x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mercredi 24 décembre 2014 | Diasporas-News

XVème Sommet de la Francophonie

© Diasporas-News Par DF
Conférence de presse de clôture du XVe Sommet de la Francophonie
Dakar, le 30 Novembre 2014 - Le XVe Sommet de la Francophonie a pris fin, à Dakar, avec le choix de Michaëlle Jean comme Secrétaire Général de la Francophonie. L`ancien Gouverneur du Canada succède à Abdou Diouf qui a passé 12 années à la tête de l`Organisation Internationale de la Francophonie.
La famille s’agrandit : le Mexique, le Costa-Rica et le Kosovo sont devenus membres associés. En tout 80 pays représentés. Mais l’OIF, combien de divisions ? Après Dakar, la famille risque de s’entredéchirer. Les raisons : un front Canada versus Afrique, la leçon de droit constitutionnel de la France aux Nidiaye (tontons) africains.

Que retiendra-t-on du XVème Sommet de la Francophonie de Dakar ? « Femmes et jeunesse » comme vecteurs de paix et acteurs de développement, thème principal de ce rendez-vous biennal de la planète « francophile », ne fut qu’une écume noyée dans le flot de l’actualité géopolitique et humanitaire : l’ombre de Blaise Compaoré planait sur le Centre de Conférence International de Diamniadio (CCID) ; la lutte contre le virus Ebola et l’hommage unanime et vibrant rendu au Secrétaire Général sortant Abdou Diouf. Et surtout l’affaire du moment : les tractations et les coulisses quant au choix de celui ou celle qui va le succéder.
Prévue débuter à 9h30, l’ouverture du Sommet avait pris au moins 1h30 de retard. La traditionnelle photo de famille des chefs d’Etat fut belle ; un moment de détente et de quelques plaisanteries entre grands de ce monde. Le président de transition burkinabé Michel Kafando, un peu emprunté, semble surpris de sa brusque adhésion au sein de cet aréopage. La scénographie de la pièce de théâtre offerte aux hôtes du Sénégal fut magnifique. Oui, le spectacle de la cérémonie d’ouverture était féérique avec des effets spéciaux ; un voyage au travers de l’espace francophone - de continent en continent - effectué par deux jeunes enfants métis en quête d’un père et de leur origine. Ils étaient aidés, dans ce parcours initiatique, par un Génie de la langue : l’acteur Charles Berling. Chaque escale de ce périple sur le planisphère était agrémentée d’un intermède musical interprété par des artistes comme la belge Axelle Red, la québécoise Diane Dufresne, la franco-indonésienne Anggun, le cajun Zakary Richard. L’Afrique fut représentée par le chanteur algérien Khaled, la béninoise Angélique Kidjo. Le Sénégal a fait honneur à ses hôtes en faisant découvrir ses plus grandes divas de musique traditionnelle comme Soda Mama Fall, Kiné Lame, Maty Thiam Dogo ; sans oublier les deux régionaux de l’étape : Youssou N’Dour et Coumba Gawlo.

La diplomatie silencieuse
Le ballet des chefs d’Etat défilant les uns derrière les autres au pupitre se transforme rapidement en une épreuve pour l’assistance, obligés de déployer beaucoup d’efforts pour empêcher les paupières de tomber. Tandis que pour les observateurs et les journalistes qui suivent le Sommet depuis le grand chapiteau, c’est du pain béni. Outre, les phrases ou les citations bien cisaillées, la posture et la gestuelle - dans une telle pièce de théâtre - valent davantage qu’une déclaration fracassante. Le président guinéen Alpha Condé qui passe devant son homologue sénégalais, après son discours, en ne lui serrant même pas la main. Pour quelle raison : le Sénégal a fermé ses frontières terrestres avec la Guinée au mois d’août dernier pour endiguer la propagation du virus Ebola ; tout en appelant à la solidarité aux pays touchés par le virus Ebola, au XVème Sommet de la Francophonie ! Le président François Hollande, corrigeant inlassablement ses feuillets de discours, juste pour éviter de regarder son voisin de gauche – le président équato-guinéen Théodore Obiang. Le chef d’Etat français, toujours lui, qui sort de la salle au moment où le président tchadien Idriss Déby allait se diriger vers le pupitre : un prétexte tout trouvé pour écourter son séjour dakarois alors que le président Macky Sall aurait déjà spécialement dépêché son Dir’ Cab’ à Ndjamena pour inviter celui qui ne voulait pas venir.

Une quinzaine de discours étaient prévus avant les séances plénières de l’après-midi et du lendemain. A tout seigneur, tout honneur, le président sénégalais Macky Sall ouvrît le bal des allocutions des chefs d’Etat. En souhaitant la bienvenue au pays de la Téranga, le chef d’Etat convoqua les mânes de ses illustres compatriotes – les poètes Léopold Sedar Senghor et Birago Diop – pour invoquer le fondement de la Francophonie et ceux qui furent ses pères fondateurs. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis … Ils sont dans l'arbre qui frémit… Ils sont dans le bois qui gémit… Ils sont dans la case, ils sont dans la foule... Les morts ne sont pas morts ». Senghor et ses compagnons sont vivants pour la Francophonie, rajouta le chef d’Etat sénégalais. Il fait sans doute allusion aux présidents Habib Bourguiba (Tunisie), le prince Norodom Sihanouk (Cambodge) et Hamani Diori (Niger) à l’origine de la création de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) en 1970 à Niamey. Mention spéciale à la vice-présidente du Vietnam, Nguyen Thi Doan. Elle s’est distinguée, de ses homologues, par sa vision de ce que devrait être l’OIF. Non sans avoir rappelé sa préoccupation au regard de la complexification de la situation géopolitique mondiale – conflits, terrorisme, épidémies – elle prône un « renforcement de la coopération pour lutter contre la pauvreté… en accordant un plus grand soutien aux projets et programmes sur la protection des droits des femmes et des jeunes ».
Quant à François Hollande, il se voulait être le rassembleur de la grande famille de la francophonie en citant Albert Camus qui n’avait qu’une seule patrie : la langue française. Défendre le français tenait d’un leitmotiv : protection de la diversité culturelle, promotion du pluralisme linguistique, affirmation de valeurs. D’une pierre deux coups, en remerciant Abdou Diouf, le chef de l’Etat français n’a pas manqué de fustiger ceux qui ont tropicalisé à outrance la République Démocratique au sens de Montesquieu : « vous avez été un exemple d’abord, d’accepter que l’alternance puisse exister dans votre pays… vous avez de l’expérience, cela n’a rien à voir avec le nombre d’années passées à la tête d’un mandat ». Quelques chefs d’Etat africains se sont grattés le dos pour estimer la profondeur des banderilles accrochées sur leur veste. L’estocade finale arriva lors du passage du discours sur le Burkina : « ce qu’a fait le peuple burkinabè, doit faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce sont les peuples qui décident. Ce sont les élections qui permettent de savoir qui est légitime et qui ne l’est pas ». Même le très modéré Alassane Ouattara n’a pu s’empêcher de réagir face au fait que la France cautionne un tel déchaînement de violences. La réaction à ce discours de certaines capitales africaines, soucieuses de leur souveraineté, annonce une nouvelle période de glaciation diplomatique avec Paris. Car déjà se profile la Conférence sur le changement climatique de 2015 à Paris. Comment la France fera-t-elle pour obtenir un front commun francophone que le président François Hollande a appelé de ses vœux à Dakar ?

L’hommage unanime à Abdou Diouf
« Notre fierté à tous » pour le président IBK du Mali, « le dernier des Mohicans pour Ali Bongo », un dieureudieuf (merci en Wolof) de la part du président ivoirien Alassane Ouattara… Que de louanges et de remerciements pour ce géant assez timide, qui baisse les yeux à chaque fois qu’on lui rend hommage. Joseph Kabila de la RDC se propose même de suspendre ou d’arrêter le temps pour retarder le départ d’Abdou Diouf ; une prolongation que ne partage pas trop Christiane Diouf, couvée par Marième Sall et Chantal Biya, pour qui il serait temps que son époux se retire enfin de la scène. En prenant à témoin la Communauté francophone et le peuple sénégalais, le président Macky Sall rebaptisa le Centre de Conférence International de Diamniadio (CCID) en Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD). « Vous [Macky Sall] m’avez littéralement foudroyé » avait répondu un peu plus tard l’ex-futur Secrétaire Général de l’OIF. Enfin, un dernier passage de témoin à l’adresse de l’assistance de la part de celui qui porta haut les valeurs de l’OIF pendant ses douze années de mandat : « Si vous êtes convaincus que ce Sommet ne doit pas être un sommet comme les autres, alors démontrez-nous, ici, à Dakar, que la Francophonie n’est pas une organisation internationale comme une autre en lui octroyant… les moyens de répondre [plus que jamais] présente à la renaissance du monde, tel le levain nécessaire à la farine blanche ».

La nomination de Michaelle Jean
Jusqu’au matin du 29 novembre, aucun des candidats en lice ne s’était encore désister ; prélude à une journée de négociations âpre voire la sortie des urnes – inédite dans la courte existence de l’OIF -. Pour l’Océan Indien, le sort du mauricien Jean Claude de l’Estrac est vite réglé. La France, membre de la Commission de l’Océan Indien (COI), ne s’est vraiment pas mouillée pour défendre l’ancien ministre des Affaires Etrangères mauricien. Ainsi donc les différentes délégations qui logeaient depuis quelques jours dans les trois grands hôtels de Dakar ne sont pas arrivés à s’entendre sur un candidat unique pour l’Afrique. La CEEAC, à elle seule, compte trois candidats : Augustin Nzé Nfumu (Guinée Equatoriale), Pierre Buyoya (Burundi), Henri Lopès (Congo). Le président Macky Sall, puissance invitante pencherait plutôt pour Henri Lopès. Quant à Michaelle Jean (Canada), elle a le soutien des deux provinces : Québec et Nouveau-Brunswick… et la France ! Un soutien sans contre-partie ? On en doute, Paris a besoin du Canada – mauvais élève en matière d’environnement – pour contribuer au fameux Fonds Vert, le climathon qui peine à afficher 1 milliard $. La tactique de deux principaux contributeurs de l’OIF – la France et le Canada - : éviter à tout prix d’aller au vote. Car sur les 43 membres de plein droit, le continent africain sortirait logiquement vainqueur des urnes.
Après un premier tour de table, Jean Claude de l’Estrac et Augustin Nzé Nfumu se sont désistés. Vers 13h00, on a aperçu le burundais Pierre Buyoya sortir d’un pas rapide par l’agora du CCIAD - un lieu de détente et de sustentation où journalistes et délégués se retrouvent - élimination !
Reste deux candidats : Henri Lopès et Michaelle Jean. Quatre chefs d’Etat se sont isolés dans une salle avec leurs homologues congolais et canadiens. A l’issue de cet ultime conciliabule, le président Sassou Nguesso revient dans la salle de réunion et quitte le XVème Sommet de la Francophonie. Désormais, l’ambassadeur Henri Lopès restera le Raymond Poulidor de la Francophonie : déjà sacrifié en 2002 par Jacques Chirac pour faire place à Abdou Diouf défait en son pays par Abdoulaye Wade. Cette fois-ci il paye pour la jurisprudence Hollande : pas d’amendement de mandat pour rester durablement au pouvoir ; un cas qui pourrait survenir à Brazzaville pour le chef d’Etat congolais en 2016. Le raisonnement est le suivant : il serait difficile à Henri Lopès à la tête de l’OIF de s’opposer à celui qui l’a fait roi à Dakar.

Epilogue
L’avenir proche nous dira si le Sommet de Dakar laissera des traces indélébiles. Le continent africain n’a pas joué « collectif ». Il recueillera un strapontin en tant que n°2 de l’OIF. Les conditions - sine qua non - pour l’affirmation d’une souveraineté africaine passent par un travail de longue haleine. Il est impératif pour nos dirigeants d’assurer notre sécurité par nos seules forces panafricaines. A chaque fois qu’un problème géopolitique ou sanitaire (Ebola) survient, nous sommes obligés d’appeler les gendarmes occidentaux et le Service d’Urgence français. C’est à ce prix-là que nous pourrions un jour revendiquer un fauteuil permanent au Conseil de Sécurité et dans une moindre mesure imposer notre candidat à la tête d’une organisation internationale.
La diplomatie fine incarnée par Abdou Diouf reposera désormais sur les frêles épaules de la nouvelle Secrétaire Général face aux vieux briscards africains. Sinon, l’OIF reviendra à sa vocation première : une agence intergouvernementale avec des objectifs plus réalistes en matière de développement où les femmes et la jeunesse prendront davantage de poids.
Les sauts de cabri de la future Secrétaire Général, en apprenant sa nomination, n’est que pure anecdote rapportée par l’entourage proche des chefs d’Etats. Elle a été invitée par le président Macky Sall à se joindre à la conférence de presse avec Abdou Diouf, François Hollande et Hery Rajaonarimampianina, le chef d’Etat malgache. Madagascar sera le prochain pays hôte en 2016 du Sommet de la Francophonie. Haïti aurait refusé par manque d’infrastructures ; tandis que le Vietnam a décliné la charge à cause d’un calendrier électoral très chargé.
Pour Abdou Diouf Submergée par l’émotion, ce qui devait être une réponse à la question d’un journaliste canadien anglophone, s’est (presque) transformée en un discours d’investiture de 10 mn. Pour conclure, tout en mesurant la lourdeur de la charge, elle a fait sienne la citation du président Joseph Kabila de la veille en oubliant d’en citer l’auteur : « on ne remplace pas Abdou Diouf, on lui succède ». Beau plagiat !

ALEX ZAKA & Coura SENE
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ