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Necrologie Publié le vendredi 16 août 2013 | AIP

Me Jacques Vergès, "l’avocat des causes perdues", est décédé

Abidjan - "L’avocat des causes perdues", Me Jacques Vergès, l’un des plus controversés et redoutés du Barreau de Paris, est décédé jeudi d'un arrêt cardiaque à l'âge de 88 ans, dans la capitale française.

"Me Jacques Vergès est mort (…) vers 20H00 dans la chambre de Voltaire, précisément quai Voltaire à Paris, alors qu'il s'apprêtait à dîner avec ses proches", selon un communiqué des éditions Pierre-Guillaume de Roux qui avaient publié ses mémoires en février. Une information confirmée par le Conseil National des Barreaux sur BFMTV, annonçant que l’avocat est décédé de causes naturelles.

De petite taille, arborant fines lunettes rondes et coupe en brosse, Me Vergès était proche de personnalités politiques du monde entier mais aussi de militants de l'ombre. Ami des membres de l'internationale terroriste des années 70 et 80, du révolutionnaire vénézuélien Carlos, des activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, du criminel de guerre nazi Klaus Barbie, du dictateur yougoslave Slobodan Milosevic ou de l'ancien dirigeant Khmer rouge Kieu Samphan, il avait également défendu l’Irakien Saddam Hussein, le FLN algérien et des mouvances terroristes comme la bande à Bader.

En 1963, il épouse en secondes noces la militante du FLN, l’Algérienne Djamila Bouhired, héroïne de l'indépendance et poseuse de bombes condamnée à mort mais finalement graciée. Entre 1970 et 1978, Me Vergès disparaît, laissant derrière lui sa femme et leurs deux enfants, Meriem et Liess.

Etait-il au côté de Palestiniens, dans le Congo post-Lumumba, au Cambodge de Pol Pot? A-t-il alors rencontré Carlos, comme l’affirment les services de renseignement français? Il laisse planer le mystère sur cette période. Aux journalistes qui l’interrogent par la suite sur cet épisode, il se borne à évoquer, avec délectation, de "grandes vacances très à l'Est de la France" et "avec des amis qui sont encore vivants, dont certains ont des responsabilités importantes".

Surnommé également "l’avocat de la terreur", Jacques Vergès est considéré comme sulfureux et provocateur. Il a aussi défendu, en vrac, la fille de Marlon Brando, l'intellectuel négationniste Roger Garaudy, le jardinier marocain Omar Raddad que toutes les circonstances accusent de meurtre, la trésorière "occulte" du RPR, Yvonne Casetta, le tueur en série Charles Sobhraj. Mais aussi les membres des mouvements d'extrême-gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), la famille Boulin, le capitaine Barril, etc.

Dernière personnalité internationale à avoir pu compter sur le soutien de "l’anticolonialiste" Vergès, le Président Laurent Gbagbo, battu en novembre 2010 par Alassane Ouattara au cours d’une élection attendue depuis cinq ans et qu’il avait repoussée à six reprises, en Côte d’Ivoire. Au plus fort de la crise postélectorale, Vergès et son confrère Roland Dumas séjournent à Abidjan en décembre 2010 pour soutenir M. Gbagbo, contesté par la quasi-totalité de la communauté internationale.

Né le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani, dans l'actuelle Thaïlande, d'un père réunionnais, consul de France au Siam, et d'une mère vietnamienne morte lorsqu'il avait trois ans, Jacques Vergès grandit sur l’île de La Réunion où son père fut député communiste et son frère jumeau, Paul, sera le fondateur du PC réunionnais.

A l’âge de 17 ans, il s’engage dans la Résistance, rejoignant les Forces françaises libres et adhère au PCF en 1945, devenant président de l'association des étudiants coloniaux. Après trois années à Prague comme secrétaire de l'Union internationale des étudiants, il quitte le parti en 1957, jugé "trop tiède" sur l'Algérie. Il embrasse ensuite le maoïsme en créant le périodique Révolution et soutient le FPLP palestinien.

Le célèbre avocat qui avait déclaré qu’il aurait défendu Hitler, s'était imposé comme le défenseur de personnalités condamnées par l'Histoire au motif que "les poseurs de bombes sont des poseurs de questions".

Ses clients avaient un point commun, ils faisaient en général l'unanimité contre eux en Occident. Quelques mois avant la fin du dictateur libyen, Mouammar Kadhafi, il s'était porté volontaire avec Roland Dumas, pour déposer plainte pour "crimes contre l'humanité" contre le président français d’alors, Nicolas Sarkozy, dont le pays a mené les opérations de la coalition internationale en Libye.

Jacques Vergès a monté au théâtre un plaidoyer intitulé "Serial plaideur" et publié une vingtaine de livres, dont "Dictionnaire amoureux de la justice", "Le salaud lumineux", "Justice pour le peuple serbe", "Beauté du crime", "La démocratie à visage obscène", "Sarkozy sous BHL". En 2007, Barbet Schroeder lui a consacré un film intitulé "L'avocat de la terreur".

Le président du Conseil National des Barreaux, Christian Charrière-Bournazel avait dîné avec Jacques Vergès une dizaine de jours avant sa mort. Il raconte à l’AFP que l’avocat avait fait une chute auparavant et l’avait trouvé extrêmement amaigri. "Il marchait très lentement, il avait des difficultés à parler, mais intellectuellement il était intact. (…) On savait que c’étaient ses derniers jours mais on ne pensait pas que ça irait aussi vite", témoigne-t-il, saluant la mémoire d'un avocat "courageux" qui défendait la "cause des opprimés", mais aussi "très narcissique et provocateur".

cmas
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