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Société Publié le mercredi 16 octobre 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Les Oubliés de la République / Kamaté Salimata, Actrice-Comédienne révèle (Acte 5) : ‘‘Les enfants de Camara « H » ont été oubliés ! ’’

‘’Le cadavre gît, les bras en croix, sur le bas-côté de la voie express qui relie les quartiers abidjanais d'Adjamé et de Yopougon, non loin de la casse automobile. A l'aube du 2 février (2003), les passants ont découvert ce corps sans vie criblé de cinq balles de fusil d'assaut, vêtu d'un polo bleu souillé de sang et de poussière. Celui de Camara Yéréfé, 50 ans, artiste et comédien populaire, connu sous le nom de "Camara H". La veille, vers 21 h 45, soit un quart d'heure avant l'entrée en vigueur du couvre-feu, un quatuor d'hommes en armes et en treillis vient chercher à son domicile ce musulman malinké, militant du Rassemblement des républicains (RDR), le parti de l'opposant en exil à l’époque Alassane Ouattara. "Il y avait deux 4 x 4 et une BMW noire, raconte Sadate, l'aîné des cinq enfants du défunt. Sur leur ordre, le vieux s'est habillé, il a pris ses papiers et les a suivis sans résister. Lui n'avait rien à se reprocher." "Où l'emmenez-vous?" s'enquièrent les fils. "A la DST."…. (L’Express)…
‘’Ecoute plus souvent les Choses que les Etres. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis … Ecoute dans le Vent Le Buisson en sanglots : C’est le Souffle des ancêtres…Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts. Des Morts qui ne sont pas partis …’’
Qui ne se souvient de la belle poésie pathétique de Birago Diop du temps jadis où vêtus de nos ‘’culotes à queues’’ et arborant des chemisiers d’écoliers en kaki, mélangés aux motifs colorés en damier (‘’carreaux, carreaux’’) des petites filles à ‘’l’école des blanc’’ ! Moment jadis, où nous récitions et chantions, sans en réalité, comprendre le sens ou la quintessence des paroles fortes issues des psalmodies poétiques ou au ton de proses sur les ‘’choses de la vie’’.
C’est au ‘’Souffle des Morts’’ que je serai convié au départ de l’entretien d’une heure par Kamaté Salimata, Artiste-Comédienne, bien connue grâce à la série télévisée: ‘’ Faut pas fâcher’’.
Salimata est venue ce jeudi 10 octobre 2013, me rencontrer en cette ‘’nuit noire’’ au moment où le soleil venait de nous faire ses adieux en prenant le soin de passer le témoin au pénombre, pour m’entretenir sur le fait que la famille de son Maître Camara dit ‘’H’’ arraché aux siens par la cruauté des hommes, semble être oubliée, non sans préciser la magnanimité du descendant de Facoly, Tiken Jah qui a, accueilli, logé, nourri et blanchi l’un des enfants de Camara ‘’H’’ depuis la disparition de l’artiste.
Kamaté Salimata voulait surtout prendre à témoins tous les Ivoiriens, les africains, les citoyens du monde qui ont connu et aimé Camara Yéréfé, et nous faire part de ce que Camara Sory Ibrahim, l’un des fils du défunt lui avait tenu comme propos tout récemment.
‘’Tantie, nous avons du mal à rencontrer les autorités du pays…depuis l’assassinat de Papa, il est difficile pour nous de joindre les deux bouts…les portes nous sont fermées…?’’ .
Après avoir poussé un long soupir, avec presque les larmes aux yeux, Kamaté Salimata n’a eu pour réplique à Sory que ce message :
‘’ Mon fils, nous sommes logés à la même enseigne, moi non plus, je n’arrive pas du tout à voir les compagnons d’hier…Les cadres du RDR qui nous appelaient à chaque instant de la journée, de jour comme de nuit pour nous demander de mobiliser les militants et militantes à telle ou telle occasion. Impossible aujourd’hui de les voir, ils se sont tous barricadés, ils ont eu de nouveaux amis…’’
Il y avait de quoi perdre la face devant Camara Sory Ibrahim, fils de Camara ‘’H’’ ; Salimata est attristée du sort des enfants de celui qui lui apprît les premiers balbutiements au théâtre et à la télévision. Face à la détresse du jeune homme, elle était meurtrie, sur-révoltée de ne pouvoir soulager les espérances du fils de son maître. Ah le monde de la politique ! Qu’est ce qu’il peut être souvent cruel ! Comment ne pas perdre son latin devant une comédienne aussi chevronnée que Salimata Kamaté. Surtout que ce soir là, je suis appelé à jouer le rôle de metteur en scène de l’acte 5 de notre série qui clopin-clopant fait son petit bonhomme de chemin.
Silence, on tourne…Action !
-Salimata, ma sœur, tu ressembles à tout, sauf à ‘’une Oubliée de la République’’ ; tu ne te trompes pas de chemin en venant me voir?
‘’ Ah bon pourquoi ? Quels sont les critères pour être acteur ou actrice dans la série ?
J’affiche un sourire, je me suis rendu compte depuis le départ de l’entretien, que Salimata Kamaté’ a l’habitude de la scène, des interviews et elle ne manque pas d’humour !
-Généralement ceux que j’ai rencontrés depuis le départ de la série, n’ont pas ton embonpoint…
‘’ C’est une impression, je vais te dire pourquoi mon frère Soumahoro.’’ , répliqua Salamata.
Alors qu’au départ nous avions commencé par nous vouvoyer, nous nous sommes vite rendus compte que cette pratique était un frein à la spontanéité qui sied en pareille circonstance, quand il s’agit d’une causerie.
Elle poursuit : ‘’J’ai été de tous les combats pacifiques menés par l’actuel Chef de l’Etat Alassane Ouattara… Souvenons nous en 1998-99, si je ne me trompe de date, la marche avortée du RDR à Dabou. Lorsque cette marche a été avortée pour des raisons sur lesquelles, je ne vais pas revenir, je suis celle qui a campé à la belle étoile devant le domicile de notre mentor ADO ; nous avons avec de nombreux jeunes, filles et garçons, des hommes et femmes, décidé librement de servir de bouclier humain devant le domicile du Président du RDR d’alors. Parce que les nouvelles qui nous parvenaient, n’étaient pas de nature à nous rassurer, nous étions informés qu’un plan diabolique était ourdi contre notre président. Quelques jours après, alors que j’étais toujours devant le domicile du Président ADO, c’est son boy cuisinier qui alla l’alerter et il est venu à notre rencontre pour nous remercier et nous prier de regagner nos domiciles, non sans nous avoir rassurés ; en nous disant qu’il mettra tout en œuvre afin de mériter de la confiance de milliers de ses compatriotes. Je vous épargne tous les autres faits qui ont jalonné mon parcours, au point où aucune action d’envergure politique n’a été menée dans la cité mythique d’Abobo sans que je n’y prenne part activement, sauf si je suis en voyage à l’étranger pour nécessité professionnelle…’’.
-Salimata, tu brilles, on te voit à la télévision… que veux-tu au juste ?
‘’Ne te fie pas à l’apparence mon cher Soumahoro; si je te dis que c’est sur l’héritage de mon père que je vis, peux tu le croire ? Je vis aujourd’hui dans la cour familiale ; alors qu’auparavant, j’habitais une maison en location, je payais régulièrement les loyers et excuse moi, ce n’est pas par manque de modestie, j’avais ma petite voiture. Du jour au lendemain, j’étais obligée de tout abandonner et me retrouver durant 10 ans en exil ; demande à tous ceux qui ont fait l’exil, il te diront ce que c’est, tellement c’est dur, après Camara H, on cherchait ma peau, je me suis retrouvée au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en France…10 ans d’errance en en revenant de temps à autre au pays lorsqu’il y’avait un peu d’accalmie. J’ai tout perdu dans ce combat noble avec Alassane Ouattara pour une nouvelle Côte d’Ivoire…..
A l’époque, ma tête était mise à prix…Nous étions taxés de comédiens à la solde d’Alassane Ouattara, on essuyait les injures et les quolibets. On était victime d’injustices, même au plan professionnel. Je n’avais le choix que l’exil, sinon je ne serais pas devant toi aujourd’hui mon frère, Soumahoro.
-Tu n’as pas répondu à ma question: que veux-tu ?
‘’Voir les choses sous cet angle, ne me semble pas être la bonne approche.’’ Réagit Salimata
-Allons donc à la bonne approche : ‘’ Je suis venu parler essentiellement de deux choses. D’abord de Camara ‘’H’’, mon Maître qui est tombé au combat les mains nues, il était inoffensif. Ses enfants ont du mal joindre les deux bouts ; je pense à sa veuve…
Quant à moi il est difficile de parler de soi même, voilà pourquoi j’ai épargné les lecteurs de nombreux faits…’’
Elle sort un lot de documents qu’elle me tend ; après une lecture en diagonale, je comprends plus ou moins la teneur des courriers adressés au Président de la République, Alassane Ouattara, à la Grande Chancelière, Henriette Dagri Diabaté, et à La Première Dame Dominique Ouattara. Voici un extrait de ces documents.
Extrait: ‘’ Excellence, je résume …ma vie de misère que je n’aurais jamais du mener …ce que je n’arrive pas à comprendre, …c’est que toutes les portes des leaders locaux nous sont fermées. Quand on les sollicite, on ne trouve que du mépris qui se manifeste par des faux rendez vous…..les promesses jamais tenues.’’
Salimata, précise : ‘’Mes demandes d’audiences, n’ont pas eu de suite à ce jour.’’
Et comme ils s’étaient tous passés le mot, les acteurs et actrices de la présente série, attendent toujours la fin, pour me sortir le grand angle.
‘’ Tu sais mon cher frère, je ne vais pas, par pudeur et éducation citer des noms ici…’’
Après un petit entracte le temps de changer de bobine, Salimata enfonce le clou : ‘’Il est inacceptable, difficilement compréhensible, que des comédiennes qui ont conduit des jeunes dits patriotes et miliciens au domicile de Sita, ‘’la Petite Sœur’’ du Président de la République, pour tout piller, soient aujourd’hui, celles qui ont droit au chapitre ; Elles entrent sans frapper et sans rendez vous (...). Ce sont ces comédiennes là qui ont attisé la haine entre ivoiriens, qui sont sélectionnées lors des cérémonies ...’’
-N’es tu pas un peu excessive Salimata ?
Je ne suis pas du tout excessive. J’ai les preuves de ce que j’avance…j’insiste, je souhaite rencontrer le Président de la République, et rassure toi, c’est pour lui parler de choses plus sérieuses…’’
Salimata avait trop à dire ce soir là, mais je devais tenir compte de l’espace qui nous est accordé pour diffuser la série, ‘’Les Oubliés de la République’’.
Je pense avoir trouvé la meilleure conclusion avec un autre ‘’Oublié de la République’’ qui préfère pour le moment garder l’anonymat, il a écrit et je cite :
‘’Il est difficile à ceux qui ont souffert avec vous dans des époques très récentes de se voir négligés ! Surtout au sein des partis politiques, ceux qui ont été emprisonnés ou brimés avec vous ont mal quand vous ne les prenez pas au téléphone. Il est frustrant que vous ne répondiez même pas aux courriers que vous recevez de vos anciens compagnons !
Les responsabilités d’accord ! Les réunions, d’accord ! Mais, un responsable sait gérer son temps entre ses occupations et ses relations. Recevez ou faites recevoir vos anciens compagnons ! Ils sont, en réalité, les seuls sur qui vous pouvez compter à tout moment. La vie est faite de haut et de bas ! Le pouvoir donne à certains, le sentiment d’être intouchables, d’être en sécurité !
Des gens vont jusqu’à dire : « je ne serai plus jamais pauvre ! » Attention, ne vous trompez pas ! Tout pouvoir est provisoire, sauf celui de Dieu. …
Mon mot de fin : ‘’Tant qu'un grain d'amitié reste dans la balance, le souvenir souffrant s'attache à l'espérance.’’

Soumahoro Alfa Yaya
Journaliste-Ecrivain.
Militant des Droits de l’Homme
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