sans ses masques, n’est plus Wê. Nous n’allons pas indéfiniment faire la guerre. Toute chose a une fin. Il y a un temps pour faire la guerre, il y a un temps pour faire la paix.

LP : Etes-vous vraiment résolus à tourner la page ?
ADO : C’est nous, les victimes de la guerre. Nous disons que nous ne voulons plus de guerre. Qu’on nous laisse faire la paix. Que ceux qui se sentent à l’aise dans cette situation de conflit, sachent qu’on ne peut perdurer dans une telle ambiance.
Les populations que vous avez vues au palais, sont venues des villages. Elles ont été convoyées par dix cars de huit chef- lieux. Nous avons sept départements dans la région y compris Taï que nous considérons déjà comme un département, parce que Taï mérite d’être département et je sais que le Président nous a entendus. Huit départements, deux cars de 5O places par département. 800 personnes étaient attendues. Nous nous sommes retrouvés à 2500 personnes. Beaucoup étant venus à leur frais. Personne n’a été convoyé ici à Abidjan à partir de Yopougon ou d’Abobo. Partout, on nous demandait de faire venir des cars. Personne ne voulait rater cet événement, personne non plus ne voulait se faire raconter l’événement. Si vous ne portez pas quelqu’un dans votre cœur, vous ne répondez pas à son invitation. Le Wê ne va pas là où son cœur n’est pas.

LP : Pour terminer, vous avez demandé un « plan Ouattara » pour votre région. En quoi consiste ce plan ?
ADO : En ce qui concerne les investissements, le Président Ouattara n’a plus rien à démontrer. Nous-mêmes, nous savons qu’en matière d’investissements, de développement, nous n’avons rien à demander au Président. Vous avez vu nos doléances. Nous n’avons même pas parlé des routes, nous n’avons pas parlé d’infrastructures parce que le Président nous a déjà présenté tout cela. Nous savons qu’il a les solutions à ces problèmes. Les problèmes que nous avons posés sont ceux de la sécurité, des Dozos, les problèmes d’installations des gens armés dans les forêts, des questions d’expropriation, le foncier. Ce sont les problèmes qui touchent à la vie des populations. Je pense que là aussi il a commencé à poser des actes. Il avait besoin d’avoir un peu plus d’informations pour mieux cibler ses actions et leur permettre d’atteindre effectivement leurs objectifs. Mais mieux, d’aider les populations à se sentir bien chez elles, d’aider nos parents à se sentir bien chez eux et nous-mêmes de nous encourager à y aller. Les problèmes de maisons détruites, sont importants. Il y a des villages qui n’ont presque plus de maisons, des cadres qui n’ont plus de maisons, des chefs qui n’ont plus de maisons. C’est une situation qui met l’homme dans une situation dégradante. Le Président a dit que des efforts seraient faits à ce niveau. Nous allons consulter les populations et voir dans l’immédiat, indépendamment de la question des masques, ce qui est possible de faire. Nous avons confiance. Dès lors que nous avons posé des problèmes au Président Ouattara, nous avons la certitude qu’ils seront résolus. Nous ne disons pas aux dozos de partir, mais nous leur demandons de jouer leurs rôles traditionnels. Nous vivons avec eux depuis des années. Mais, aujourd’hui il y a une nouvelle race de dozos qui ne nous rassurent pas. C’est du devoir du Président de la République de mettre de l’ordre et de faire en sorte qu’un dozo reste un dozo à vie sans métamorphose (rires, ndlr). C’est ce qui sera fait. Il a donné des instructions au ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur dans ce sens.

LP : Quel est l’état d’esprit des populations après cette rencontre?
ADO : Lundi avant le départ de nos populations, nous leur avons rendu visite à l’Académie de la mer où elles étaient logées. Nous les avons trouvées heureuses, rassurées, contentes. Elles ont fait des bénédictions à l’endroit du Président de la République en disant : «nous repartons satisfaits ». Quand un père donne l’occasion à son fils de lui parler, de se vider, il sort heureux. Les Wê ont dit haut ce que les autres pensent bas. Nous avons parlé au Président avec confiance et il n’y a pas de raison qu’aujourd’hui nous doutions de quoi ce que soit. Les Wê ont fini par comprendre également que le Président de la République est un homme de parole surtout. Il tient ses promesses. Ils n’ont aucune inquiétude à avoir. Le pari a été gagné. Nous sommes sur la bonne voie. C’est tout à l’honneur du Président de la République d’avoir fait preuve d’une grande humilité. Il a fait preuve de prudence surtout. Il est conscient que les problèmes de cette région sont des problèmes complexes. Il avance à petits pas, il a tenu à marquer une halte et à s’assurer qu’il était sur la bonne voie. Je crois que cette rencontre l’aidera à faire les derniers réglages. Et on sera parti pour de bon.

Réalisé par Charles Sanga
Collaboration : Thiery Latt
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