C'est presque devenu une tradition. L'Afrique, particulièrement sa partie subsaharienne, fait parler d'elle de la plus mauvaise des manières à chaque grand événement organisé sur le continent européen. Les exemples les plus récents de fugues d’athlètes remontent aux Jeux Olympiques de Londres 2012. La délégation du Cameroun est répartie de la capitale anglaise sans sept de ses athlètes. La RD Congo s'est vue amputée de quatre éléments dont un judoka, l'entraîneur de boxe, le directeur technique national d'athlétisme et l'entraîneur de judo. Avant de rentrer sur Conakry, la Guinée a vu sa délégation réduite d'une nageuse, d'un judoka et d'une sprinteuse. Sans oublier l’Ethiopien Natnael Yemane, porté disparu après avoir porté la flamme olympique. A lui, il faut ajouter trois athlètes soudanais. La Côte d'Ivoire n'est pas en reste avec les jeunes Brou Franck et Traoré Assita et l'entraîneur de lutte Adjé Yves, qui ont également fait la malle. Si la jeune Traoré a été épinglée par la suite en France et rapatriée sur Abidjan, ce n'est pas le cas des deux autres.
Cette année pour les VIIèmes Jeux de la Francophonie à Nice, l'Afrique a remis le couvert. C'est le Congo qui a donné le départ avec la fuite de 13 athlètes notamment sept basketteuses, deux cyclistes et un footballeur après avoir perçu leurs primes (1000 euros-655000 FCFA). La Côte d'Ivoire s'est engouffrée dans la brèche avec un jeune rappeur, puis deux lutteurs (Kouadio Brou Arnaud et Aladji Abass), trois basketteuses (Kolga Assetou, Kolga Maïmounatou et Bognini Yvonne), mardi dernier et depuis mercredi, un jongleur. Des artistes djiboutiens ont également pris la poudre d'escampette. Ce qui porte le nombre de disparus à Nice depuis le début des Jeux à 21. Des fuites en cascade qui confèrent à leurs pays respectifs, une mauvaise réputation. Car si les clandestins avancent la plupart du temps la précarité de la vie dans leurs pays d’origine, ils portent atteinte à l'honorabilité de leur nation. Et cela ne semble avoir aucune importance à leurs yeux. «Si vous revenez ici après avoir mis pied en France, c’est que vous êtes maudites. Je vais vous renier», aurait menacé la mère des sœurs Kolga, avant leur départ. Cette information reçue d’Abidjan est peut-être à prendre avec des pincettes mais la disparition de ses filles peut l’atténuer. Pour ces adeptes de la fuite, c'est à chacun son destin! L'honneur du pays? On s'en moque. Ce qui importe, c'est l'Eldorado qu'on leur a fait miroiter. Pendant ce temps, le pays en pâtit.
Des actions toujours coordonnées
La fuite des athlètes et artistes africains aux compétitions et autres festivals en Europe est loin d’être un fait du hasard. «Depuis le début, même à Abidjan, on soupçonnait les s?urs Kolga parce qu’on s’est dit, vu que leur aînée est ici, qu’elles pourraient profiter de la situation. On savait qu’il y avait une troisième fille mais à aucun moment, on n’a pensé à Bognin Yvonne», confie un membre de la délégation ivoirienne sous le couvert de l’anonymat. Cette déclaration vient renforcer l’assertion selon laquelle les «évadés» bénéficient de complicité aussi bien à l’intérieur de la délégation qu’à l’extérieur. Et l’exemple des s?urs Kolga (Assetou et Maïmounatou) en est la parfaite illustration. Effectivement, selon certaines indiscrétions, elles auraient bénéficié de l’assistance de leur aînée pour prendre le large. Ces mêmes sources soutiennent que l’aînée, une ancienne basketteuse, qui vit à Grenoble reste injoignable depuis la fuite de ses cadettes. «Son téléphone sonnait tout le temps et on pouvait même causer. Depuis elle est sur répondeur. Ce qui est tout de même suspect», analyse un autre membre du groupe ivoire. Mais cela ne saurait occulter la négligence-pour ne pas dire- l’irresponsabilité de certains encadreurs. Ces derniers, pas toujours de bonne foi, se transforment en complices des fuyards. «Après la réunion d’hier (mardi 10 septembre :ndlr), Bognini était dans le couloir de son palier, je l’ai même taquinée avant de partir», témoigne un responsable du comité ivoirien de pilotage des Jeux. «J’étais avec Bognini jusqu’après 22 heures. Mais je n’ai jamais imaginé qu’une fille si calme pouvait se comporter ainsi», poursuit celui qui fait office de responsable de la délégation de basketball à Nice. Car, pour un responsable au vrai sens du terme, on ne peut accepter de voir un (e) athlète dans le couloir à une heure si tardive et surtout à la veille d’un quart de finale d’un tournoi international et ne rien dire. Surtout que des désertions avaient été déjà enregistrées. C’est le DTN de lutte qui conforte ceux qui croient en une complicité des dirigeants dans la fuite des athlètes. «Je me suis blessé depuis notre arrivée. J’avais leurs passeports et c’est lorsque je suis allé me faire soigner qu’ils sont venus dans ma chambre pour récupérer leurs passeports avant de fuir. Ce sont vraiment nos meilleurs lutteurs. Malheureusement, ils sont dans la nature», déplore Amontcho Bonaventure. Alors comment Kouadio Brou Arnaud et Aladji Abass ont pu accéder à sa chambre quand on sait que chaque membre de la délégation est logée dans une chambre individuelle donc détentrice de carte magnétique faisant office de clé ? Le départ du jeune rappeur, le premier ivoirien à fuir, est tout aussi formidable. Ce jeune garçon de 17 ans a prétexté avoir oublié quelque chose d’important en chambre au moment où tout le monde avait embarqué pour la répétition. Le bus s’est juste immobilisé pour le descendre avant de continuer sa route, sans que son responsable ne soit s’inquiété outre mesure. Le jongleur a lui fait savoir à ses encadreurs qu’il se rendait dans une agence de transfert d’argent, pour récupérer son passeport et disparaître ensuite. Des stratégies élaborées de manière minutieuse certes, mais qui ne disculpent pas les responsables qui ont fait preuve d’irresponsabilité ou si vous voulez de complicité dans la fugue de leurs athlètes et artistes.
Une pratique vieille de 57 ans
Il est vrai que l’Afrique est devenue experte dans cette pratique mais elle est loin d’en être l’initiatrice. Les premiers dans ce domaine sont les Hongrois. Partis pour les Jeux olympiques de Melbourne en 1956, pleine guerre froide, 45 sportifs ont refusé de regagner leur pays en demandant l’asile à l'Australie. Depuis lors, relate le quotidien français Le Figaro dans un dossier sur le sujet, les défections sont régulières. En 1996, presque toute l’équipe féminine de basket de l’ex-Zaïre a profité de sa participation aux JO d’Atlanta pour rester aux Etats-Unis. En 2001, 106 athlètes ont réclamé l’asile politique au Canada après les IVèmes Jeux de la Francophonie. L’année suivante, à la fin des Jeux du Commonwealth organisés à Manchester, la délégation de la Sierra Leone est repartie avec seulement dix de ses trente représentants. Les sportifs cubains ont même fait de ces défections leur spécialité, comme le rappelle le journaliste de RMC Gibert Brisbois sur son blog. Ces données montrent à quel point ce phénomène prend de l’ampleur au fil des années. Sans que des solutions ne soient trouvées pour endiguer cette forme d’immigration clandestine.
En attendant, les athlètes ne se font nullement prier pour vivre leur rêve dans ces pays européens où le futur est assuré, semble-t-il.
OUATTARA Gaoussou, Envoyé spécial à Nice
Cette année pour les VIIèmes Jeux de la Francophonie à Nice, l'Afrique a remis le couvert. C'est le Congo qui a donné le départ avec la fuite de 13 athlètes notamment sept basketteuses, deux cyclistes et un footballeur après avoir perçu leurs primes (1000 euros-655000 FCFA). La Côte d'Ivoire s'est engouffrée dans la brèche avec un jeune rappeur, puis deux lutteurs (Kouadio Brou Arnaud et Aladji Abass), trois basketteuses (Kolga Assetou, Kolga Maïmounatou et Bognini Yvonne), mardi dernier et depuis mercredi, un jongleur. Des artistes djiboutiens ont également pris la poudre d'escampette. Ce qui porte le nombre de disparus à Nice depuis le début des Jeux à 21. Des fuites en cascade qui confèrent à leurs pays respectifs, une mauvaise réputation. Car si les clandestins avancent la plupart du temps la précarité de la vie dans leurs pays d’origine, ils portent atteinte à l'honorabilité de leur nation. Et cela ne semble avoir aucune importance à leurs yeux. «Si vous revenez ici après avoir mis pied en France, c’est que vous êtes maudites. Je vais vous renier», aurait menacé la mère des sœurs Kolga, avant leur départ. Cette information reçue d’Abidjan est peut-être à prendre avec des pincettes mais la disparition de ses filles peut l’atténuer. Pour ces adeptes de la fuite, c'est à chacun son destin! L'honneur du pays? On s'en moque. Ce qui importe, c'est l'Eldorado qu'on leur a fait miroiter. Pendant ce temps, le pays en pâtit.
Des actions toujours coordonnées
La fuite des athlètes et artistes africains aux compétitions et autres festivals en Europe est loin d’être un fait du hasard. «Depuis le début, même à Abidjan, on soupçonnait les s?urs Kolga parce qu’on s’est dit, vu que leur aînée est ici, qu’elles pourraient profiter de la situation. On savait qu’il y avait une troisième fille mais à aucun moment, on n’a pensé à Bognin Yvonne», confie un membre de la délégation ivoirienne sous le couvert de l’anonymat. Cette déclaration vient renforcer l’assertion selon laquelle les «évadés» bénéficient de complicité aussi bien à l’intérieur de la délégation qu’à l’extérieur. Et l’exemple des s?urs Kolga (Assetou et Maïmounatou) en est la parfaite illustration. Effectivement, selon certaines indiscrétions, elles auraient bénéficié de l’assistance de leur aînée pour prendre le large. Ces mêmes sources soutiennent que l’aînée, une ancienne basketteuse, qui vit à Grenoble reste injoignable depuis la fuite de ses cadettes. «Son téléphone sonnait tout le temps et on pouvait même causer. Depuis elle est sur répondeur. Ce qui est tout de même suspect», analyse un autre membre du groupe ivoire. Mais cela ne saurait occulter la négligence-pour ne pas dire- l’irresponsabilité de certains encadreurs. Ces derniers, pas toujours de bonne foi, se transforment en complices des fuyards. «Après la réunion d’hier (mardi 10 septembre :ndlr), Bognini était dans le couloir de son palier, je l’ai même taquinée avant de partir», témoigne un responsable du comité ivoirien de pilotage des Jeux. «J’étais avec Bognini jusqu’après 22 heures. Mais je n’ai jamais imaginé qu’une fille si calme pouvait se comporter ainsi», poursuit celui qui fait office de responsable de la délégation de basketball à Nice. Car, pour un responsable au vrai sens du terme, on ne peut accepter de voir un (e) athlète dans le couloir à une heure si tardive et surtout à la veille d’un quart de finale d’un tournoi international et ne rien dire. Surtout que des désertions avaient été déjà enregistrées. C’est le DTN de lutte qui conforte ceux qui croient en une complicité des dirigeants dans la fuite des athlètes. «Je me suis blessé depuis notre arrivée. J’avais leurs passeports et c’est lorsque je suis allé me faire soigner qu’ils sont venus dans ma chambre pour récupérer leurs passeports avant de fuir. Ce sont vraiment nos meilleurs lutteurs. Malheureusement, ils sont dans la nature», déplore Amontcho Bonaventure. Alors comment Kouadio Brou Arnaud et Aladji Abass ont pu accéder à sa chambre quand on sait que chaque membre de la délégation est logée dans une chambre individuelle donc détentrice de carte magnétique faisant office de clé ? Le départ du jeune rappeur, le premier ivoirien à fuir, est tout aussi formidable. Ce jeune garçon de 17 ans a prétexté avoir oublié quelque chose d’important en chambre au moment où tout le monde avait embarqué pour la répétition. Le bus s’est juste immobilisé pour le descendre avant de continuer sa route, sans que son responsable ne soit s’inquiété outre mesure. Le jongleur a lui fait savoir à ses encadreurs qu’il se rendait dans une agence de transfert d’argent, pour récupérer son passeport et disparaître ensuite. Des stratégies élaborées de manière minutieuse certes, mais qui ne disculpent pas les responsables qui ont fait preuve d’irresponsabilité ou si vous voulez de complicité dans la fugue de leurs athlètes et artistes.
Une pratique vieille de 57 ans
Il est vrai que l’Afrique est devenue experte dans cette pratique mais elle est loin d’en être l’initiatrice. Les premiers dans ce domaine sont les Hongrois. Partis pour les Jeux olympiques de Melbourne en 1956, pleine guerre froide, 45 sportifs ont refusé de regagner leur pays en demandant l’asile à l'Australie. Depuis lors, relate le quotidien français Le Figaro dans un dossier sur le sujet, les défections sont régulières. En 1996, presque toute l’équipe féminine de basket de l’ex-Zaïre a profité de sa participation aux JO d’Atlanta pour rester aux Etats-Unis. En 2001, 106 athlètes ont réclamé l’asile politique au Canada après les IVèmes Jeux de la Francophonie. L’année suivante, à la fin des Jeux du Commonwealth organisés à Manchester, la délégation de la Sierra Leone est repartie avec seulement dix de ses trente représentants. Les sportifs cubains ont même fait de ces défections leur spécialité, comme le rappelle le journaliste de RMC Gibert Brisbois sur son blog. Ces données montrent à quel point ce phénomène prend de l’ampleur au fil des années. Sans que des solutions ne soient trouvées pour endiguer cette forme d’immigration clandestine.
En attendant, les athlètes ne se font nullement prier pour vivre leur rêve dans ces pays européens où le futur est assuré, semble-t-il.
OUATTARA Gaoussou, Envoyé spécial à Nice