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Société Publié le lundi 5 août 2013 | Le Nouveau Réveil

Carrière de Bedjemanou à Bouaké : Bras de fer entre exploitants et direction des Mines

Elles sont plus de 700 personnes menacées d’expulsion. Elles exploitent de façon artisanale la carrière de Bedjemanou (Konankankro), l’ex-site de Colas. Ces personnes, dont deux cents (200) hommes et cinq cents (500) femmes, aidés de leurs enfants, exercent cette activité dans l’informel. Depuis la crise de 2002. L’ex-carrière de Colas, abandonnée, sera le nouvel eldorado des familles les plus démunies de la ville de Bouaké. Chacun à la recherche de la pitance et dans l’informel, leur rôle est de briser, fendre, concasser, les rochers à l’aide de leurs mains. Sans gants, sans aucune forme de protection, comptant sur leurs muscles, ils vont risquer leur vie pour survivre dans cette activité. « Lorsque la guerre est survenue, nous n’avions plus d’emploi. C’est à la recherche des feuilles d’arbres pour aller les revendre sur le marché que je suis tombée sur la carrière. Et depuis lors, je suis ici à la carrière. C’est du fait de la pauvreté que je me suis adonné à cette activité, rien que pour subvenir aux besoins de ma famille », a déclaré dame Aby Konaté.

Exploitation artisanale
Femmes, hommes et enfants se lèvent très tôt le matin pour prendre la route de la carrière située à 10 Km de la ville de Bouaké. C’est de façon artisanale que ces personnes, qui tentent de joindre les deux bouts, exploitent le site. «Je travaille avec un marteau qui pèse 8 Kg, un brin, une daba, une pioche. Le travail est difficile, mais je suis obligé. Chaque jour, je suis sur le site», a indiqué M. Sako Lacina, âgé de 43 ans et père de 4 enfants. Comme dans un village, installée sous des abris de fortune, chaque famille dispose de sa parcelle où elle mène son activité. Des petits marteaux à la main, accompagnés de leurs enfants, elles concassent et dans leur langage ‘’Adjodjo’’ en graviers les melons qu’elles ont au préalable achetés. La brouette des melons de rochers est vendue à 250 Frs aux femmes. Après l’achat desdits melons, elles les concassent, selon la demande du marché. Soit en 5/15 ; 15/25; et 0,25 selon leurs termes techniques dans le domaine de la construction. Les types de graviers.

Les activités
Le grand nombre de familles qui existent sur le site a aussi occasionné la naissance de plusieurs autres activités. Des vendeurs ambulants d’attièké, d’eau, de jus, de cigarettes, etc. Ces commerçants, qui se frottent les mains sur ledit site viennent des villages voisins au site (Tchellekro, Konankankro, Gnankoukro). «Chaque matin, je viens à la carrière pour vendre de la cigarette. Je suis du quartier de Tchellekro. Je m’en sors parce que j’ai tous les clients ici», a indiqué Kouassi Albert. Un vendeur.

700 familles
Poussées en cet endroit par la crise, ce sont plus de 700 personnes en situation difficile, femmes, hommes, jeunes qui vivent de l’activité sur le site. Grâce à cette activité, elles vont réussir à joindre les deux bouts. C'est-à-dire, à scolariser leurs enfants et à nourrir leurs familles respectives. «C’est d’ici que nous nourrissons nos familles. Si l’on nous enlève d’ici, comment nous allons nous débrouiller pour nourrir nos enfants ? Cela fait plus de dix ans que nous sommes sur le site et nous payons tout ce que l’on nous demande», martèle Mme Konaté Aby, les larmes aux yeux. Autrefois vendeuse de pagne au marché de Bouaké, Mme Konaté Alima, 41 ans et mère de 4 enfants, a retrouvé le sourire grâce au site. «Ce site représente tout pour nous. Grace à cette carrière, nous étions redevenus des citoyens. Pendant la crise, c’était difficile de nous nourrir. Mais, depuis que nous sommes dans cette carrière, nous avons repris goût à la vie avec nos familles.» Il faut cependant rappeler que les personnes qui travaillent sur le site éprouvent d’énormes difficultés en ville. L’ex-site Colas est donc devenu un nouvel Eldorado. Mme Doumbia Yah : «Je faisais du fanico dans mon quartier à Bouaké. Lorsque j’ai eu l’information de la carrière, c’est ainsi que je suis venue. Aujourd’hui, je rends gloire à Dieu parce que j’arrive à m’en sortir. Je vends la brouette de gravier à 1200 Frs Cfa.»

Le travail à la chaîne
Le travail des hommes dans cette carrière se situe à deux niveaux. D’abord, chaque matin, une fois sur le site, ce sont les femmes qui leur passent des commandes de melon. Une fois la commande faite, les hommes se lancent vers les rochers de 3 à 5 tonnes. A l’aide de leurs marteaux de 8 Kg, des brins et surtout de leurs muscles, ils fendent les rochers. Ces différents morceaux appelés « melons » sont vendus aux femmes qui les achètent. D’autres hommes, eux, cassent les melons en petits morceaux. Et c’est après cela que les femmes les concassent en gravier. Présent à la carrière depuis 2006, Mohamed Ouattara a souligné que «Je gagne à peu près 5.000 Frs par jour. Moi, je fends les rochers en «melons». Et, il me faut deux heures pour fendre un rocher en «mellon». Les femmes qui sont sur le site me passent les commandes de melons. Et durant cette journée, je casse les rochers de 4 tonnes. Nous les revendons par brouette. Et la brouette de melon fait 250 Frs Cfa.» Selon Assetou Koné, «Les hommes qui travaillent sur le site, nous donnent à crédit les mellons que nous concassons pour les vendre. C’est après avoir vendu nos graviers que nous remboursons leur argent. Certaines parmi nous ont perdu leurs maris. C’est difficile» A leur tour, d’autres femmes détiennent des contacts au sein des entreprises en ville. Elles cherchent les marchés sur les sites de construction de bâtiment pour leur proposer du gravier. Ceux-ci, à chaque fois qu’ils ont besoin de gravier n’hésitent pas. Il faut rappeler que pour faire obtenir un chargement de benne de gravier, les dames qui travaillent sur le site font 84 brouettes. Chacune des 700 personnes, par souci de solidarité, participe à hauteur de 2 à 3 brouettes pour faire le chargement. Et cela dans le but de permettre à chacune des femmes sur le site de gagner quelque chose. La brouette de gravier est vendue à 1200 Frs Cfa. Selon d’autres sources, par jour, ce sont entre 3 à 7 chargements de gravier qui sortent de ce site vers la ville de Bouaké.

Bras de fer
Le directeur régional des Mines, à travers sa direction, a fonctionné avec ces clandestins jusqu’à un passé récent. Selon des documents à notre possession, les travailleurs de la carrière paient des taxes par chargement de gravier qui sort du site. Aujourd’hui, désorientés, les travailleurs du site ne comprennent pas pourquoi, on leur demande de partir. Selon le coordonnateur, Beki Hamed : « Il existe un protocole d’accord entre nous et le village propriétaire terrien (Konankankro). Et dans ce protocole, il est précisé que nous devons exploiter jusqu’en 2014. C’est un protocole que nous actualisons avec les propriétaires terriens à chaque expiration. Et, nous nous acquittons de nos taxes de la Direction régionale des mines. Pourquoi l’on vient nous demander de quitter le site ? Principalement où nous nous débrouillons. Pourtant, le site est très très grand. Ils peuvent aller installer le sieur Sidibé Vakaba de l’autre bout à plus de 5 Km ».

L’appel des travailleurs
En attendant un dénouement heureux de cette affaire, les travailleurs de l’ex-site Colas demandent l’aide de l’Etat. « Que le gouvernement se penche sur notre situation. Nous nous sommes convertis dans cette activité depuis 2003 et depuis lors, c’est dans cette activité que nous arrivons à nourrir nos familles. », ont-ils fait savoir.

DELMAS ABIB
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