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Société Publié le vendredi 16 août 2013 | Nord-Sud

Konaté Zié, député de Gboguhé (Daloa), aux jeunes du Fpi ; «Arrêtez de vous faire manipuler»

Présent à Gagnoa, aux côtés du président de l’Assemblée nationale qui y a entamé hier, une visite de trois jours, Konaté Zié, ancien leader de la jeunesse des ex-Forces nouvelles, se prononce sur les enjeux des réformes de la nationalité et du foncier et lance un appel aux jeunes de l’opposition politique.

Malgré la polémique orchestrée par les tenants de l’ancien régime, le président de l’Assemblée nationale dont vous êtes proche, vient d’arriver à Gagnoa. Sous quel signe placez-vous cette visite ?
Si je me fie à la ferveur avec laquelle les populations sont sorties pour accueillir le président de l’Assemblée nationale, je ne peux que m’en réjouir. Mais cette ambiance ne nous surprend pas parce que ce n’est pas la première fois que le président Guillaume Soro vient à Gagnoa. Il est parmi ses propres parents qui ont décidé de le recevoir et, cela ne peut être qu’une source de joie pour nous autres qui l’accompagnons.

Des partisans de l’ancien président sont farouchement opposés à cette visite du président de l’Assemblée nationale. Quel message avez-vous à leur faire passer, au cours de cette tournée ?
Voyez-vous, c’est une question d’opinion et mon avis sur ces oppositions et les manœuvres qui les accompagnent, c’est de dire que ce sont des soubresauts ; ce sont des choses qui sont normales. A chaud, c’est de cette façon que beaucoup de gens réagiraient, mais quand ils retrouveront leurs esprits, ceux qui s’agitent devraient comprendre que Guillaume Soro est jeune comme eux. N’oublions pas que ce sont bien les jeunes qui se sont affrontés hier.

Pensez-vous que ce sont les jeunes proches de l’ancien président qui sont derrière ces agitations ?
Bien sûr !

On a pourtant entendu des personnalités comme Marie-Odette Lorougnon donner de la voix…
Les hommes de cette génération ne font que manipuler les jeunes. Pensez-vous un seul instant que cette personne que vous citez peut se lever et venir dresser des barricades? Non, je ne pense pas qu’elle puisse le faire. Ce sont bel et bien les jeunes qui sont à l’avant de ces actions. C’est en cela que je dis à ces jeunes qu’ils doivent se rendre à l’évidence que nos devanciers se sont assez servis de nous ; ils nous ont assez manipulés. Il est temps que nous nous ressaisissions et que nous communiquions suffisamment entre nous. C’est d’ailleurs cela une des raisons de la venue du président Guillaume Soro à Gagnoa. Il veut communiquer avec les jeunes et communier avec l’ensemble de la population.

En 2008, après la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, ce même Guillaume Soro, hier Premier ministre, a pourtant été reçu ici en grande pompe. Qu’est-ce qui explique les réticences qu’on constate aujourd’hui ?
Ce sont les effets de la crise postélectorale. Mais comme je l’ai dit tantôt, ce sont des choses qui vont passer. Et, la meilleure façon de faire passer cela, c’est de continuer à parler aux gens. Ce sont les effets collatéraux de la crise postélectorale.

Cette visite a lieu en pleine session extraordinaire de l’Assemblée nationale au cours de laquelle les députés sont invités à plancher sur les questions de la nationalité et du foncier. Quel est votre avis sur ces deux sujets?
Je voudrais rappeler aux Ivoiriens que dans un passé récent, nous nous sommes affrontés idéologiquement. Nous avons même dû recourir aux armes. Cela n’honore pas notre pays. Mais si nous en sommes arrivés là, c’est parce qu’il y avait beaucoup de problèmes qui se posaient à nous, auxquels nous refusions d’apporter des solutions idoines. Mais après ces épisodes malheureux, l’ensemble de la classe politique ivoirienne s’est retrouvée autour de la table des discussions et là, nous sommes convenus que les affrontements n’étaient pas la voie idoine pour régler nos problèmes. Nous avons donc décidé d’utiliser les moyens démocratiques, légaux, pour arriver à faire changer les choses. A Marcoussis, il y avait autour de la table des discussions, les principaux acteurs de la scène politique nationale, à savoir le Président Alassane Ouattara, à l’époque opposant, le président de l’Assemblée nationale, à l’époque, belligérant, l’ex-Président Laurent Gbagbo, le président du Pdci (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, ndlr). Bref, toute la classe. Et toutes les décisions arrêtées à l’issue des discussions, ont été consignées dans un document appelé Accord de Linas-Marcoussis. Mais, au moment de la mise en œuvre desdits accords, les élections de sortie de crise ont été fixées comme la priorité des priorités. On n’a donc pas pu mettre en œuvre tous les aspects de l’Accord de Linas-Marcoussis, quoique l’application intégrale de cet accord était une exigence, selon les ex-Forces nouvelles. Nous avions exigé que toutes les réformes soient mises en œuvre avant que nous n’allions aux élections. Les autres parties signataires ont préconisé d’aller d’abord aux élections, avant d’en venir à l’application des autres réformes. Ce sont ces élections qui devaient donc être le point de départ des autres réformes. Les élections étant terminées, les institutions étant en place, il ne nous reste donc plus qu’à mettre en œuvre les autres aspects de l’Accord de Linas-Marcoussis et je ne vois pas ce qui peut être source de tension ou de difficulté autour de la mise en route de cet accord.

Qu’attendez-vous donc des acteurs politiques ivoiriens, au sujet de l’Accord politique de Linas-Marcoussis ?
Comme le président Guillaume Soro l’a dit, nous devons éviter de semer à nouveau les graines d’un nouvel affrontement. Ne perdons jamais de vue que ce sont ces problèmes qui nous ont amené à nous affronter hier. Comme ces problèmes ont été identifiés et reconnus par tous comme la source principale de nos difficultés, il faut prendre les dispositions pour les résoudre parce que nous n’avons pas le droit de léguer aux générations futures, les troubles qui pourraient survenir de la non application de ces textes.

On a l’impression qu’il y a une sorte d’incompréhension, au sujet des textes à réviser. Ne pensez-vous pas qu’il est bon que les tenants et les aboutissants des réformes attendues soient mieux expliqués aux populations, à travers des missions parlementaires ?
Il faut sans doute le faire, si certains députés jugent cela nécessaire. Si les populations ont besoin d’explications, nous devrions peut-être organiser cela. Mais dès lors que ce sont ces mêmes populations qui nous ont élu, moi je pense qu’on peut bien voter ces lois et aller leur expliquer les tenants et les aboutissants des réformes que nous auront ainsi votées.

Et pourtant, sur la question de l’apatridie, par exemple, certains acteurs politiques soutiennent qu’il n’existe pas d’apatrides en Côte d’Ivoire…
Il y a bel et bien des apatrides en Côte d’Ivoire. Ceux qui soutiennent le contraire, sont guidés par d’autres considérations. La question de l’apatridie est un problème mondial qui ne concerne pas seulement la Côte d’Ivoire. On n’invente donc rien en la matière et les Ivoiriens ne devraient en aucun cas avoir honte à donner la nationalité à des gens qui vivent avec nous et qui ne sont juridiquement rattachés à aucun pays.

Avez-vous dans ce cas un message à lancer aux députés, notamment ceux de votre génération ?
Je voudrais leur dire que nous avons été une génération sacrifiée, sans doute, parce que nos aînés n’ont pas trop tôt pris le temps d’analyser certaines considérations. Ce qui a fait qu’à un moment de l’histoire de la Côte d’Ivoire, nous avons dû nous affronter. Dieu merci, nous nous retrouvons aujourd’hui à l’Assemblée nationale avec un président qui est jeune. Je voudrais donc interpeller tous ces jeunes qui sont aujourd’hui représentants du peuple, à l’hémicycle. Nous sommes une génération sacrifiée, mais nous n’avons pas le droit de contribuer à sacrifier celle qui vient après nous.


Réalisé à Gagnoa par Marc Dossa
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