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Politique Publié le mercredi 12 février 2014 | Le Patriote

Interview : A propos de la maladie du président Ouattara / Pierre Accoce (Essayiste français) : “Sur le plan médical pur ce n’est pas préoccupant, ni sur le plan de sa santé physique et mentale”

Auteur de « Ces malades qui nous gouvernent », Pierre Accoce, essayiste français, était hier matin l’invité Afrique de RFI (Radio France Internationale). Au micro de Christophe Boisbouvier, il donne des précisions sur la maladie du Chef de l’Etat, Alassane Ouattara.
Le président Ouattara a été opéré en France pour une sciatique. Il se porte bien dit le communiqué de la présidence ivoirienne. A Abidjan, la rumeur enflait depuis plusieurs jours. Est-ce que ce type de communiqué peut rassurer les gens ?

Pierre Accoce : Si on explique ce qu’est effectivement aujourd’hui une opération sur la hernie discale, ça va les rassurer. En réalité, il n’a pas été opéré d’une sciatique, mais sans doute d’une hernie discale. Et une hernie discale lombaire fait beaucoup souffrir, exige une intervention. Aujourd’hui, c’est de la microchirurgie et il est vraisemblable qu’elle a été effectuée dans de très bonnes conditions et qu’il récupèrera très, très bien de cette maladie. C’est beaucoup plus un accident d’ailleurs qu’une vraie maladie. Une atteinte lombaire comme celle-là, un lumbago, des lumbagos à répétition, finalement une hernie discale… C’est préoccupant, ça fait mal. Aujourd’hui, la médecine est suffisamment bien armée. La microchirurgie peut approcher effectivement – et elle le fait – la colonne vertébrale, peut approcher la moelle épinière – on n’y touche pas – mais sur la hernie discale. On peut intervenir sur cette fameuse hernie, en faisant de la microchirurgie et sans dommages pour l’exercice du pouvoir. Sans doute a-t-il été absent pendant un certain temps des commandes à Abidjan, mais sur le plan médical pur ce n’est pas préoccupant, (ni) sur le plan de sa santé physique et mentale.

Q : Ce que disent souvent les gens quand ils entendent un communiqué sur la santé de leur président, c’est : est-ce que c’est vraiment la maladie dont il souffre ? Est-ce qu’on ne nous cache pas quelque chose ?

PA : Ça peut être le cas. Mais en général, aujourd’hui l’information médicale est suffisamment pointue, pour que l’on soit capable rapidement de mesurer la révélation masquée. Aujourd’hui, l’information médicale est beaucoup plus difficile à masquer complètement et à déformer.

Q : En Côte d’Ivoire d’habitude, les chefs d’Etat ne communiquent pas sur leur santé. Aujourd’hui, il y a donc un effort de transparence. Est-ce parce que le parti unique, c’est fini ou c’est à cause d’Internet?

PA : Peut-être les deux. Internet doit certainement jouer un rôle. Sans doute aussi la situation propre à la Côte d’Ivoire. Et comme l’information par Internet circule beaucoup en Afrique, on le sait, il est vraisemblable qu’il y a suffisamment d’Africains bien informés pour faire le tri et pour cerner plus ou moins la vérité.

Q : Dans le passé, quelques chefs d’Etat africains ont communiqué sur leur état de santé. En 2006, le Congolais Denis Sassou Nguesso a fait savoir qu’il avait été opéré avec succès d’une hernie discale lombaire. En 2009, le Burkinabè Blaise Compaoré a plaisanté sur une opération de la cataracte en disant : « Ça me permettra de mieux vous voir, vous les journalistes ». Est-ce qu’il est plus facile de communiquer quand on souffre d’une maladie bénigne?

PA : Bien sûr ! Le plus difficile c’est de masquer les troubles qu’engendrent des maladies graves, lourdes, qui mettent en cause l’exercice du pouvoir. Toutes ces maladies bénignes – enfin pas toutes bénignes – mais toutes ces maladies que vous venez de citer, à l’évidence méritent l’information, parce qu’elles ne sont pas préoccupantes pour l’état réel de l’homme qui dirige. Qu’il soit opéré de la cataracte ne peut pas compromettre l’exercice du pouvoir. S’il s’agissait d’un cancer ou d’un problème sanguin lourd, massif, par exemple, ce serait différent. Il serait masqué sans doute beaucoup plus facilement.

Q : En 1997 au Congo Kinshasa tout le monde a été frappé par la chute très rapide du régime Mobutu. L’année précédente, Mobutu avait médiatisé son traitement anticancéreux en Suisse. Est-ce qu’il aurait tenu plus longtemps au pouvoir s’il avait caché sa maladie ?

PA : Je ne crois pas. Je pense que lorsque des personnages de cette ampleur sont « tapés » – comme on dit vulgairement – par une maladie lourde, sérieuse, il leur est difficile non seulement de masquer, mais de nier ces évidences. Quand par exemple on songe à l’accident vasculaire qui a emporté Sékou Touré, un accident qui « tape » l’aorte, ça ne pardonne pas. On ne peut pas cacher ce genre d’accident.

Q : Oui, mais au Cameroun en 98, quand le directeur du journal Le Messager, Pius Njawé, a été condamné à deux ans de prison pour avoir révélé que le président Biya avait eu un malaise, le procureur a eu cette phrase : « Même si le président est malade vous devez écrire qu’il est en parfaite santé »...

PA : Bien sûr… J’allais dire : c’est un cas extrême. Dans un Etat où on donne au pouvoir celui de masquer complètement l’information, il ne faut pas s’étonner effectivement que l’on puisse condamner un individu qui ose dire cette vérité.

Q : Au Ghana, le président Atta-Mills s’est présenté en 2008, alors qu’il se savait déjà très malade. Et de fait il est mort quelques années plus tard. Est-ce que certains chefs d’Etat très malades s’accrochent à leur fauteuil peut-être parce qu’ils vivent dans l’illusion que le pouvoir rend immortel ?

PA : Peut-être y a-t-il au fond d’eux cette sensation. Souvent les chefs d’Etat connaissent bien la maladie dont ils souffrent parce qu’ils ont été informés. Et fascinés ou possédés par les démons de la puissance, ils peuvent cependant ne pas reconnaître aux médecins qui les traitent le pouvoir (le droit) de leur conseiller de dételer par exemple. La fascination qu’exerce le pouvoir chez les individus peut être terrifiante ! Elle peut les conduire effectivement à des extrêmes qui peuvent être préjudiciables ! Quand le président Roosevelt est allé à Yalta dans un stade avancé de son athérosclérose tellement grave qu’il allait mourir quelques semaines plus tard, il était évident qu’il n’était pas en mesure de tenir tête à Staline.

Q : On dit souvent que les chefs d’Etat africains vont se faire soigner en Europe parce qu’ils n’ont pas les services spécialisés chez eux. Mais quand l’Algérien Abdelaziz Bouteflika va dans un hôpital militaire français, est-ce que ce n’est pas surtout pour se faire soigner dans l’endroit le plus secret qui soit pour qu’il y ait le moins de fuites possibles ?

PA : A l’évidence ! Quand Boumediène a été frappé de la maladie de Waldenström, Waldenström en personne s’est déplacé et est allé à Alger. Il est évident qu’aller en Occident, c’est masquer beaucoup plus facilement à leurs citoyens l’état dans lequel ils se trouvent, en plus dans un hôpital militaire comme celui du Val-de-Grâce par exemple, où effectivement le vulgum pecus (le commun des mortels NDLR) n’a pas accès facilement à l’information.
Source RFI

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