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Editorial Publié le samedi 26 avril 2014 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton: Les cadets d’aujourd’hui les vainqueurs de demain

Quand j’ai appris, comme toute la nation ivoirienne, que le pays était candidat à la coupe d’Afrique des nations en 2019, une frayeur s’empara de moi. Je commençais même à trembler de tous mes membres. A cause d’un triste souvenir. Cette fameuse coupe des nations, souvenez-vous, du moins pour les anciens, avait été organisé, en Côte d’Ivoire, du 4 au 18 mars 1984. Jamais un évènement n’avait aussi été médiatisé dans ce pays et je ne crois pas qu’on puisse vivre une telle propagande. Tout le peuple avait été conditionné par des spots, des slogans, des affiches et affichettes. Les émissions, à la radio et à la télévision ne parlaient que de cette coupe d’Afrique. Les citoyens de toute classe défilaient sur nos écrans pour galvaniser la population avant le jour J. Je me souviens encore, comme si c’était hier, du spot télévisé le plus diffusé. Il pouvait passer une dizaine de fois dans la journée. Un homme, vêtu à l’occidental, c'est-à-dire, cravate et veste, avec une belle chemise, comme si nous étions en France, affirmait avec conviction ceci : « Je vous dis que cette coupe nous allons la gagner. Je dis bien la gagner. » Le pays était dans une euphorie sans précédent à quelques heures du match d’ouverture. Ce matin, du 4 février, sorti, un article dans le magazine Africasie dont j’étais un lecteur assidu. La couverture avec la photo de Laurent Pokou en pleine drible sous le titre : « Les héritiers de Laurent Pokou. » L’article était signé du plus grand connaisseur du football africain Majoub Faouzi que la terre vient d’engloutir il y a trois semaines à peine. Il écrivait que ce serait un miracle si l’équipe de Côte d’Ivoire franchissait le premier tour. Avec des détails de grand connaisseur sur le football africain. Le premier match gagné par trois à zéro contre le Togo mit tout le pays dans une hystérie collective. On cherchait maintenant à savoir qui jouera contre nous la finale du 18 mars. Notre deuxième match vit notre défaite contre les Egyptiens. Cela ne refroidit pas les ardeurs. Bien au contraire. Le troisième match pour accéder au deuxième tour se jouait contre le Cameroun. La propagande monta d’un cran. Le marabout de l’équipe qui sortait, aux deux premiers matchs devant les joueurs, laissa sa place aux sorciers et aux fétiches. Tout le pays était appelé à vaincre par tous les moyens les enfants de Douala. Les prières se multipliaient dans les églises et les mosquées. Les hommes et les femmes des confréries mystiques déployaient leurs connaissances. C’était, pour une fois, l’union entre les forces du bien et du mal. Tout le pays était à l’unisson. Le multipartisme était encore loin de venir nous diviser. A quelques heures du coup d’envoi un enthousiasme béat s’empara des spectateurs et des téléspectateurs. Une rumeur affirmait que, depuis l’aube, des féticheurs avaient « travaillé » sur le terrain. Le score était de deux buts à zéro. On y croyait dans les gradins et dans les salons. Fin du match. Le Cameroun gagne par deux buts à zéro. De nombreuses personnes, dont des femmes, qui ne connaissaient pas le football et qui avaient été contaminés par la propagande, tombèrent évanouis. Le pays était à terre. Félix Houphouët-Boigny, le Président de la République, le releva. Par une phrase : « On a vite baptisé mes jeunes compatriotes d Eléphants, mais ce sont des Eléphanteaux, je vais les aider à grandir afin de gagner la prochaine fois. » Le peuple est comme la femme. Je l’analyse si bien dans mon roman La bête noire. Pour le calmer il faut lui faire des promesses, des messages d’espoir. Donc avec une échéance qui se dresse devant nous il faut éviter une prochaine désillusion qui sera catastrophique en commençant à former les futurs champions. Ceux qui joueront cette coupe d’Afrique 2019 ou 2021 sont actuellement dans les équipes cadettes. Ils sont nombreux à être des surdoués. Ils sont dans toutes les villes et tous les villages de ce pays. Ils sont, aussi, dans des pays européens avec la double nationalité. On peut déjà former trois équipes qu’on va suivre. La Coupe d’Afrique qu’on gagner en 1992 était des Eléphanteaux qui avaient grandi. Ils jouaient depuis de longues années ensemble, l’ossature venait de l’équipe championne dont l’entraineur était d’une rigueur encore jamais atteint dans ce pays. Il faut commencer déjà à inculquer à ces cadets, ces Eléphanteaux d’aujourd’hui, ces Eléphants de demain, les vertus de la victoire que sont le physique, la technicité, le mental. Le long terme ne sied pas aux Africains. Or toute chose de grand, se prépare longtemps en avance et dans la durée. Adolescent, déjà je m’abîmais dans la lecture entretenant à moi l’idée que je serai un écrivain réputé et apprécié. Je me préparais pour éclore à cinquante ans et je l’ai été à vingt cinq ans. Un magazine a même écrit que je suis l’auteur qui a marqué, en littérature, les cinquante ans de la Côte d’Ivoire. Est-ce qu’on a même commencé à préparer nos athlètes pour les prochains jeux olympiques ? Le manque d’argent ne peut pas supplanter l’imagination. On ne devient pas vainqueur par un coup de baguette magique en travaillant uniquement sur le présent, l’élite en football, mais en se levant à l’aube, en se préparant de longues années avant. Pourquoi nous ne pouvons pas ? Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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