Arrêtés le lundi 4 février dernier à Yamoussoukro et mis sous mandat de dépôt, le lendemain, les 12 syndicalistes, membres de l’Intersyndicale du secteur éducation formation (ISEF), ont comparu hier devant le tribunal des flagrants délits de Toumodi. Ils étaient poursuivis pour violences et voies de faits sur des enseignants, des violences n’ayant entrainé aucune incapacité de travail sur les victimes. Le délit de violences et voies de faits n’a pas été retenu. Par contre, le tribunal les a reconnus tous coupables pour le délit de troubles au bon fonctionnement des services publics. Il leur a néanmoins accordé des circonstances atténuantes et les a condamnés à 3 mois d’emprisonnement assorti de sursis et 20 000 frs d’amende. En conséquence, les 12 responsables syndicaux ont regagné leurs domiciles respectifs. En vérité, rien apparemment ne présageait un tel dénouement. Le procès s’est déroulé sous haute surveillance policière. De nombreux policiers étaient postés aux alentours du tribunal dont l’entrée était filtrée. En étaient exclus les élèves. Ceux-ci, très nombreux venus dès les premières heures de la matinée chantaient des chants de campagne de Laurent Gbagbo, et scandaient : « Libérez ! Libérez ! Libérez ! » La police a dû utiliser la manière forte pour les chasser loin du tribunal. Cela a donné lieu à une course-poursuite. Quant aux enseignants, ils étaient venus également en très grand nombre soutenir leurs camarades d’infortune. L’ambiance surchauffée de l’extérieur et celle de la salle d’audience faisaient monter la tension. Par son sens de l’humour, le président du tribunal, M. Mé Kouassi Fernand, a réussi à détendre l’atmosphère. Mis à l’aise, les prévenus bien que ne bénéficiant pas de conseil juridique ont pu apporter les arguments qui ont convaincu le tribunal. Le procès a commencé avec plusieurs de retard. Les greffiers étant en grève, en trouver un n’a pas été facile. Le président du tribunal et le procureur de la République, M. Djelli N’goran Siméon, ont fait savoir que la liberté des prévenus en dépendait. Le premier à la barre est M. Kouassi Kanga Célestin, secrétaire général du MIDD, président local de l’ISEF. Il a rejeté en bloc les faits. « Jusqu’à présent, on ne m’a pas encore dit ce qu’on me reproche », a soutenu le responsable syndical. Il a expliqué que c’est au sortir d’une rencontre avec les camarades du lycée des jeunes filles Mamie Adjoua de Yamoussoukro qu’ils ont été arrêtés puis conduits au commissariat du 1er arrondissement de la ville. Mieux, ils n’ont exercé aucune violence sur quelqu’un. Ses 11 co-accusés qui l’ont succédé à la barre ont abondé dans le même sens, ajoutant que contrairement à ce qui leur est reproché, c’est plutôt eux qui ont été victimes de violences morale et physique. Des aveux leur ont même été extorqués, à en croire l’un d’eux. Il y en a qui n’étaient pas à la rencontre du lycée Mamie Adjoua mais qui ont été arrêtés soit au portail, soit au commissariat de police quand ils y sont allés aux nouvelles après avoir appris l’interpellation de leurs camarades. « Nous avons été victimes de violences, vu les conditions de notre détention, », a déclaré M. Ello Edouard. Dans son réquisitoire, le procureur a soutenu que les revendications des grévistes n’a rien de corporatiste. « Je note que vos revendications ne sont pas corporatistes, elles sont politiques », a-t-il déclaré sous les désapprobations de l’auditoire. Finalement, en l’absence de la principale plaignante, le proviseur du Lycée Mamie Adjoua en l’occurrence, des présumées victimes de violences, le tribunal a pris acte et après en avoir délibéré, a déclaré les prévenus non coupables du délit de violences et voies de faits. Il les a néanmoins condamnés à trois mois de prison avec sursis pour avoir fait obstruction au bon fonctionnement des services publics. Ce verdict est synonyme de la mise en liberté des responsables syndicaux.
Pierre Djessane Gervais
djessane@yahoo.fr
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