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Politique Publié le mardi 23 juin 2009 | Fraternité Matin

Visite d’État : Gbagbo fait le point

Au terme de sa tournée dans les régions des Montagnes, du Bafing et du Denguelé, du 7 au 20 juin 2009, le Président Laurent Gbagbo a fait un bilan face à la RTI et Fraternité Matin.

Merci, Monsieur le Président, de recevoir la Radiotélévison ivoirienne et Fraternité Matin après cette visite d’Etat dans les régions de l’ouest montagneux, du Bafing et du Denguélé. Une visite éprouvante du point de vue physique, bien entendu, parce que vous avez eu à tenir 15 meetings au moins à travers ces trois régions. Et voilà que déjà, vous devez repartir pour Abuja.

Je dois répondre aux sollicitations intérieures et aussi à celles extérieures. On a fini avec la visite dans ces trois régions, il faut maintenant aller à Abuja prendre part à deux réunions importantes. L’une, ordinaire, de la Cedeao et, l’autre, de la coopération entre la Cedeao et l’Espagne.

On reviendra certainement sur les questions sous-régionales. En attendant, les questions

internes intéressent au plus haut point les Ivoiriens. Au sortir de cette visite d’Etat, où vous êtes allé à la rencontre des populations de ces régions, M. le Président, on a tous constaté qu’il y a eu une forte mobilisation. Finalement, quelles populations avez-vous rencontrées?

Nous avons rencontré, au niveau de leur identité, les populations de ces régions: Dan, Wê, Toura, Mahou. Vous savez, il n’y a aucune région uni-ethnique; on y trouve tout le monde. Les Malinké se trouvent au nord. Mais ce sont surtout des populations éprouvées par sept années de crise, des populations éprouvées par l’absence de l’administration, de l’Etat, de la République. Par le manque même des services vitaux de la République: les dispensaires, les écoles. Quand j’écoutais leurs revendications, c’étaient surtout des revendications de base: réhabiliter les écoles, affecter les instituteurs, sages-femmes, infirmiers, réhabiliter les infirmeries, les dispensaires des villages. Il faut que la République revienne pour prendre sa place. C’est surtout cela.

Monsieur le Président, je voudrais commencer par la première étape. Le Rubicon que vous avez franchi, c’était l’étape de Kabacouma. Alors que nombre d’Ivoiriens avaient des appréhensions, tout s’est en définitive bien déroulé. Quelles sont alors les recettes qui ont été mises en place? Et peut-on attendre également une suite judiciaire à l’affaire Guéi, même si les enfants n’en ont pas fait un préalable?

C’est chez vous, les journalistes, qu’on rencontre les problèmes; moi, je n’en ai jamais eu. J’y suis allé naturellement parce que dans une région comme celle-là où il y a eu un Monsieur comme Guéi Robert, qui jouait un rôle important au niveau régional et national, et qui est décédé aux premières heures de la crise, si on y va annoncer la fin de la crise, il faut d’abord aller saluer sa famille. De même, je ne peux pas aller faire une visite à Lakota sans aller d’abord chez Boga Doudou. Je ne peux pas faire une visite officielle à Gagnoa sans aller d’abord chez Dagrou Loula et Dali Oblé. Je ne peux pas faire une visite officielle à Daloa sans aller chez le colonel Yodé. Donc pour moi, c’était tout à fait naturel. C’est dans les journaux que je vois des problèmes, mais je n’ai pas de problèmes avec eux. Je suis tout naturellement allé les saluer pour leur dire ce qu’il faut. Parce qu’on avait un problème, l’aîné, Franck Guéi voulait que son père soit enterré à Abidjan, c’est ce qui a été fait. Les autres, y compris ceux du village, voulaient que Robert Guéi soit enterré à Kabacouma. C’est un problème qui concerne la famille. Il fallait qu’il soit réglé avant que nous ne les aidions à faire les obsèques. Ils les ont réglés, d’ailleurs deux jours seulement avant mon voyage.

Cela ne vous a pas empêché d’avoir un conciliabule d’au moins une heure, M. le Président, avec la famille. A la suite duquel, il y a une certaine opinion qui réclame la manifestation de la vérité. Allez-vous faire droit à cette requête?

Vous avez dit cela. Mais moi je l’ai lu dans les journaux. Il faut que les gens n’oublient pas des choses. Nous sommes nombreux à avoir perdu des parents et des amis dans cette crise. A trois reprises, on a réclamé l’amnistie des faits liés à cette crise. A Lomé, Marcoussis et à Ouagadougou. Nous avons fait prendre par deux fois des lois d’amnistie. C’est pourquoi il n’y a pas de poursuites judiciaires. On n’a pas engagé de poursuites pour voir la vérité sur ceux qui ont tué Boga Doudou, Dagrou Loula, Dali Oblé, Yodé. Il y a eu trois cents morts dans la première nuit, du 18 au 19 septembre (2002). On n’a pas fait de procès parce qu’on nous a demandé l’amnistie pour couvrir tous ces morts. Ce que nous avons fait. Si quelqu’un veut qu’on fasse le procès, on va lever l’amnistie pour tout le monde et on va faire toutes les recherches. Je n’ai donc aucun problème, je suis pour la loi parce que je veux qu’il y ait la paix dans le pays. On fait ce que les gens ont décidé. Si non, je n’ai pas de problème avec la famille de Guéi. Je n’ai aucun problème et je n’en n’aurai pas. Je ne sais pas pourquoi j’en aurai.

Pour revenir aux préoccupations des populations, nous notons qu’elles concernent les infrastructures, la sortie de crise. Parmi ces préoccupations, la route s’affiche comme une priorité, une urgence même. L’Etat va quand même les aider.

Vous savez, il y a des routes qu’il faut faire. Il y a au moins des pistes qu’il faut améliorer en envoyant des machines pour les renforcer. Mais souvent, c’est la communication qui est un grand problème. Ce sont des régions agricoles. Les populations ont besoin d’aller et de venir. Elles ont besoin d’aller récolter les produits qui sont dans les plantations, dans les champs. Mais elles ont aussi besoin de commercer surtout que cette région-là est une région de frontière. Nous avons le Liberia, la Guinée, le Mali. Par exemple, il faut ramener le commerce guinéen autour de l’axe Danané-Touba-Man. C’est la même chose à Minignan… Il faut ramener le trafic du Mali, de la Guinée sur la Côte d’Ivoire. Les infrastructures sont donc une priorité.

Il faut beaucoup de milliards de francs, M. le Président.

Oui, il faut beaucoup de milliards de francs mais que nous n’avons pas encore. Il faut voir les problèmes et puis les régler progressivement pour qu’on arrive au bout.

M. le Président, justement, par rapport au développement, vous avez annoncé la création de trois Autorités dans les ex-zones assiégées. On a eu l’expérience des hauts commissaires sous le régime de M.Bédié. On se demande s’il n’y aura pas de conflit de compétence entre ces autorités, les conseils généraux et les ministres.

Il y a toujours des conflits de compétence, même au sein des ministres. Mais ce que nous voulons, c’est de marquer une volonté politique pour dire que toutes ces tâches qui doivent être faites dans les zones centre, nord et ouest (Cno), il faut les coordonner. Toute l’action de sortie de crise, il faut la coordonner. C’est pourquoi nous avons marqué notre volonté de nommer des Autorités uniquement pour coordonner, sous l’égide du gouvernement, toutes ces actions à faire.

On peut dire que les préfets de région peuvent très bien mener cette coordination.

Par exemple. Vous parlez des préfets de région. Nous allons voir. C’est à mon retour d’Abuja qu’on va prendre ces décrets fixant ces autorités et leur cadre d’exécution.

Les populations ont voulu, hier, une fixation des conditions du développement régional durable. Peut-être que les Autorités viendront donner la réponse concrète. Mais en attendant, dans certaines régions par exemple, on a parlé d’occuper les jeunes, de l’exploitation du sous-sol, mais aussi de la réactivation de certains projets comme celui du soja-maïs-riz dans le Mahou et le Denguélé. Dans combien de temps faut-il s’attendre à voir les gens au travail?

Mais dès maintenant. Dans quelques jours. Ceux qui travaillent sur le projet, comme paysans, comme encadreurs, auront trois cent millions de francs ces jours-ci. Je me demande si ce n’est déjà fait. J’ai tenu à ce que ce soit géré par le Trésor. Le Trésor va donc ouvrir, dans quelques jours, dans ces régions, des bureaux. Il faut relancer ce projet. Il avait été freiné par des problèmes politiques à l’époque. Alors, j’ai demandé au Bnetd d’aller refaire une étude et après nous allons relancer le projet.

Je suis préoccupé par la question du développement du riz. Vous avez souhaité que le Denguélé soit le grenier de toute la Côte d’Ivoire. Mais lors d’une récente rencontre d’information parlementaire, qui a regroupé aussi des chercheurs ivoiriens, il a été révélé que la production du riz local était plus onéreuse que le riz importé. Je voudrais donc savoir quelle stratégie vous allez mettre en place pour inverser cette tendance.

En terme de coût de production, on peut dire ça. Mais vous voyez que ça nous a emmenés à des catastrophes. En 1977, les institutions financières internationales ont convaincu le Président Houphouet-Boigny que la production du riz local était plus onéreuse que l’importation de riz. On a laissé tomber la Soderiz. On a laissé tomber la production de riz local, et on a importé du riz. Et sur toute importation, on a pris des taxes pour l’Etat. On s’est complu dans cette situation. Et puis on a eu la flambée des prix du riz et on a couru partout, on a frôlé la famine. Vous comprenez? Ce n’est donc pas parce que la production locale est onéreuse qu’il faut l’abandonner. Elle est certes onéreuse mais elle est la garante de notre alimentation quotidienne. Je préfère donc dépenser l’argent ici et être sûr que les Ivoiriens vont toujours manger. Plutôt que de compter sur le riz qui vient d’ailleurs et ne pas être sûr que le riz sera toujours disponible. S’il y a une panne de bateau, s’il y a une flambée des prix, ce sera la catastrophe. Je préfère qu’on produise du riz plus cher par des Ivoiriens pour des Ivoiriens, plutôt que d’attendre du riz prétendument moins cher mais qu’on n’est pas sûr d’en avoir à tout moment.

M. le Président, nous allons évoluer vers d’autres situations, notamment la question de

l’école qui préoccupe les populations; surtout la scolarisation de la petite fille, vous y tenez beaucoup et puis bien entendu, cette question de la décentralisation. Quelquefois, on a constaté que vous paraissiez un peu agacé par les fortes demandes d’érection de certaines localités en départements. Et votre idée, c’est de revoir la régionalisation.

Je ne voudrais pas que pour des raisons tribales ou nombrilistes, les gens tuent la grande idée de la décentralisation que nous avons. Partout où je passe, j’ai l’impression que les cadres ont tellement compris le conseil général, que chacun veut avoir un Conseil général. Mais chacun ne peut pas en avoir pour soi. Il y en a un même qui m’a dit un jour, concernant Gagnoa, que comme je ne veux pas créer de nouveaux départements, il faut qu’on laisse les départements et qu’on mette les conseils généraux partout. Vous comprenez que c’est ça qui m’agace. Car le conseil général n’est important que parce qu’il couvre une superficie raisonnable. Il y a des régions, des départements qu’on a créés, qui sont tout petits, mais à cause des problèmes divers, des problèmes culturels, des problèmes de coexistence. Je crois que ce n’est pas la peine de vouloir tout émietter. Et il y en a qui croient que c’est leur honneur qui est en jeu, s’ils ne ramènent pas à leurs parents, leur village comme département. Ce n’est pas une question d’honneur. C’est une question d’administration et de développement et non d’honneur personnel. Moi, je ne vais pas faire de Ouaragahio un département et de Mama une sous-préfecture. Il n’y a pas là une question d’honneur. C’est une question de logique. Il faut rendre l’administration possible et fluide et il faut rendre le développement possible.

De Zouan-Hounien à Odienné, les populations ont demandé la sécurité, vous les avez rassurées au sujet du fait que des gens sont déjà sur le terrain pour les accompagner dans ce sens. Mais nullement, vous n’avez répondu à la demande d’un bataillon, d’une région militaire. Alors, est-ce prématuré?

Non, ce n’est pas prématuré. Mais ce sont des problèmes qui ne se résolvent pas comme ça, lors d’un meeting. Les questions auxquelles j’ai répondu de façon précise, ce sont des questions que les ministres de tutelle avaient déjà préparées. Par exemple, quand je suis à Odienné et qu’on me pose le problème du bitumage de la piste d’atterrissage et que je leur dis oui, elle coûtera un milliard huit cent millions et que nous allons le faire, c’est parce que c’est un dossier qui avait déjà été soulevé et qui a déjà été préparé. Mais quand on me dit de créer un bataillon, je ne vais pas tout de suite leur dire oui. Je leur dit que la sécurité sera assurée. Dans un premier temps, sur les huit mille hommes, nous envoyons des quotas par région. Mais je ne peux pas répondre à une telle doléance puisqu’elle n’a pas encore été étudiée par le gouvernement. Parce qu’elle n’a pas encore été étudiée par les ministres en charge de la question. Il y a donc des questions sur lesquelles j’ai été très précis dans mes réponses, et il y a des questions sur lesquelles j’ai été moins précis ; ce sont celles qui n’ont pas encore fait l’objet d’étude.

Monsieur le Président, cette visite d’Etat, vous l’avez surtout voulu pour annoncer

à cette partie de la Côte d’Ivoire que «la guerre était derrière nous, que la paix est arrivée».

Il faut la vivre avec allégresse, avez-vous dit. Alors, ce fut donc l’occasion de grands messages, messages de paix, de travail, la République que vous apportez mais aussi la Patrie, ‘‘le Faso’’ comme vous l’avez dit.

Nous étions dans une région où, comme je vous l’ai dit, depuis 1991, on m’a dit: «Nous sommes isolés de la Côte d’Ivoire». Mais effectivement, quand je suis revenu d’Odienné jusqu’à Yamoussoukro, j’ai mis sept heures de route. Sans obstacle, j’ai roulé sept heures, c’est vrai que c’était la nuit, mais c’est loin par rapport à Yamoussoukro et donc par rapport à Abidjan. C’est vrai qu’il y a des difficultés de communication avec le reste du pays, il fallait les rassurer. Leur dire que ce n’est pas un abandon. Et le fait qu’on amène des préfets partout -et il y avait un seul préfet pour l’ensemble de ce qu’est aujourd’hui la région du Denguelé- qu’on amène un préfet à Minignan, un à Madinani, permet de montrer que l’Etat, la République est avec eux. Maintenant, je leur ai dit ce que j’attends d’eux. On amène la paix, la République, mais la paix et la République ne peuvent pas vivre sans le travail des enfants du pays. Le Faso ne peut vivre que si les enfants du père y travaillent et qu’ils amènent au père quelque chose que lui, redistribue, après, au reste de la famille.

J’attends donc des enfants du Faso qu’ils se mettent au travail, qu’ils comprennent que l’administration ne peut embaucher vingt millions d’individus et qu’ils doivent travailler pour enrichir la nation et qu’on sera à leurs côtés pour les aider à travailler. Mais il faut qu’ils travaillent.

La question de la nationalité, de l’identification de ces populations qui se sentent abandonnées.

Oui ! Il y en a qui ont dit qu’ils n’ont pas de carte d’identité mais je leur ai dit que moi aussi je n’en ai pas. C’est vrai que quand on est dans une région comme Minignan, qui est à quelques Km de la Guinée; comme Gbéléban où on est même à 150- 200 mètres de la rivière qui fait la frontière entre notre pays et la Guinée, quand on est à Tougbo où on est à 5-6 Km du Burkina Faso; Doropo, Téhini et qu’on n’a pas de carte d’identité, on a l’impression que c’est parce qu’on est Lobi, Koulango, Malinké qu’on n’en a pas. Mais la carte d’identité est en panne depuis 1992. Il faut leur expliquer cela et c’est ce que j’ai fait. Que nous tous, nous n’avons pas de carte d’identité. La mienne est périmée, elle n’existe plus. C’est pourquoi nous avons décidé qu’une fois qu’on aura fait le recensement, l’identification, tous ceux qui sont considérés comme Ivoiriens et qui sont sur les listes, auront automatiquement leurs cartes d’identité pour dire aux gens que la République reprend son droit. Ce n’est pas parce qu’ils sont loin qu’ils n’ont pas de carte d’identité. Ils n’en ont pas parce que la carte d’identité est elle-même tombée en panne par rapport à tous les Ivoiriens.

Monsieur le Président, la prochaine étape?

Il y a des régions qui n’ont pas encore été visitées. Dans la Vallée du Bandama, je connais Bouaké comme ça. J’ai été à Béoumi ; il y a Sakassou qui n’a pas été visité. Et dans le Worodougou, il y a Mankono qui n’a pas été visité. Avec la nouvelle configuration de la région de la Marahoué, il y a le département de Kounahiri qui n’a pas été visité. On va le faire vite.

Sur le plan de la réunification, les gens oublient les dispositions constitutionnelles. Les tournées que je fais, c’est pour faire un rapport à la Cei (Ndlr : Commission électorale indépendante) pour qu’elle-même écrive au Conseil constitutionnel pour que celui-ci autorise la tenue des élections. Et nous allons tout faire pour faire coïncider les dates que la Cei nous avait proposées, et pour lesquelles nous avons signé des décrets, avec la décision du Conseil constitutionnel.

Je dis que nous devons faire la paix aux conditions de nos lois, aux conditions de notre Constitution, et je constate que la réunification se fait. En tout cas, les préfets sont en place, les administrateurs sont en place, il faut mettre maintenant les gens au travail.

Propos retranscrits à la Rti
par Paulin N. Zobo et Pascal Soro
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