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Politique Publié le lundi 22 juillet 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Confirmation des charges contre Laurent Gbagbo / Fatou Bensouda confiante : ‘‘Les juges n’ont pas dit que M.Gbagbo n’est pas responsable’’

© L’intelligent d’Abidjan

Avant de quitter Abidjan dans la soirée du samedi 20 juillet 2013, Mme Fatou Bensouda a animé une conférence de presse au Pullman-Plateau, pour faire le point de sa visite en Côte d’Ivoire. La procureure de la Cour Pénale Internationale qui a rencontré certaines autorités ivoiriennes, dit avoir reçu des assurances d’une pleine et entière collaboration quant à l’exécution des mandats d’arrêt émis ou à venir concernant la Côte d’Ivoire. Ci-dessous, de larges extraits de ses échanges avec la presse nationale et internationale.

Les propos liminaires de la procureure près la CPI


En tant que procureur de la cour pénal internationale, c’est un grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette conférence de presse. Je ne voulais pas clore ma visite technique en Côte d’Ivoire sans faire le point avec vous sur les activités et les rencontres entreprises dans le cadre de mon programme officiel depuis mon arrivée à Abidjan ce jeudi. Tout d’abord, au nom de ma délégation et en mon nom propre je tiens à exprimer ma reconnaissance aux ivoiriennes et ivoiriens pour l’accueil chaleureux qui nous a été réservé. Je tiens à souligner aussi la coopération du gouvernement ivoirien et en particulier son soutien indispensable à l’encadrement logistique et sécuritaire de cette visite. Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de mon programme de ces deux jours. Je me suis entretenue avec les autorités ivoiriennes, notamment le garde des sceaux, Ministre de la justice, le ministre de l’intérieur et de la sécurité, le ministre chargé de la défense, et la ministre de la solidarité, de la famille de la femme et de l’enfant, ainsi qu’avec des hauts fonctionnaires de leurs ministères respectifs. Ces renions furent dans tous les cas des échanges fructueux et constructifs. Je les ai remerciés pour l’excellente coopération qu’elles ont accordées à la cour jusque là, et j’en ai profité pour rappeler aux autorités ivoiriennes leur obligation d’exécuter dans les plus brefs délais possibles nos demandes de coopération. Cette obligation bien sur inclut les mandats d’arrêt et demandes de remise à la cour émis par les juges de la CPI dans le cadre de nos enquête et poursuites. Cela vaut donc pour le mandat existant contre madame Simone Gbagbo ainsi que pour tout autre suspect dans l’avenir. Les autorités ivoiriennes ont réitéré leur volonté d’assurer le suivi diligent de nos demandes. J’ai également saisi l’opportunité de rencontrer la nouvelle représentante spéciale du secrétaire général des nations unies, chef de l’ONUCI, et mes collaborateurs ont eu des échanges avec la communauté diplomatique, afin de faire le point sur les derniers développements et sur les activités de mon bureau. Ce matin je me suis entretenue avec plusieurs associations de droits de l’homme et des associations représentants des victimes. Je regrette de ne pouvoir rencontrer toutes les victimes à travers le pays ni écouter les histoires de tous ceux affectés par la violence. J’aimerais que ce soit possible. En ouvrant des enquêtes et en engageants des poursuites en Cote d’Ivoire, nous espérons que les responsables politiques quels qu’ils soient et tous les citoyens de la Côte d’Ivoire et d’au delà réaliseront qu’il n’est plus possible de recourir à la violence ni de commettre des crimes pour accéder au pouvoir et pour s’y maintenir. Nul ne peut désormais échapper à la justice pour ces crimes là. Je fais ceci pour Les victimes, pour leur donner une voix, pour répondre a leur souffrance. A toutes les victimes ivoiriennes je voudrais leur dire ceci : je déplore les souffrances que vous avez subies et je salue la dignité et le courage avec lesquels vous y faites face. La seule raison d’être des activités de la CPI en Côte d’Ivoire ce sont les victimes et la justice qu’elles méritent. Je suis également consciente du désir du peuple ivoirien de voir la justice pour les crimes, tous les crimes, commis lors des élections présidentielles de 2010 et même avant, depuis 2002. Les enquêtes menées par le bureau du procureur, notamment sur les personnes portant la responsabilité la plus lourde dans les crimes présumés commis par tous les camps se poursuivent en toute objectivité, impartialité, indépendance et dans le strict respect de la loi. Compte tenu de la nature complémentaire de l’action de la CPI, le bureau encourage et soutient les procédures nationales destinées à juger tous les auteurs des crimes commis : ces procédures devraient concerner les auteurs de crimes de tous bords, quelles que soit leurs affiliations politiques. La CPI fera sa part et il appartient aux autorités judiciaires ivoiriennes de rendre justice pour les autres. Je comprends la frustration de certains devant le rythme de la justice internationale, qui parait lente. C’est une réalité qu’il faut accepter, enquêter indépendamment prend du temps, la justice impartiale prend du temps. Il faut laisser la justice faire son travail et prendre le temps voulu pour le faire bien. Dès que les juges de la CPI décideront sur la base de la loi et des preuves présentées par mon bureau de demander l’arrestation et la remise à la cour d’un autre suspect, peu importe son nom son rang, son parti politique, ou n’importe quelle autre considération, le gouvernement ivoirien devra respecter ses obligations de remettre cette personne à a cour pour qu’elle réponde de ces accusations devant la justice. Finalement, et au risque de me répéter, je voudrais réitérer un point cardinal : nous sommes une institution judiciaire, guidée uniquement par les preuves et par la loi. Nous ne cherchons pas à établir la responsabilité politique, nous cherchons seulement à établir la responsabilité criminelle d’individus pour les crimes les plus graves. Nous enquêtons et poursuivons selon les preuves que nous récoltons, de façon impartiale, indépendante. Ma visite à Abidjan faisant partie de ce travail. Ensemble avec les Ivoiriens, nous poursuivons la justice au nom de toutes les victimes. Nous poursuivons notre travail conformément à la loi. Nous lutterons pour mettre fin à l’impunité et pour que la justice suive son cours.

Le dossier Simone Gbagbo

"Nous ne pensons pas que les autorités ivoiriennes refuseront de transférer Mme Simone Gbagbo à la CPI. Mais, selon le statut de Rome, les autorités ivoiriennes ont plusieurs droits. Si elles veulent juger Simone Gbagbo ici, elles ont aussi le droit de défier le cas devant la Cour pénale internationale Dans ce cas, il appartiendra aux juges de la CPI de décider si elle doit aller devant la CPI ou non.

«Je n’ai pas échoué»

Ce qui s’est passé le 11 juillet dernier (date à laquelle la demande de mise en liberté formulée par les avocats de Laurent Gbagbo a été refusée par les juges de la Chambre préliminaire I, ndlr) concernait la confirmation des charges contre M. Laurent Gbagbo. Selon les procédures de la CPI et du Statut de Rome, le Bureau du procureur doit apporter les preuves pour confirmer les charges. Mais deux juges sur trois ont estimé que le bureau du procureur devait apporter plus de preuves. Mais le juges n’ont pas dit que M. Gbagbo n’est pas responsable. La confirmation des charges n’est pas le moment de déterminer si une personne est coupable ou non coupable. C’est simplement le moment de décider si la procédure doit aller à l’étape suivante. Dans ce cas, les juges ont trois options : ils peuvent confirmer les charges sans demander autre chose au procureur, ils peuvent rejeter les charges, ou alors demander des preuves supplémentaires, ce que deux des trois juges ont fait (…) Je ne crois pas que ce soit un échec de mon bureau. Nous ne sommes pas les seuls à apporter des preuves, la défense le fait aussi et c’est aux juges de confirmer les charges ou non. Les juges nous ont demandé d’apporter des preuves complémentaires, nous en avons pris acte, mais avons décidé de faire appel de cette décision. Au niveau de la Chambre préliminaire, il y a trois juges et toutes les décisions doivent être prises par l’ensemble des juges ou par la majorité des juges. Dans le cas de M. Gbagbo, ce ne sont pas tous les juges qui ont demandé au procureur de fournir toutes les preuves. Il y a deux juges sur trois qui ont demandé que nous apportions des preuves supplémentaires. Ils étaient majoritaires, c’est pourquoi nous avons décidé de faire appel. Mais à la CPI, la procédure d’appel n’est pas automatique. Nous devons demander aux juges de la Chambre préliminaire l’autorisation de faire appel et une fois que j’aurai cette autorisation, je pourrai aller vers les cinq juges de la Chambre d’appel qui sont différents de ceux de la Chambre préliminaire où il y a trois juges. Nous avons dit que nous n’étions pas d’accord avec cette décision, c’est pourquoi nous avons décidé de faire appel, tout en continuant de chercher des informations complémentaires. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je suis venue en Côte d’Ivoire. Je ne collecte pas moi-même les informations, j’ai mon équipe sur le terrain qui est chargée de le faire. Mais, j’ai l’assurance des autorités ivoiriennes et aussi de mon équipe. Si j’ai des informations, je pense que ce n’est pas le moment de les divulguer. Je les garde avec moi pour les envoyer devant les juges (…) Mais à ce niveau de la confirmation des charges, il n’est pas nécessaire de donner toutes les preuves que nous avons.

«Laurent Gbagbo va bien», selon Fatou Bensouda

Je pense qu’il va bien, mais mon bureau n’est pas responsable des conditions de détention de M. Gbagbo. C’est le greffe qui est chargé de voir s’il va bien, s’il reçoit la visite de ses parents… Je ne le vois que lors des audiences, mais je pense qu’il va bien (…) Selon les Statut de Rome, M. Gbagbo a la possibilité, tous les trois mois, de demander une liberté conditionnelle. Mais, si cette liberté conditionnelle peut être préjudiciable pour la suite de la procédure, les juges peuvent lui demander de rester en détention. C’est pourquoi ils ont refusé une première mise en liberté conditionnelle. Nous aussi à notre niveau, nous pouvons nous opposer et dire pourquoi nous nous opposons. Mais, la décision finale appartient aux juges. Je voudrais qu’on arrête de spéculer sur la prochaine personne qui sera transféré vers la CPI. Je l’ai dit au départ, en ce qui concerne le bureau du procureur, nous allons regarder dans tous les camps pour voir qui est responsable et cela n’a pas changé, mais il faut d’abord commencer quelque part. Nous enquêtons et nous nous vérifions si des crimes ont été commis et par qui ils ont été commis. C’est lorsque nous avons identifié les personnes ayant commis des crimes que nous allons devant les juges pour leur demander l’autorisation de délivrer des mandats d’arrêt. Nous vérifions si une personne est responsable, mais ce sont les juges qui décident d’émettre un mandat d’arrêt ou non.

La procureure de la CPI reste confiante

Je suis confiante quant aux preuves que j’ai pour la confirmation des charges contre M. Laurent Gbagbo, mais puisque ce sont les juges qui décident, nous enverront encore des preuves qui vont confirmer les charges contre M. Gbagbo. Les juges n’ont pas dit qu’ils ne sont pas satisfaits, ils m’ont demandé d’apporter des preuves complémentaires et nous allons le faire, parce que c’est la procédure normale.

D’autres mandats d’arrêt seront émis par la CPI

Je ne pourrais pas dire exactement le nombre de personnes qui seront poursuivies, mais c’est un certain nombre. L’objectif des investigations que nous menons, c’est d’identifier les personnes qui ont commis des crimes. Nous n’avons poursuivi aucune personne pour le moment à part M. Gbagbo et Mme Simone Gbagbo. Nous continuons notre travail pour identifier les autres personnes, mais je ne dirai jamais que je vais poursuivre X ou Y. Lorsque nous avons commencé nos enquêtes, nous nous sommes limités à la période postélectorale. Mais les juges eux-mêmes nous ont demandé d’aller jusqu’en 2002. Cela signifie exactement que nous devons mener des investigations depuis 2002 jusqu’à la crise postélectorale. Mais la stratégie de mon bureau a été de nous focaliser sur les violences de la crise postélectorale. Nous voulions achever ce dossier ou alors être à un certain niveau avant de revenir à la période de 2002, mais c’est un ordre des juges et nous allons le respecter.

La lenteur des procédures, une inquiétude pour les victimes

Je n’ai pas rencontré les victimes personnellement, j’ai rencontré leurs représentants et les organisations de la société civile. Je le regrette sincèrement, mais je pense que les membres de la société civile sont tout le temps avec ces victimes et j’ai pu avoir certaines informations. Je sais par exemple que les victimes s’inquiètent de la lenteur du processus, de l’implication de certaines victimes contrairement à d’autres et de leur protection et de celle des témoins. Je les ai rassurés que mon bureau accorde une importante particulière à la protection des victimes et des témoins et je leur ai expliqué que puisque nous sommes dans une procédure judiciaire, nous ne pouvons pas trop communiquer. Mais allons corriger cela, nous allons communiquer autant que possible.
Propos recueillis par Olivier Dion

Encadré
Fatou Bensouda a-t-elle un problème avec la langue française
La procureure générale près la Cour Pénale Internationale comprend et parle parfaitement la langue de Molière. A preuve, au cours des audiences avec les autorités ivoiriennes, elle s’exprimait en Français. Lors de sa conférence de presse dans l’après-midi du samedi, elle a lu son propos liminaire rédigé en français, avant de répondre aux questions des journalistes en anglais. «Elle se sent plus à l’aise quand elle parle l’anglais», explique Andrea, l’une de ses collaboratrices. Fatou Bensouda agit ainsi pour s’assurer d’une bonne et large diffusion de ses propos, vu que les médias anglophones sont majoritaires. Elle veut surtout maintenir une distance, exprimer publiquement une réserve. Originaire de Gambie, un pays anglophone de l’Afrique de l’Ouest et membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Mme Fatou Bensouda parle couramment l’anglais et le français (elle est titulaire d’un diplôme d’études en langue française (DELF) 1er degré délivré par le ministère de la Jeunesse, de l’Éducation Nationale et de la Recherche de la République française). Mais, certains y voient du mépris et de la mauvaise humeur, à l’image des dirigeants Chinois ou Arabes qui, bien que parlant anglais ou la langue de leurs hôtes, refusent de le faire. «Ce n’est pas du mépris. Elle parle le français, mais elle préfère parler l’anglais pour éviter les nuances», soutient sa collaboratrice.

O.D
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