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Société Publié le vendredi 21 décembre 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Logements sociaux / Ça coince toujours en Côte d`Ivoire : Voici comment le Maroc peut aider Abidjan

La question du logement est propre à tous les pays africains même si le Maroc semble sortir du lot. Dans le royaume chérifien, la lutte contre les bidonvilles a été décrétée. Chaque année, des habitations aux alentours de grandes villes ne répondant pas aux normes, sont détruites et reconstruites. Le pays s’est imposé une rigueur, qui lui a permis de canaliser le déficit de logements dont il souffrait.

Adulé en la matière, le Maroc exporte aujourd’hui, ses expériences dans d’autres pays d’Afrique. A la faveur du Forum international Afrique Développement organisé par le Groupe Attijariwafa Bank à Casablanca (Maroc) les 8 et 9 novembre 2012, nous avons eu l’occasion de visiter quelques réalisations dans le domaine de l’habitat et des promoteurs. M. Nour Eddine Charkani El Hassani est le président du directoire de Wafa Immobilier. Il est heureux que son pays ait été sollicité pour aider la Côte d’Ivoire en matière de politique de l’habitat.

Comment le Maroc est parvenu à résoudre le problème de l’habitat?

Le modèle de réussite du Maroc dans le domaine de l’habitat ne tombe pas du ciel. C’est le fruit d’une volonté politique, explique M. Nour Eddine Charkani El Hassani. Il y a quelques années, le pays connaissait un déficit en logements. Cela a favorisé le développement des bidonvilles aux alentours et à l’intérieur des grandes villes, créant ainsi l’insécurité. Pour résorber les besoins croissants en logement, l’Etat a mis en place des réformes. Celles-ci se sont traduites par la création de fonds de garantie, la création d’une agence d’aménagement avec un pouvoir fort, ce qui a abouti à la création de sociétés de droit privé. Pour se donner plus de moyens afin de prendre en compte tous les besoins, l'Etat marocain a revu à la hausse les ressources allouées au Fonds de Solidarité de l'Habitat. De même, afin d'encourager la promotion immobilière privée à s'impliquer davantage dans la production de logements sociaux, des encouragements fiscaux ont été accordés aux promoteurs immobiliers. Afin de permettre à la population démunie d'accéder au crédit bancaire, deux fonds de garantie ont été mis en place : Fogarim et Fogaloge. Ces fonds ont été créés en remplacement du système des ristournes d’intérêts, qui ne concernait que la population à revenu régulier et excluait ainsi une grande partie de la population non éligible au crédit bancaire à cause de l’irrégularité de ses revenus. Le Fogarim est destiné aux personnes à revenu modeste et non régulier pour acquérir un logement ne dépassant pas 200000 dirhams (près de 11 millions de CFA). A cette fin, la Caisse Centrale de Garantie a été dotée d’une enveloppe de 600 millions de dirhams (près de 35 milliards de FCFA), financée par le Fonds de solidarité de l'habitat (FSH). Quant au fonds Fogaloge, il vise la couverture des prêts bancaires accordés au personnel du secteur public pour l'acquisition ou la construction de logements sociaux (6).

Les leviers de l’exemple de réussite marocaine
Le gouvernement marocain doit sa réussite à trois leviers. Le premier concerne la réserve foncière. A ce niveau, comme l’explique Nour Eddine Charkani El Hassani, tout a été mis en place de sorte qu’un opérateur immobilier qui décide de construire n’ait pas des difficultés avec l’administration ni avec les populations locales. A entendre Nour Eddine Charkani El Hassani, c’est très important que les pays qui aspirent à des projets d’habitat social fassent l’effort de sécuriser la réserve foncière. Le deuxième levier, a-t-il encouragé, c’est la fiscalité. Si le Maroc est parvenu à maîtriser le déficit en logement, c’est grâce à sa politique fiscale. En effet, comme l’a indiqué Nour Eddine Charkani El Hassani, un abattement considérable a été fait au niveau de la politique fiscale. Ce qui est encourageant et incite les promoteurs immobiliers à s’y investir. Le troisième levier, c’est le financement. Si on s’en tient à Nour Eddine Charkani El Hassani, celui-ci est moins contraignant. Car, s’il y a de la garantie, c’est sûr que les banques vont réagir. Et la garantie dont il parle, c’est bien la réserve foncière, il est sûr que les titres fonciers vont être délivrés sans difficulté et s’assurer que les taxes (impôts) sur les entrants, les bénéfices ne seront pas contraignants pour le promoteur. «Aujourd’hui, la fiscalité, c’est un des leviers au Maroc. Parce qu’au Maroc, le logement social est complètement défiscalisé. Il y a exonération de la TVA, exonération de toutes les charges liées à la construction. On touche tous les citoyens moyens. En réalité, tous les logements sociaux sont défiscalisés. Même quand vous achetez un terrain, tout est défiscalisé, lorsque vous opérez dans le cadre de logement social», explique le président du directoire de Wafa Immobilier.

Ce que les promoteurs immobiliers attendent du ministre de la Construction et du Logement, Sanogo Mamadou
Le marché de l’immobilier en Côte d’Ivoire est porteur. Toutefois les promoteurs attendent la levée des obstacles pouvant ralentir les initiatives. C’est d’ailleurs à ce titre que Mme Kaba Nialé, alors ministre de la Promotion du Logement s’était rendue au Maroc où elle a obtenu de Addoha (leader Marocain de l’immobilier), la garantie en vue de la construction de 2 600 logements sociaux à Abidjan dont 2000 à N’Dotré (commune d’Abobo) et 600 à Koumassi. Dans le cadre de cette opération, le coût des appartements devront revenir aux acquéreurs à 13 millions de FCFA, payables sur 25 ans, soit 45 mille FCFA par mois. L’objectif du groupe Addoha est de mettre son savoir-faire aux services des populations ivoiriennes en construisant des dizaines de milliers de logements. Une initiative qui vise à aider le Président Alassane Ouattara à résorber le déficit en logements qui se chiffre à plus de 400 000 logements. Une a été signée. Mais au-delà de la convention, les promoteurs immobiliers entendent traduire en acte tous les engagements. «La ministre de la Promotion du Logement en Côte d’Ivoire (Ndr : Kaba Nialé) était présente au Maroc. La première convention avec la Côte d’Ivoire a été signée avec un groupe de promoteurs immobiliers, représenté par le Groupe Addoha qui opère sur tout : tant dans le domaine de logement social. Il y avait aussi la participation de la Banque (Ndr: Attijariwafa Bank). Parce que sans les établissements bancaires, nous ne pouvons jamais booster l’immobilier. Donc, il faut du financement. Les trois leviers avant la construction sont : la réserve foncière, la fiscalité et le financement. La convention que nous avons signée avec la ministre ivoirienne, est un engagement tripartite. C’est un engagement de la Banque d’accompagner le promoteur pour le financement, c’était aussi un engagement du promoteur à réaliser le projet, c’était aussi un engagement de l’Etat de Côte d’Ivoire à préparer le ‘’terrain’’», précise le patron de Wafa Immobilier. Comme le souligne Nour Eddine Charkani El Hassani, la mise en place de logements sociaux exige de la sécurité au niveau de chaque parcelle où doit s’installer un immobilier. La sécurisation impose qu’il y ait un titre foncier, il faut que la banque puisse bâtir une hypothèque pour pouvoir financer. La situation telle que relatée, aucun promoteur ne peut faire d’hypothèque s’il n’y a pas de titre foncier.

Le marché de l’immobilier en Côte d’Ivoire est porteur, mais…

Un des leviers pour le développement de l’habitat, c’est la sécurisation de la réserve foncière, il faut aussi un financement adapté, et une fiscalité adaptée avec toute la bonne volonté. «Si vous trouvez des frais d’inscription à des hypothèques à 10%, nous ne pouvons jamais encourager l’accès à la propriété. Dans les programmes sociaux, il faut une fiscalité adaptée, il faut sortir du cadre habituel et mettre en place des moyens exceptionnels pour faire face à la problématique du logement au niveau de la Côte d’Ivoire», interpelle Nour Eddine Charkani El Hassani. Qui précise qu’au-delà du foncier, il faut une accessibilité de la fiscalité. Celle-ci doit être adaptée au contexte afin de permettre aux couches sociales, tous ceux qui étaient rejetés du secteur bancaire d’accéder à la propriété par le biais d’une véritable adéquation entre la qualité de logements qui est proposé et les moyens financiers du citoyen moyen rejeté par le secteur traditionnel.

Créer les conditions de l’intégration des Ivoiriens non bancarisés dans le secteur bancaire
Entre autres forces du Maroc, c’est de réussir à intégrer les acteurs du secteur dits informels dans le secteur bancaire. Cela se traduit par un taux élevé de populations bancarisées. Cette politique, aux dires du patron de Wafa Immobilier, a permis la prise en compte rapide des populations à revenus faibles dans la mise en œuvre de l’habitat social. Ceux qui opèrent dans les secteurs dit informels sont les marchands ambulants qui n’ont jamais intégré le secteur bancaire, c’est aussi les chauffeurs de taxis, les coiffeurs. «Ce sont des gens qui travaillent dans l’économie informelle. Mais vis-à-vis de la banque, ils n’ont pas de revenus leur permettant d’accéder au financement. Aujourd’hui, l’Etat doit penser à cette catégorie de personnes qui représente bon nombre de la population ivoirienne. Et l’Etat doit mettre en place un fonds de garantie minimum permettant aux banques d’aller vers cette catégorie de personnes en leur permettant d’avoir accès au financement», indique Nour Eddine Charkani El Hassani. Il souligne que, c’est de cette façon que ceux qui étaient rejetés par le secteur bancaire pourront accéder aux produits bancaires. Il encourage cela, car, estime-t-il, le marché de l’immobilier en Côte d’Ivoire est très porteur. Parce qu’il y a une bonne partie de la population qui n’est pas encore logée ou qui logent sous forme de location. Mais pour y arriver, insiste-t-il, ‘’la réserve foncière doit être sécurisée. Et si elle est faite, les promoteurs viendront. Car, sont encore très nombreux ces promoteurs qui observent et n’attendent que le feu vert.

La Côte d’Ivoire en parfaite harmonie avec les promoteurs

Participant aux journées des banquiers de Côte d’Ivoire, l’ancienne ministre de la Promotion du Logement, aujourd’hui ministre délégué auprès du Premier ministre en charge de l’Economie et des Finances, Mme Kaba Nialé, a promis lever les obstacles à la réalisation de l’habitat social. «Pour accompagner et garantir le succès de cette politique, il nous faut lever entre autres les contraintes administratives dans la délivrance de la documentation et des actes administratifs sur le foncier, indispensables à l’octroi du crédit immobilier», a-t-elle assuré. Aussi promet-elle de mobiliser des ressources longues adaptées au financement bancaire de l’immobilier afin de faciliter l’accélération des procédures d’inscription et de réalisation des hypothèques. C’est la raison pour laquelle, elle se réjouit de la mise en place de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire (CRRH). En effet, la mise en place de ladite caisse devra permettre de bénéficier de prêts à long terme pour l’acquisition d’un logement. Ce mécanisme régional contribuera à faciliter l’accès au logement grâce aux financements disponibles. Aussi, attend-elle du secteur financier national, un engagement prononcé et la mise en place de mécanismes appropriés pour répondre à la problématique du financement pour le logement en Côte d’Ivoire.
Honoré Kouassi
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