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Politique Publié le vendredi 9 novembre 2012 | Le Patriote

Interview/ Mel Eg Théodore, président de l`UDCY : "Que les exilés qui n`ont rien à se reprocher rentrent"

© Le Patriote Par Serge T
Mondial 2010 de football: Mel Théodore lance le Comité national des grands événements sportifs (CONAGES) en présence de la sud-africaine Caster Semeneya
Mercredi 26 mai 2010. Abidjan. Ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine, Plateau. Le ministre des Sports, Mel Eg Théodore booste la campagne de mobilisation autour des Eléphants
Deux semaines après la tenue du 3ème congrès de son parti, le président de l'Union démocratique et citoyenne (UDCY), Mel Eg Théodore, s'est ouvert à nos colonnes. De la vie de son parti, du pacte fraternel entre acteurs politiques dont il parle en passant par les points de désaccord avec son allié, le Front populaire ivoirien (FPI), de la question des attaques jusqu'à celle de la sécurisation des frontières, le président de l'UDCY aborde sans faux-fuyants toutes les questions de l'actualité.


Le Patriote : Le 3ème congrès ordinaire de votre parti vient de se tenir à Abidjan. Que doit-on retenir de ces assises ?

Mel Eg Théodore : Effectivement, nous venons de terminer le 3ème congrès ordinaire de notre parti, qui a permis de mesurer la présence du parti en Côte d'Ivoire, bien que nous n'ayons pas été représentés au Parlement. Je dirais aussi que le congrès a permis à nos militants de l'intérieur de braver un certain nombre de difficultés et de venir répondre présents. Donc, c'est un grand réconfort pour nous. Et le congrès s'est tenu aussi dans de très bonnes conditions sécuritaires et techniques et aujourd'hui, les militants de l'UDCY sont repartis confiants en l'avenir.


LP : Vous disiez tantôt que ces assises vous ont permis de mesurer la présence du parti...

MET : Nous avons eu 542 participants venant de l'intérieur du pays et plus de 1200 du District d'Abidjan et des environs. Ce nombre important de délégués venus de l'intérieur nous montre bien que le parti est encore vivant, qu'il se porte bien et surtout que les militants peuvent repartir vers les bases avec un message nouveau. Le message qui a été délivré au cours de ce congrès. Et également se remettre à la tâche pour faire renaître le parti dans leur région. Vous savez que la crise postélectorale a un peu disloqué toutes les organisations. Et toutes les organisations proches du CNRD (Congrès national pour la résistance et la démocratie) se sont dispersés et ont pris leur direction. Donc, c'était une bonne chose de constater que nous pouvons maintenant convoquer un congrès et les militants peuvent se rendre librement à la convocation de leur parti sans rien craindre. Les gens nous disaient, c'est Treichville, vous risquez d'être envahis dans les rues par les militants des partis au pouvoir, mais ça n'a pas été le cas. J'ai eu le plaisir de saluer quelques amis des partis au pouvoir, qui étaient de passage à titre personnel pour venir nous saluer.


LP : Au cours de ce congrès, vous avez lancé l'idée d'un pacte fraternel entre acteurs de la classe politique. Pouvez-vous nous dire ce que recouvre exactement cette notion ?

MET : Le pacte fraternel, je le résumerai en disant que c'est un contenu que nous avons voulu donner à la politique de la main tendue du pouvoir. On a publié dans la presse que le président de la République tendait la main à l'opposition, on a pu participer nous-mêmes à des rencontres politiques, notamment à Grand-Bassam avec le Premier ministre. Grand-Bassam ayant été une mise en commun des préoccupations, la première réunion de décrispation, parce que c'était la première fois depuis la crise, que nous nous retrouvions entre membres du gouvernement et membres de l'opposition pour échanger et dire que nous avons décidé de tourner la page et de regarder l'avenir avec beaucoup plus de sérenité.


LP : Votre parti, qui est membre du CNRD, a-t-il décidé de s'inscrire dans une opposition autre que celle prônée par le FPI ? Autrement dit, l'opposition responsable dont vous vous réclamez a-t-elle rompu les amarres avec le FPI ?

MET : Sur cette question, il faut dire que nous avons des points de désaccord. Notamment sur la façon d'appréhender le dialogue républicain tel qu'il est annoncé. Mais nous sommes tous les deux partis, membres du CNRD. D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous avons créé avec d'autres partis politiques, la plate-forme LMP (Ndlr : Ligue des mouvements pour le progrès) pour nous permettre d'être onze partis politiques. Et nous avons choisi une ligne de conduite qui est celle de la négociation. Le FPI est donc un partenaire. Nous avons besoin de créer les conditions pour que le FPI comprenne aussi qu'il faut aller à la négociation. Nous avons aussi besoin de créer les conditions pour que le pouvoir mette de l'eau dans son vin pour dire que les Ivoiriens peuvent se retrouver. Il est évident que nous sommes diamétralement opposés à tout discours tendant à raviver les plaies qui sont encore béantes. Mais nous restons un parti d'opposition responsable. Nous sommes un parti sorti d'un congrès qui réalise qu'il faut coûte que coûte aller à la réconciliation.


LP : Le FPI vous accuse à demi-mot, parfois ouvertement, de trahison et de collaborer avec le pouvoir. Que répondez-vous à ces accusations ?

MET : Ecoutez, dès que vous êtes en dehors de la ligne de certaines personnes, les gens se précipitent pour dire que vous êtes traitre. Mais je dois vous dire que dans le discours que j'ai prononcé à l'ouverture du congrès, j'ai exhorté les gens, les citoyens, les acteurs politiques à laisser de côté ces appréciations subjectives, qui ne sont le reflet que d'hésitations ou de déceptions. Mais tout le monde le sait, l'UDCY est un parti à part entière et il est libre d'avoir sa ligne de conduite. Par conséquent, à ceux qui pensent que c'est une trahison, je me demande bien de quelle trahison il s'agit et trahison par rapport à quoi. Je ne crois pas avoir trahi. Ma position reste la même. A la clôture du congrès, vous avez vu que le secrétaire général du parti a relevé que le message livré est le même discours que j'ai tenu il y a 12 ans. Or, dans ce discours déjà, nous demandions aux Ivoiriens de se donner la main, d'éviter tout ce qui pouvait nous opposer.


LP : Depuis des mois, de fréquentes attaques contre les positions de l'armée ivoirienne surviennent de part et d'autre en Côte d'Ivoire. Quelle lecture en faites-vous ?

MET : J'ai déjà condamné ces différentes attaques, parce que la Côte d'Ivoire a besoin de stabilité. Nous aspirons tous à gouverner le pays mais nous ne pouvons pas diriger un pays totalement instable, sans structures et sans fondamentaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous estimons que le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour que la sécurité soit restaurée sur l'ensemble du territoire. Concernant ces attaques, je ne sais pas si finalement se sont des attaques de despérados, c'est-à-dire des attaques de personnes désespérées d'une situation ou alors se sont des attaques purement de grand banditisme. Mais cela doit interpeller le gouvernement, notamment sur la sécurisation des frontières. Nous avons une frontière avec le Ghana et avec le Libéria. Nous partageons les mêmes populations de part et d'autre des frontières. Ce qui rend difficile le contrôle de la circulation des hommes. Mais le gouvernement peut établir des postes conséquents de contrôle du côté libérien où nous partageons plus de 760 kilomètres de frontières. Ces postes peuvent être avec des brigades mobiles de contrôle. Si la Côte d'Ivoire est destabilisée par des attaques de ce type-là, ça veut dire que les investisseurs ne vont pas venir malgré les atouts de la Côte d'Ivoire. Vous avez vu que le pays a été classé récemment avec un indice. Cela doit nous interpeller. Et ce n'est pas seulement une affaire économique, c'est un problème de sécurité. La sécurité doit être rassurante. Pendant que nous étions au pouvoir, on a dit qu'il y a d'autres moyens de revendiquer que de prendre les armes. Ce n'est pas au moment où nous sommes de l'autre côté de la barrière que nous devons oublier les proposotions et positions que nous avons prises à l'époque.


LP : Etes-vous d'avis contraire avec ceux qui accusent les pro-Gbagbo d'être derrière ces attaques ?

MET : Je ne suis pas d'accord qu'on attribue systématiquement ces attaques aux pro-Gbagbo. Moi, je suis un pro-Gbagbo, je n'ai aucun contact et je n'ai aucune vélléité d'aller attaquer qui que ce soit ou d'organiser des attaques contre qui que ce soit. Quand on dit que ce sont des pro-Gbagbo qui ont attaqué, on nous met dans des positions difficiles. Je pense que ce sont des despérados, des gens qui mènent des actions désordonnées qui sont condamnables parce qu'il y a d'autres voies pour se faire entendre.

La négociation peut être une voie même si elle est difficile, étroite et dure parce qu'on doit se dire des choses, même si on doit sortir de la salle fâchés, mais au moins, il faut s'asseoir autour d'une table pour parler.


LP : Vous proposez des mesures sécuritaires pour la seule frontière avec le Libéria. Quand est-il pour la frontière avec le Ghana ?

MET : Vous savez que la frontière du Ghana à elle seule produit à peu près 30% des échanges intra communautaires de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest). Tout ce flux qui va vers le Ghana dépasse la frontière pour aller au Togo ensuite au Bénin et au Nigéria. Nous avons un flux commercial très important. Ce qui entraîne de vastes mouvements de populations. En son temps, la proposition avait été faite d'installer des postes juxtaposés mais des postes douaniers. Je pense que la proposition tient toujours sauf que là, ce sont des postes militaires qu'il faut. Parce qu'aujourd'hui, nous avons besoin de sécurité du côté de la frontière du Ghana. Du côté du Libéria, nous avons un fleuve, il est difficile de traverser le fleuve à souhait. Du côté du Ghana, c'est la lagune qui est très libre où on assiste à des mouvements de circulation des populations. Je pense que les moyens de la Marine nationale peuvent être renforcés à ce niveau et que des postes de sécurité doivent être construits entre les deux pays. Et qu'il y ait en plus, une brigade mobile qui circule le long des frontières. Et ce n'est pas parce qu'on est en crise, c'est une disposition normale. La même chose peut être faite à Ouangolo. Un premier poste y avait été construit mais c'était un poste à caractère économique.


LP : Contrairement à vous qui êtes rentré d'exil, de nombreux Ivoiriens se trouvent encore dans d'autres pays. Qu'est-ce que vous pouvez leur adresser comme message pour les persuader de rentrer au pays ?

MET : Dans le pacte fraternel, nous demandons dans le dernier chapitre lié aux exilés, au président de la République d'offrir l'opportunité à ceux qui sont à l'extérieur de venir parce qu'il y a ceux qui sont partis par peur simplement, qui ne sont pas des criminels, qui ne sont pas des fauteurs de troubles. Il y a aussi ceux qui sont partis parce qu'ils avaient quelque chose à se reprocher et il y a ceux qui sont partis parce qu'ils avaient d'autres intentions ou parce qu'ils avaient la capacité d'aller ailleurs. Je profite de l'occasion pour dire que moi je n'étais pas en exil, j'étais en mission. Lorsque les évènements sont survenus, les frontières ont été fermées. L'aéroport d'Abidjan était fermé. J'étais donc obligé de m'arrêter en cours de route parce qu'aucun avion ne pouvait venir en Côte d'Ivoire. Ceci étant, lorsque nous nous adressons ainsi au chef de l'Etat c'est parce que nous savons aussi qu'il y a beaucoup de chefs de familles qui ne peuvent plus exercer dans la Fonction publique, des personnes qui ont été rayées des effectifs. C'est seulement le chef de l'Etat qui peut prendre une décision de clémence à l'endroit de ces personnes-là. Nous le demandons dans le pacte fraternel, parce que ce sont des choses faisables, mais seulement à la faveur du pouvoir discrétionnaire du président de la République. S'il veut tendre la main surtout à ceux qui sont en exil, il faut des mesures. On ne demande pas comme certains la reconstitution du patrimoine de certains ou d'autres choses plus compliquées. Mais si le président leur demande de rentrer et qu'il permet à ceux qui ont perdu leur emploi et qui travaillaient pour le compte de la République, de retrouver leur emploi ou d'étudier au cas par cas leur situation, ce sera une bonne chose. Les membres du gouvernement peuvent évoquer des contraintes mais il y a le pouvoir discrétionnaire du président de la République. Aux frères qui sont en exil, je peux leur dire qu'ils peuvent rentrer. Je veux qu'ils sachent qu'il n'y a aucune malice. C'est vrai que je n'ai pas le pouvoir de leur demander de rentrer. Mais je veux leur conseiller de rentrer, parce qu'ensemble on peut former des délégations pour aller voir les différentes autorités pour résoudre les problèmes. Moi qui vous parle, je ne suis pas payé. On me doit des salaires de ministre, des pensions de député, de Conseiller économique et social. Ce sont des choses qui doivent être examinées. Si je suis là et que je vais frapper à la porte des différentes institutions pour dire : ''voilà, je suis venu pour qu'on me rétablisse dans mes droits''. Je pense que j'ai des chances de trouver des oreilles attentives. Mais vous ne pouvez pas rester à l'extérieur et demander qu'on vous rétablisse dans vos droits. C'est en venant que leur situation peut être réglée pour qu'ils sortent du ghetto. C'est le ghetto, il ne faut pas croire que les trois ou quatre mille Ivoiriens qui sont au Ghana vivent bien. C'est beaucoup de souffrances. On ne doit pas rester là bas. J'ai écouté le président de la République lui-même qui a dit qu'on ne doit pas être condamné à rester en exil parce qu'il a lui-même expérimenté l'exil. Saisissons la balle au bond et prions Dieu pour qu'il touche aussi bien le cœur du président Alassane Ouattara que celui des uns et des autres pour qu'on puisse retrouver une situation normale dans le pays.


LP : Le processus de réconciliation est crispé. Que propose l'UDCY pour que le pays puisse sortir de ce tourment ?

MET : Mais écoutez, en plus des propositions faites dans le cadre du pacte fraternel avec le volet concernant les exilés, nous demandons aux exilés qui n'ont rien à se reprocher de rentrer. Nous pouvons servir de courroie de transmission puisque nous sommes tous des amis, des collègues. Il faut que ce soit par des actes de rencontres que nous puissions décrisper la situation. Moi, j'étais récemment à l'école de police pour la sortie des élèves de la promotion 2012-2013. Si nous arrivons à nous rencontrer souvent cela peut relancer la confiance et amener la décrispation. Il faut que nous entrions dans une phase de décrispation du milieu politique.

Réalisée par COULIBALY Zoumana
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