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Afrique Publié le jeudi 22 juin 2017 | AIP

Les enjeux de la gouvernance des ressources et activités maritimes pour le développement durable en Afrique

© AIP Par DR
Séminaire international sur la Gouvernance des ressources et des activités maritimes.
A l’initiative de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique (CEA), Il s’est ouvert ce mercredi 21 juin 2017 à Abidjan un séminaire international sur la Gouvernance des ressources et des activités maritimes.
Réunis du 21 au 23 juin à Abidjan, des experts africains et internationaux des questions maritimes et océaniques vont notamment discuter de la problématique de la gouvernance des ressources maritimes dans l’économie bleue et le développement durable, ainsi que les instruments conçus pour guider les Etats membres à travers la stratégie maritime africaine intégrée pour les mers et les océans – Horizon 2050 ou "Stratégie AIM 2050".

Selon un document de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), un organisme régional des Nations Unies, avec une superficie d’environ 30 millions km², l’Afrique se positionne comme le deuxième plus grand continent de la planète, entouré de vastes étendues océaniques (océan Atlantique et océan Indien) et de mers semi-fermées (la Méditerranée et la Mer Rouge).

Les eaux territoriales, sous juridiction africaine, totalisent environ 13 millions de km² avec des plateaux continentaux d’environ 6,5 millions de km², ce qui s’avère véritablement considérable.

Toutefois, les 54 Etats composant le continent africain sont dans des positions très diverses face à l’ouverture à la mer et aux océans. Trente-huit de ces Etats sont dotés d’une façade maritime alors que les autres sont totalement enclavés. L’Afrique compte en effet le taux le plus élevé d’Etats enclavés dans le monde (32%) contre 25% pour l’Europe 12,8% pour l’Asie et 5,71% pour le continent américain. Une situation qui cause d’énormes difficultés dans le commerce extérieur et le développement économique du continent.

Cependant, les océans qui entourent le continent africain offrent d’immenses richesses (halieutiques, minérales et énergétiques), des opportunités économiques considérables et quelquefois de véritables alternatives aux nombreuses ressources exploitées à terre, amenant ainsi l’Union africaine à considérer l’économie bleue comme "la nouvelle frontière de la renaissance africaine".

Considérant le fait qu’un quart de la population mondiale vivra en Afrique d'ici 2050, ces immenses potentialités maritimes et océaniques présentent des défis et d’énormes soucis pour le développement socio-économique de toute la population africaine, d’où la mise en place de réelles politiques en matière de gouvernance desdites ressources.

Avec une population en constante croissance et un développement rapide des industries et de l’urbanisation côtière, ainsi que l’épuisement de nombreuses ressources dans les autres parties du globe, le secteur maritime africain est de plus en plus sous pression.

1)-Transports maritimes et activités portuaires

Le transport maritime sûr et sans danger des marchandises est vital pour le continent africain. A cause de la géographie et des infrastructures de transport déséquilibrées qui font obstacle au commerce interne, plus de 90% des exportations et des importations des Etats africains s’opèrent par la voie maritime. Pourtant, la plupart des navires utilisés, à cette fin, ne battent pas pavillon africain, surtout qu’ils e sont pas construits sur le continent et n’ont pas un équipage local.

Cette situation de dépendance économique à l’égard de puissances maritimes étrangères pénalise lourdement et durablement les économiques africaines.

Les conditions de la concurrence entre ports africains se révèlent également une problématique à laquelle il faut envisager sérieusement un dialogue interportuaire permanent pour la résoudre. Par ailleurs, il y a trop de ports africains qui constituent des points de congestion du fait de l’inadéquation des infrastructures, des procédures bureaucratiques longues et de l’inefficacité dans le fonctionnement et de modèles tarifaires pas concurrentiels, pénalisant ainsi les opérateurs économiques et plus durement encore les Etats enclavés.

Au large comme le long des côtes, le maintien des niveaux de sécurité et de sûreté nécessaires pose de réels défis que beaucoup d’Etats côtiers ne parviennent pas à surmonter individuellement. La navigation maritime est désormais l’objet de multiples actes de criminalité tels que les trafics de drogues et des êtres humains, et surtout la piraterie et autres attaques armées enregistrées notamment dans le golfe d’Aden, l’océan Indien et le golfe de Guinée.

Sous l’impulsion de l’Organisation maritime internationale (OMI), de l’Union africaine (UA) et de différentes organisations sous-régionales, des stratégies, des dispositifs opérationnels et des instruments juridiques spécialisés ont été mis en place pour combattre ces lourdes menaces (Stratégie AIM 2050, Code de Conduite de Djibouti de 2009, Code de conduite de Yaoundé de 2013, Charte de Lomé de 2016…).

2)-Les activités de pêche et d’exploitation des ressources halieutiques

L’utilisation optimale des ressources marines biologiques, la bio-prospection inclue, est aussi vitale pour le continent. En effet, dans la plupart des nations côtières, la pêche contribue de manière importante à la sécurité alimentaire, au revenu rural et à l’emploi.

Selon des organismes des Nations Unies (FAO et CEA), les poissons de mer et d’eau douce sont un apport vital à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 200 millions d’Africains et une source de revenus pour plus de 10 millions d’entre eux.

De nombreux Etats africains ont des flottes de pêche vieillissantes (ou alors embryonnaires) ainsi que des moyens juridiques, logistiques et techniques trop limités pour pouvoir gérer adéquatement leurs ressources et combattre avec succès la pauvreté, tout comme les crimes de pêche commis, dans certains cas, par des associations transnationales de malfaiteurs, désignés sous l’appellation "Pêche pirate" ou "Pêche INN" (Illicite, Non déclarée et Non règlementée).

Evaluée par la FAO à environ 30% des captures mondiales, soit entre 11 et 26 millions de tonnes, la pêche INN représente une perte annuelle de 10 à 23 milliards d’euros au niveau mondial et frappe les pays en développement, les Etats côtiers africains notamment.

Ainsi, un nombre croissant de stocks est soit surexploité, soit déjà épuisé, avec souvent des conséquences négatives très sérieuses pour les communautés traditionnelles de pêcheurs dont la survie dépend presqu’entièrement de ces ressources.

Les Etats africains ont, dans ces circonstances et dans l’optique d’une meilleure gouvernance, un grand intérêt à combattre cette forme de criminalité économique et écologique, et à s’initier résolument à la négociation de véritables accords de pêche avec leurs partenaires étrangers qui leur garantissent des rapports "gagnant-gagnant".

De vastes gisements de ressources marines biologiques ont déjà fourni dans le passé des revenus considérables à un nombre d’Etats côtiers. De nouvelles découvertes soutenues par une bonne gouvernance confirment régulièrement que l’exploitation rationnelle de ces ressources pourra continuer, dans un avenir prévisible, à constituer un élément important du succès de l’économie bleue "africaine".

3)- L’exploitation des ressources minérales de la mer et des grands fonds marins

L’économie de très nombreux Etats africains repose sur l’exploitation des ressources minérales de la mer, notamment du pétrole, du gaz et de plus en plus sur les agrégats marins (sables et graviers prélevés le long des côtes, parfois au mépris des exigences environnementales).

Le golfe de Guinée, par exemple, représente près de 50% de la production d’hydrocarbures du continent africain, soit 10% de la production mondiale. Les statistiques estiment les réserves de cet espace à 24 milliards de barils de pétrole.

Les ambitions qui se manifestent dans la conquête de zones économiques exclusives (ZEE) et de vastes plateaux continentaux laissent entendre que les Etats africains ne souhaitent plus demeurer de simples spectateurs de l’appropriation et de l’exploitation des richesses de leurs fonds marins (y compris demain pour les nodules polymétalliques et les autres ressources minérales océaniques de très forte teneur pour l’instant non exploités).

La plupart des Etats africains n’ont pas l’expertise et les infrastructures nécessaires pour valoriser eux-mêmes ces matières premières. Ils sont également confrontés à des problèmes d’entretien et de sécurité auxquels il faut ajouter des cas d’accidents ou de pollutions opérationnelles (comme ce fût le cas au Nigéria dans l’embouchure du Delta du Niger), une défaillance ou même une absence de mécanismes d’indemnisation adéquate des populations sinistrées.

Il faudra également, dans le cadre du respect des principes du développement durable, s’assurer du besoin de garantir que l’impact social, économique et environnemental du secteur minier à long terme est pris en compte et géré.

Et ici encore, le danger des détournements et de la surexploitation économique des ressources du continent au détriment des populations locales demeure réel et permanent.

L’ensemble de ces considérations confirme une fois encore l’urgence d’une bonne gouvernance de ce secteur en Afrique.

4)-Le tourisme marin et côtier

Le tourisme marin et côtier, y compris les croisières, contribue déjà de manière significative à l’économie de plusieurs Etats africains (Afrique du Nord, Etats de l’Océan indien…). Tant il est vrai que le secteur a un taux d’emploi exceptionnellement élevé et qu’il constitue parfois une source vitale de devises étrangères, il crée cependant des problèmes liés à son impact sur l’environnement culturel, naturel et social dans lequel il se développe.

La planification spatiale est un instrument très utile pour résoudre ces problèmes, qu’elle soit terrestre ou marine. C’est pour assurer une meilleure gouvernance de ce secteur que la CEA a, par exemple, soutenu et accompagné en Afrique de l’Est, la réalisation d’une étude intitulée "Vers un tourisme durable en Afrique de l’Est", ainsi que l’élaboration d’un "Plan directeur pour un tourisme durable (STPM, 2013-2023) des Etats de membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)". L’éco-tourisme côtier doit désormais trouver une place de choix dans cette dynamique de construction d’un tourisme durable. L’exemple du Kenya, entre autres, montre comment le développement d’une industrie de l’écotourisme à petite échelle peut procurer des avantages sociaux aux communautés locales et à assurer la création de richesses, sans nuire à l’environnement, grâce au renforcement des compétences locales et à l’adoption de nouvelles technologies capables de réduire les impacts environnementaux.

5)-L’utilisation possible et prometteuse des énergies marines renouvelables

Il faudra prendre très sérieusement en compte cette problématique lorsque les Etats africains commenceront à exploiter, dans une bien plus grande proportion, les diverses formes d’énergie marine disponibles, d’autant plus que les prix croissants des sources d’énergie carbonée obligent tous les Etats du monde, y compris africains, à rechercher désormais des solutions alternatives dans les énergies renouvelables, notamment océaniques.

C’est ainsi que l’Etat du Cap Vert expérimente actuellement l’utilisation de l’énergie marémotrice (celle des vagues et courants marins) en réussissant à éclairer plusieurs zones rurales reculées. A ce propos, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) soutient que ces nouvelles énergies pourraient satisfaire entre 100 et 400% de la demande actuelle dans le monde. La gouvernance africaine des ressources de la mer et des océans devra donc conduire à cette révolution énergétique nécessaire.

6)-La protection de l’environnement et des écosystèmes marins et la problématique des défis liés aux changements climatiques

La nécessité d’une protection urgente de l’environnement et des écosystèmes marins est devenue une préoccupation planétaire. Le degré de pollution des mers et des océans a depuis bien longtemps dépassé toutes les cotes d’alerte, qu’il s’agisse des pollutions marines provenant des terres (pollutions telluriques), provenant des activités en pleine mer (pollutions hauturières), des rejets volontaires ou involontaires réglementairement admissibles pour les activités humaines (pollutions opérationnelles), ou encore des pollutions provenant d’accidents et catastrophes maritimes (pollutions accidentelles).

L’Afrique n’échappe nullement à ces différentes menaces, même si leur médiatisation demeure très faible sur le plan mondial. Qu’il suffise de rappeler, dans le transport des hydrocarbures, et malgré un silence de plomb, que la tragédie du tanker "ABT Summer" survenue en 1991 au large des côtes angolaises demeure la 2ème catastrophe pétrolière mondiale avec 260 000 tonnes déversées en mer ; que celle du "Castillo de Bellver" qui a durement frappé les côtes sud-africaines en 1983 reste la 3ème catastrophe mondiale, avec 257 000 tonnes déversées dans les eaux de ce pays africain ; et que le nettoyage de la marée noire de Ogoniland (Nigeria) prendra 30 ans.

L’on est également conscient de ce que les effets d’une mauvaise gestion de l’environnement sont lourdement aggravés par ceux découlant des changements climatiques : multiplication des phénomènes météorologiques d’envergure et générateurs d’accidents maritimes, élévation du niveau de la mer, érosion des littoraux, intrusion des eaux salines, réchauffement et acidification des océans, blanchissement des coraux, propagation d’espèces envahissantes ou prédatrices mettant en danger l’équilibre des écosystèmes marins et littoraux, etc…

La gouvernance des mers et des océans doit donc nécessairement passer par une prévention appropriée et par une lutte sans merci contre toutes sortes d’atteintes à l’environnement et aux écosystèmes marins et y intégrer les préoccupations d’un développement durable. Et c’est pourquoi le nouveau cadre du développement de l’Economie bleue en Afrique doit absolument privilégier "une approche intégrée, systémique, dynamique, inclusive et participative des écosystèmes, qui cantonne les barrières sectorielles au niveau de la gouvernance et qui brasse les dimensions environnementale, sociale, et économique de toutes les activités impliquées dans l’économie bleue". En clair, il s’agit de s’efforcer de parvenir à "une Economie verte dans un monde bleu"…

Kkf/kp
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