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Editorial Publié le samedi 17 décembre 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton : Jamais deux sans trois

J’image déjà certains de mes lecteurs, sans avoir lu la chronique, donner la sentence. « On l’avait dit. Et qu’il ne quittera pas le pouvoir avant des années. Il va faire un troisième mandat. C’est clair et net. En plus, si Biton, qui voit toujours juste l’a dit, la vérité est dans le pré. »Cette tendance de nos concitoyens, des Africains, à lire un titre et se créer tout un monde m’a toujours effaré. Mais cela. Je comprends mieux le phénomène. Nous vivons toujours dans une société de l’oralité. Lire est comme des travaux d’hercule. Parler vite sans faire des analyses est plus proche de la vérité pour la plupart de nous. Et puis, quel candidat, aux législatives, a-t-il proposé de bâtir une bibliothèque pour les fils et les enfants de ses électeurs ? Sans doute que cela est du ressort des candidats aux municipales. Sans doute encore que les courts extraits présentés par la presse et la télé oublient de nous passer les propos des candidats qui parlent de leurs nombreux projets en faveur du livre et de la lecture. En tout cas, pour ceux qui sont pressés de jubiler sur un probable troisième mandat, c’est une fausse route de leur part. Je parle d’autre troisième. En plus, je crois que durer au pouvoir ça use. Je me demande comment un Président de la République peut-il aimer rester longtemps au pouvoir et dormir la nuit. Quand je vois la tâche immense qu’il doit accomplir, au quotidien, il faut être un être surnaturel pour imaginer faire plus de sept ans. C’est pourquoi, je trouve que la meilleure durée d’un mandat présidentiel ne doit pas dépasser quatre ans. Renouvelable une seule fois. Surtout en Afrique. Tout citoyen qui se réveille le matin de son matelas, affaissé, en veut au Chef de l’Etat de l’avoir mis dans cet état déplorable. Toutes les conversations commencent et finissent sur la tête du Président. Un Président est accusé de tous les maux, jamais des belles réalisations. Car pour un peuple tout est à venir, tout est à faire et à refaire. Un Président est bon et bien quand il distribue de l’argent, aux pauvres et distribue des postes de responsabilité aux riches. Un Président peut-il être un distributeur automatique d’argent pour tout le pays ? Hampaté Bâ me parlait, sans cesse, de l’exercice du pouvoir que lui racontait son ami. Il disait que son ami lui disait souvent qu’il faut être « fou » pour diriger les gens et qu’il fera tout pour qu’un de ses fils ne fasse jamais de la politique. Au sens figuré comme au sens propre. Mais je crois qu’il existe un secret chez tous ces Présidents pour rester aussi longtemps au Pouvoir et dormir bien et assez bien la nuit et sans doute faire la sieste comme moi. Bref, on s’est trop éloigné de notre sujet. Jamais deux sans trois. Il s’agit des Eléphants. Pas les éléphants de la savane mais ceux des terrains de football. Il s’agit bel et bien de l’équipe nationale de football de la Côte d’Ivoire. Dès les élus connus des élections législatives, tout le pays sera pris par une nouvelle fièvre. Encore plus forte que la politique. La mode sera aux jamais deux ans sans trois. Après avoir obtenu deux coupes d’Afrique des nations en football, il est tout à fait normal que nous visions tous le prochain trophée. Tout le monde va gagner dans l’affaire. A commencer par la presse, les radios et les chaînes de télévision. C’est elles qui vont donner l’ « opium » au peuple jusqu’au départ à Libreville et durant toute la compétition. Des gladiateurs nous seront montrés même dans leur sommeil, les fauves couchés à leurs côtés. Les journaux vont se vendre comme de petits pains et la publicité envahir les écrans. Pour plus d’argent. Les plus heureux seront les dirigeants politiques. Leurs oreilles ne vont pas bourdonner de tous les bruits. Personne ne leur parlera plus de routes à réparer ou de goudrons à étaler. Les revendications salaires seront à la trêve. Le peuple aura d’autres chats à fouetter. Les hommes politiques pourront aller en vacances pour deux ou trois semaines. Toutefois, pour augmenter la trêve sociale, il appartient aux hommes politiques de donner tous les moyens matériels et financiers à l’équipe pour qu’elle aille très loin dans la campagne sportive. Cela suppose que, chaque jour, le pouvoir dise combien il décaisse pour l’équipe nationale. Le peuple adore les milliards qui sortent pour ses gladiateurs et aime ainsi ses dirigeants et quand l’équipe coince, ce sont les joueurs qui, seuls, seront blâmés. Et aussi, son entraîneur qu’il faudra remplacer très vite pour faire plaisir à ce peuple souverain. Le mieux, c’est de prendre encore cette coupe, pour la troisième fois pour montrer notre suprématie économique. A la veille de l’élection présidentielle au Ghana, la presse internationale montrait comment notre pays se situait devant nos voisins avec ces nombreuses coupures de courant, même, à Accra. Il faut qu’on les écrase de notre supériorité en gagnant une troisième fois. Quant au peuple, ce fameux peuple, c’est le moment de son bonheur après les fêtes du nouvel an. Il va consommer sans calculer. Je m’imagine combien la foule de Rome, au Colisée, était si heureuse de voir des lions « croquer » des hommes. Maintenant c’est encore mieux avec la télévision avec le ballon allant d’un camp à l’autre pour gagner une « guerre » et remporter la bataille. Plus que jamais, pour des siècles et dans des siècles, le peuple se dirigera par du pain et des jeux. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly
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