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Économie Publié le mardi 14 mars 2023 | Abidjan.net

Lutte contre la vie chère : Descente à Gonzagueville (Port-Bouët) avec une unité de la Brigade de Contrôle Rapide

© Abidjan.net Par DR
Lutte contre la vie chère : Descente à Gonzagueville (Port-Bouët) avec une unité de la Brigade de Contrôle Rapide

Face aux plaintes croissantes relatives à l'augmentation anarchiques des prix des produits de consommation et autres denrées sur les marchés, le Ministère du Commerce, de l'Industrie et de la Promotion des PME, a initié une vaste campagne de sensibilisation doublée de missions des unités de sa Brigade de Contrôle Rapide (ou BCR), sur toute l'étendue du territoire du District d'Abidjan. Cela, à l'effet de s'assurer du respect strict des prix homologués et pratiqués, et de prendre les dispositions et sanctions conséquentes..


Prenant prétexte de la « descente » d'une unité de la BCR dans le sous-quartier de Gonzagueville (route de Grand-Bassam, au sud d'Abidjan), dans la commune de Port-Bouët, Abidjan.net s'est imprégné des réalités de cette vaste politique de contrôle des prix et a vécu pour vous, une « folle journée de chasse aux vrais prix » qui a consisté à débusquer les commerçants véreux, qui, en agissant comme ils le font, se sucrent aussi bien sur le dos de l'Etat que sur celui des pauvres citoyens.


10h47 minutes, ce mardi 31 janvier 2023. Le soleil, est déjà présent. Ses rayons, des chappes de plomb invisibles, s'abattent sur tout Port-Bouët et transpercent presque tout sur leur chemin. La chaleur est donc vive et insoutenable mais en rien maîtresse de la détermination du Commandant Armand Koffi. L'homme est à la tête de ses troupes. Un petit commando de gendarmes et des agents de la BCR, à bord d'une colonne de 4 véhicules de types 4x4, et à motos. Le ton du Commandant est martial. Ses ordres qui rythment chaque avancée et chaque arrêt aussi. Première escale, le quartier d'Anani.


La cohorte d'hommes en uniformes et de véhicules qui prennent pied ça et là est une scène peu habituelle dans cette bourgade, où seuls quelques courses-poursuites contre les drogués des fumoirs à ciel ouvert qui essaiment la zone apparaissent comme les hauts faits d'hommes en tenues. Le Commandant Koffi, coutumier de ce genre d'opération, choisit tout de suite d'aller séréniser les quelques badauds apeurés mais suffisamment courageux pour être restés à les accueillir. Pendant ce temps, ses hommes qui ont investi les lieux, comme s'ils détenaient quelques solides informations sur les activités illicites de boutiques et magasins bien répertoriés, foncent tout droit sur la boutique du nommé Sayiddina. Ce ressortissant mauritanien que tous ici appellent « Mahamé » (Mohamed, certainement) n'attend même pas que les échanges de civilités entre lui et ses visiteurs venus d'ailleurs aient lieu. Ses pieds à son cou, il s'enfuit vers l'autoroute, la traverse et fond dans la broussaille attenante, sous les regards des badauds qui ne peuvent s’empêcher de rire. Ses compatriotes restés dans son magasin sont contraints de se plier à la démarche méthodique des hommes de la BCR du Commandant Koffi. Chez Sayiddina comme chez le nommé Abou, cueilli non loin de là, le constat est le même : les prix, en même temps qu'ils ne sont pas affichés sont largement au-dessus de ceux plafonnés par le ministère du commerce et de l’industrie. 


«Nous sommes venus sur dénonciation. Depuis un bon moment nous recevons des coups de fils et des alertes nous faisant cas du non-respect des prix plafonnés par le ministère du commerce et de l’industrie, au niveau de Gonzagueville. Nous sommes donc venus sur le terrain pour vérifier les faits qui nous sont rapportés», explique le commandant Koffi à un passant s'étant présenté comme un agent des forces de l'ordre à la retraite, vivant dans le quartier. A en croire l’agent du ministère du commerce et de l’industrie, le constat est plutôt triste. Nombre de grossistes comme détaillants de ces sous-quartiers ne respectent pas les prix plafonnés. Pire, ils ne les affichent pas sous chaque produit qu'ils vendent à la tête du client et selon leurs humeurs.


 


Un peu plus loin, à l'entrée de l'autre versant qui transite par le rond-point du quartier et dont les constructions descendent sur les propriétés du village bassamois de Vitré, une autre fouille permet de constater que des produits alimentaires (riz, boissons, laits, tomates, cube d’assaisonnement …), stockés au fond d'un magasin, sont frappées d'inscriptions surprenantes. Les premières, malheureusement visibles comme pas originales, cachent les vraies informations qui prouvent indiscutablement que ces produits sont périmés depuis belle lurette. Ici aussi, la BCR se charge de tout : des explications que le responsable des lieux, qui dit se nommer Dicko, est sommé de fournir comme des mesures punitives qui vont s'en suivre. Côté Carrefour Abraham, autre quartier bien connu de la zone, c'est la Supérette « Mouna » qui tombe dans la nasse des hommes de la BCR. Plusieurs produits dont les dates sont arrivées à expiration sont encore rangés dans les rayons. Invité à justifier cette atteinte à la santé de la clientèle, le tenancier épinglé sur son lieu de travail, lance un, «Je ne savais pas que la date des produits était arrivée à expiration…», sans conviction.


Bien avant, la BCR a collé une amende au sieur Touré. Ce dernier, à la vue de cette unité, a pris la poudre d'escampette après avoir fermé son commerce. Moins heureux cependant que le dénommé Sayiddina, de la voie d'Anani, il a été rattrapé par les agents au terme d'une course-poursuite à laquelle une voie sans issue d'une des nombreuses ruelles du quartier a mis fin.


Dans ce cas comme dans les précédents, des convocations sont adressées, les portes des magasins, supérettes ou boutiques sont pour certains scellées, et les propriétaires ou grossistes véreux invités à répondre de leurs actes auprès des services compétents de la Direction générale du commerce intérieur, sise au Plateau. Le commandant Koffi en profite alors pour exhorter davantage sur place les commerçants à respecter les prix plafonnés par le Gouvernement. Ce, non sans inviter les populations à dénoncer toutes les boutiques ou espaces qui ne pratiquent pas les prix plafonnés, en appelant le 1343 (numéro vert).


LES COMMERÇANTS VEREUX PAIENT-ILS LEURS AMENDES ?


Quelques heures plus tard, notre équipe de reportage se rend à la Direction générale du commerce intérieur, au Plateau. Plusieurs tenanciers, propriétaires de boutiques, et grossistes, fichiers de verbalisation en main, sont sur les lieux pour répondre de leurs « crimes économiques et sanitaires ». Nous en reconnaissons quelques-uns. Le commissaire Konan Bah Robert qui les reçoit à tour de rôle (grossistes, détaillants et autres revendeurs indélicats), nous en dit un peu plus sur le sort de ces contrevenants. ‘’Nous avons à faire à plusieurs catégories d’opérateurs qui sont dans des situations délicates. Ces derniers ont été convoqués, car, ils n’ont pas affiché des prix ou ont pratiqué des prix supérieurs à ceux fixés par le gouvernement. Des amendes spécifiques à chaque forfait seront appliquées. Elles vont de 100. 500 francs CFA à des millions», fait-il noter.


Mais, ce matin du mardi 28 février 2023, le Commissaire Konan Bah n'a pas que les cas cités plus haut à gérer. il a en face de lui deux cas de paiement d'amendes qu'il lui faut régler. Le premier explique qu'il vient nouvellement d’acquérir sa boutique par passation, tous les produits et autres dispositifs compris. Le second, lui, vient de perdre son propriétaire. Sa situation comme celui de son devancier, les met dans l’incapacité de payer leur amende pour le moment. «Notre rôle n’est pas d'user de la force pour les obliger à s’acquitter de leur amende. Nous voulons appliquer la loi, bien entendu, mais, il y a aussi des sentiments qui nous freinent parfois dans notre démarche d'êtres humains. Nous sommes donc souvent plus souples, en les sensibilisant et en leur donnant une seconde chance. Toutefois, quand ils récidivent, nous nous montrons très intraitables», explique, pour sa part, Commissaire Konan Bah.


L’agent de la BCR indique en plus que lorsque ces commerçants n'arrivent pas à payer leurs amendes à date indiquée, il y a des méthodes mises en place pour les y contraindre, en prodiguant les conseils qu'il faut. «Ce traitement se poursuit et évolue en fonction de celui à qui nous avons à faire. Outre cela, et ceux qui ont la capacité de payer, nous faisons des Procès Verbaux et tirons la notification d’amendes que nous joignons aux Procès Verbaux, qui leur sont remis pour un solde avant 8 jours. Passé ce délai, un recouvrement forcé est prévu, d’où l'application d'additifs tels que les intérêts de l’État et les frais de recouvrement. Nous n’avons pas encore fait recours à cette méthode. Par contre, nous alertons les concernés pour qu’ils viennent se départir de leur amende». Poursuivant, le commissaire se fait plus clair : «lorsque nous prenons notre ordonnance, il y a des infractions qui peuvent amener des contrevenants à faire la prison. Cependant, nous mettons l’accent sur les amendes traditionnelles ou transactionnelles, en écartant le volet pénal. Pour éviter les nombreuses négociations des associations de commerçants, on n’en tient pas compte».


AUPRES DE QUI LES COMMERÇANTS PAIENT-ILS LEUR AMENDE ?


Ce volet est l'affaire du service de recouvrement de la BCR. Il est composé des agents de la comptabilité de la Direction générale du commerce intérieur, et de la Direction Administrative et Financière du Ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME.


L'une des agents qui a requis l'anonymat et qui nous reçoit indique que : ''les opérateurs, avant de venir vers nous, vont négocier leurs amendes puis, nous les recevons pour solder celles-ci. Les amendes varient en fonction des infractions et vont de 100 mille à 50 millions de francs CFA. Avec leurs Procès Verbaux, nous libérons la quittance de l’opérateur sans négociation post évaluation".


À l'en croire, 5 personnes de différents types d'infractions sont reçues en moyenne par jour. Parmi ceux-ci, des détaillants et souvent des semi-grossistes. Livrant, au passage, le mécanisme réel selon lequel les indélicats commerçants se retrouvent à répondre de leurs forfaits devant ce service, notre interlocutrice avoue ce qui suit : "la BCR réagit par appels, généralement, sur dénonciation. C’est la plupart des clients qui dénoncent ces détaillants, et nous en retour lors de leurs passages ici, nous leurs demandons de dénoncer les grossistes avec qui, ils opèrent". Puis d'expliquer qu'en fin de journée, escorté par les éléments de la gendarmerie, le personnel du service de recouvrement convoie les fonds recouvrés au bureau de la Direction administrative et financière (DAF) dudit Ministère où vérification et consolidation des comptes sont effectuées "pour plus de transparence"'. Après quoi, les fonds sont envoyés au trésor public ivoirien.


Cyprien K.

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