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Économie Publié le mardi 21 mai 2013 | Le Nouveau Consommateur Hebdo

Gros plan sur le gaz : Augmentation anarchique du prix du gaz

© Le Nouveau Consommateur Hebdo Par Serges T.
Energie : Bouteilles de gaz domestique butane
1- Le nœud du problème
2- Ceux qui créent le désordre
• L’indifférence coupable de l’Etat

Le combat pour le respect du prix du gaz butane en Côte d’Ivoire n’est toujours pas gagné. Il demeure encore une bataille quotidienne pour les revendeurs de gaz. Regroupés pour constituer une force, l’Association des revendeurs de gaz de Côte d’Ivoire (AREGACI), la Coopérative des femmes revendeuses de gaz (COOFREGAZ) et le Syndicat ivoirien des revendeurs de gaz (SIRGAZ) mènent la lutte, avec à leur tête, le SIRGAZ de M. Gbalo Evariste, Secrétaire général dudit syndicat. Mais elles n’avancent pas. Pour l’évidente raison que la pratique des prix anarchiques demeure, fait rage en Côte d’Ivoire et semble être encouragée. Ainsi, le prix du gaz n’est pas respecté à l’intérieur du pays, tout comme dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan.
En effet, selon M. Gbalo Evariste, s’il est constaté que les prix du gaz (B6) atteint la somme de 3000f Cfa à l’intérieur et plus de 2000f Cfa à Abidjan, c’est parce que « rien n’est précisé au départ par l’Etat ». « Je ne peux pas vous préciser le prix auquel le gaz devait être vendu à l’intérieur. Par contre, lorsque le prix du gaz est fixé par le gouvernement, Abidjan est pris comme repère, afin de fixer le prix sur le marché, par rapport au nombre de kilomètres parcouru ». C’est ainsi qu’à Abidjan, la B6 est à 2200f au lieu de 2000f Cfa (prix officiel) et la B12 à 5500f Cfa.
C’est dire que la dernière mesure officielle du gouvernement sur le réajustement du prix du gaz butane, il existe encore quelques points de vente qui en font à leurs tête.

Pourquoi une telle pratique ?

A première vue, on croirait que les revendeurs de gaz qui disent lutter contre l’anarchie des prix, sont ceux-là même qui ne respectent pas les prix homologués. Or, « l’arrêté du gouvernement qui fixe le prix ne donne pas un prix d’insertion au niveau des revendeurs de gaz ». En clair, les revendeurs ou détaillants ne connaissent pas le prix auquel ils doivent acheter le gaz avec les demi-grossistes ou les mandataires.
Cependant, ils connaissent le prix auquel ils doivent le vendre à la consommation. Puisque fixé par un arrêté gouvernemental. « Nous ne sommes donc pas pris en compte », déplorent les responsables de syndicats. Or, lorsqu’un arrêté fixe le prix d’un produit subventionné comme le gaz, il doit tenir compte de la production et de ceux qui le distribuent. C’est bien ce qui se passe. Aujourd’hui, le gaz est produit par l’Etat et distribué par la chaîne de différents distributeurs. Cela commence par les marqueteurs, les distributeurs (qu’on appelle aussi les mandataires) et les revendeurs de gaz. Où se trouve donc le problème ?

Confusion et désordre

A l’origine du drame des Consommateurs, se trouve une confusion incroyablement faite par les autorités ivoiriennes. Selon les acteurs de la filière, « les autorités ivoiriennes confondent distributeurs, marqueteurs et revendeurs ». Les marqueteurs sont ceux qui donnent une marque à leurs bouteilles. Par exemple, la Petro-ci, Oryx, Total, etc. Mais au niveau de l’Etat, on les appelle des distributeurs. Or, en fait, ce ne sont pas eux (marqueteurs) qui sont les distributeurs. Cette confusion apparaît nettement dans l’arrêté qui ne fixe pas le prix auquel les marqueteurs doivent vendre le gaz aux mandataires. Mais fixe plutôt le prix auquel les revendeurs doivent vendre le gaz. A y voir de près, les causes de l’anarchie au niveau des prix du gaz résident dans la mauvaise interprétation des termes techniques utilisés dans ce secteur. « Quand par exemple, l’Etat ivoirien parle de marqueteurs, ils fait allusion aux distributeurs. Nous, quand nous parlons de distributeurs, nous parlons de mandataires, c’est-à-dire des gens à qui les marqueteurs ont donné mandat de vendre le gaz. Voilà la différence que nous faisons. Cette confusion fait que l’arrêté gouvernemental ne fixe pas le prix auquel nous devons acheter le gaz chez les mandataires ». Il est donc clair. Le désordre dans la pratique des prix émane de cette confusion des termes techniques.
« Ce ne sont pas les revendeurs qui créent le désordre, mais plutôt l’Etat, à travers l’arrêté. C’est le premier fait du non respect des prix », se défend M. Gbalo Evariste, secrétaire général du SIRGAZ.

La marge exigée

Le deuxième fait, est que les revendeurs de gaz disent avoir toujours demandé à l’Etat de voir leur marge bénéficiaire sur chaque bouteille à la hausse. A cet effet, des propositions auraient été faites à l’Etat. « Si cette marge est obtenue, nous mettrons de l’ordre dans le secteur. Sinon, il y aura toujours le désordre ».
Depuis des années, les revendeurs de gaz gagnent 150f Cfa sur la B6 et 250f Cfa sur la B12. Et ce, malgré le fait que le gaz ait connu plusieurs évolutions au niveau de son prix. « Avec l’ex-ministre du Commerce, Dagobert Banzio, nous avions discuté de ce problème, en présence de l’ex-Premier ministre, Ahoussou Jeannot, à la CAISTAB. Il nous avait vraiment fait savoir que lorsqu’il y aura une marge qui sera mis à la disposition des distributeurs, cette marge sera repartie de façon équitable. Nous pensions donc que s’il y a un nouveau prix, cela doit être pris en considération. Malheureusement, cela n’a pas été fait. Donc dès l’annonce du nouveau prix le 02 janvier 2013, nous avons décidé le 03 janvier, d’arrêter le travail ».
Chose après quoi, le ministère du Commerce a fait appel aux revendeurs, le vendredi 04 janvier 2013, par le biais du directeur de commercialisation des produits de bases, M. Oulaï François. Ce dernier leur a demandé d’ouvrir les magasins de vente et de venir lui faire des propositions qu’il transmettra au ministre, pour étude. Ce qui a été fait le lundi 07 janvier 2013. Dans le document, les revendeurs réclamaient 25% sur la B6, c'est-à-dire sur le prix de session ; 20% au niveau de la B12 et 15% pour la B28. « Nous voulions que l’Etat nous diminue le prix de cession. »
Après cette rencontre, les magasins ont été rouverts. Mais certains de leurs amis débordaient dans les prix. Les trois structures de lutte ont tapé du poing sur la table, au cours d’une Assemblé générale. Parce qu’elles étaient en négociation avec l’Etat. « On connaît le problème, mais n’allez pas au-delà des prix fixés. Notre souhait est que l’Etat revoie le prix de cession. Pour que nous puissions acheter le gaz moins cher pour pouvoir le revendre au prix indiqué ».

En cas de non respect du prix

Normalement, un magasin qui vend le gaz à ces prix là, doit être scellé par le ministère du Commerce. Et celui qui achète son gaz à un prix élevé, doit saisir un syndicat qui va prendre ses responsabilités. Mais la loi ne dit pas de sceller les magasins qui ne respectent pas les prix. N’empêche, lorsqu’il y a un contrôle et qu’il est constaté qu’un revendeur ne vend pas au prix officiel, il est verbalisé. S’il est d’accord avec le procès verbal, il le signe. D’ailleurs, il existe un comité de revendeurs qui siège et qui statue sur les procès verbaux. S’il constate que le concerné est vraiment en erreur et que ses raisons ne sont pas valables, on lui inflige une amende. S’il refuse de payer l’amende, alors la sanction augmente. Soit on saisi sa marchandise, soit on ferme son magasin. Et s’il n’arrive toujours pas à payer l’amende, on lui intente un procès en justice pour l’amener à payer. Au quel cas, c’est la prison.

De l’argent perdu

Un autre phénomène qui irrite les revendeurs de gaz : les frais qu’ils se voient contraints de payer à des marqueteurs. « Effectivement, les livreurs nous prennent de l’argent. Si tu refuses, tu risques de ne pas être livré à temps ». Même s’il est difficile de prouver cela (par manque pas de pièce à conviction), les revendeurs de gaz affirment cependant qu’ils en sont régulièrement saisis. « Nous avons eu des réunions avec les mandataires sur le sujet, mais ils ont toujours nié cela. Vous comprenez que c’est de l’argent perdu ».

Une nouvelle réglementation

Dans la foulée, les acteurs demandent qu’il y ait une nouvelle réglementation dans la filière. Parce que celle qui existe dit que l’Etat a signé un contrat avec les marqueteurs, chargés de vendre le gaz aux ménages. Par conséquent, il (l’Etat) n’à rien avoir avec les mandataires et les revendeurs. D’où, tout le désordre qui engendre la hausse du prix du gaz. « Nous avons demandé que l’Etat organise un séminaire afin de prendre en compte la réglementation qui existe sur le terrain et qui prend en compte les revendeurs. Mais ça n’a jamais été fait ».

L’indifférence coupable

L’initiative d’une nouvelle réglementation est-elle inopportune ? L’Etat n’en a-t-il pas les moyens ? En attendant des éléments de réponse, les revendeurs de gaz, eux, y voient dans l’indifférence de l’Etat, un refus de les aider à lutter efficacement contre l’augmentation anarchique des prix du gaz butane. « Mais nous nous battons pour sortir de ce désordre, parce que nous perdons beaucoup d’argent. Les contrôleurs, la Police, tout le monde vient nous prendre de l’argent. Même le ministère des mines qui a écrit l’arrêté vient nous prendre de l’argent. Et ce combat, nous le menons depuis 2008. Aujourd’hui, on a presque le dos au mur et l’Etat est venue sceller nos magasins ».

Yohann Rachel
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