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Politique Publié le mardi 23 juin 2009 | Notre Voie

Sarkozy s’est dévoilé, la lutte continue…

Grisé par son élection à la tête de l’Etat gaulois, Nicolas Sarkozy, en Afrique du Sud, avait pris publiquement l’engagement de rompre avec les habitudes mafieuses de ses prédécesseurs. Il avait promis, le cœur gonflé d’idées neuves et révolutionnaires, de tordre le cou à la Françafrique et de renégocier les contrats du pacte colonial. C’était sa façon à lui de désavouer Jacques Chirac avec qui il n’était plus en de bons termes. Il s’est trouvé des Ivoiriens pour croire à ce conte de fée et prophétiser la naissance de la nouvelle France. Plus humaine et plus compréhensive. Ces compatriotes, évidemment, avaient cru que le fougueux Sarkozy, devenu président de la République, allait mettre fin, définitivement, aux vieilles et bonnes habitudes que la France traîne comme des boulets. Ce n’était qu’une merveilleuse fable comme nous en raffolons, nous les Nègres… si émotifs et si crédules…

Voilà, quelques petits mois ont suffi pour que le Petit Sarko retrouve tous ses sens : le fils d’immigré vient brusquement de se réveiller de son rêve démentiel de changer le monde. Rompre avec le passé n’était qu’un rêve de chef d’Etat français néophyte et non-initié. Surtout non-initié. Il a fallu que le président Omar Bongo quitte ce monde pour que l’époux de la Carla renoue avec la France carnassière et cupide des Chirac, Pasqua et autres Foccart. Au fait, qu’est-ce qui a motivé une telle volte-face ? Que s’est-il passé pour que Sarkozy subitement taxe la Côte d’Ivoire d’être “un repoussoir” ? Que s’est-il passé pour que la France - dont l’un des rejetons est le budgétivore SAGEM - taxe notre processus électoral de “défaillant” ? Quel péché de lèse-majesté a encore commis Laurent Gbagbo pour que Sarkozy exhume le lugubre concept de “l’Ivoirité” et nous le jette à la face ? Et dire que par son numéro deux, l’Elysée avait affirmé sa foi à la renaissance de la Côte d’Ivoire au terme du processus électoral. Qui ne se souvient des professions de foi du très charmant André Janier qui, au nom de son pays, avait affirmé qu’il ne doutait pas que cette fois-ci notre pays était sur la bonne voie ? Trois raisons pourraient éclairer cette ahurissante pirouette.

Primo, depuis le décès “du doyen des chefs d’Etat africains”, Nicolas Sarkozy a été initié aux secrets et aux labyrinthes de la Françafrique. Le très rancunier Jacques Chirac, en sacrificateur expérimenté, dans les couloirs de l’Elysée, lui a ouvert, comme on le ferait pour un candidat à un rite initiatique, les yeux sur les aspects nocturnes mais porteurs de la nébuleuse qu’est la Françafrique. Si toutes les conséquences du départ du président du Gabon dans l'autre monde n’ont pas été judicieusement tirées, lui a-t-on fait comprendre, la France, la Grande France, la Belle France (cette répétition d’insistance a toute sa valeur pour le néophyte Sarko) risquait de perdre gros. Pour lui donner des leçons avisées et le convaincre de rester dans la droite ligne sagement tracée par le Grand de Gaule, tous les gardiens du temple, de la droite comme de la gauche, ont été appelés en renfort. C’est à partir de tous ces cours de politique franco-africaine que le Sieur Nicolas s’est réveillé de son rêve d’instituer de nouvelles relations entre son pays et les anciennes colonies. Les intérêts de la France, rien que les intérêts de la France. Même s’il faut broyer des vies nègres ; même s’il faut ruiner l’Afrique, lui a-t-on dit. La prospérité de la France a été fécondée par le sang et la sueur des Africains. Voilà la vérité à laquelle les “Anciens” ont dû ouvrir les yeux semi débridés du nouveau président français.

Deuxio, et à la lumière de ce qui précède, Laurent Gbagbo et son pays, notre pays, après le combat acharné qu’ils ont mené pour résister aux appétits insatiables de la France, apparaissent comme le mauvais exemple que nul pays africain ne doit copier. La fin de Bongo pourrait ouvrir au Gabon la voie de l’émergence d’une nouvelle classe de politiciens assoiffés de liberté et de dignité. De ce point de vue, Gbagbo, dans l’espace francophone africain, apparaît comme un danger, une maladie contagieuse, une grippe éburnéenne qui risque, si l’on y prend garde, de se propager jusqu’au Gabon : le Gabon du pétrole et des dessous de table. En termes autres, Sarko a eu peur que le cas de la Côte d’Ivoire, qui a résisté aux appétits hégémonistes du Coq gaulois, fasse école et éclabousse les dociles Gabonais. Nul n’ignore que l’admiration pour le Woudy a commencé à s’étendre comme une herbe indomptable dans tous les pays et dans tous les esprits nostalgiques de Lumumba et de Mandela. Des amis nôtres au Congo et au Cameroun nous apprennent que des étudiants de ces pays conservent des portraits de l’enfant de Mama dans leurs placards ou cartables comme leur nouvelle idole. Un tel homme ne peut pas devenir l’ami de la France !

Tertio, l’absence du numéro un ivoirien à Libreville a été ressentie par Sarkozy comme un affront, une humiliation. Il n’a pas supporté que l’un de ses sujets se donne la liberté de ne pas venir participer “à la messe des sanglots”, à l’honneur d’un des derniers gardiens de la Françafrique. Cette absence, due pourtant à la visite d’Etat du président ivoirien dans le Grand Ouest, l’a convaincu sur la volonté déclarée de Gbagbo de ne jamais se soumettre à la domination des présidents français. On imagine aisément que Chirac, devant l’absence du président ivoirien, lui a susurré à l’oreille un mot du genre : “Je ne t’ai pas dit ?…Ce monsieur là n’a aucun respect pour nous”. Un président français n’ayant jamais considéré un président africain comme son pair, on peut comprendre la véhémence des déclarations courroucées du nouvel Empereur gaulois.
Sarkozy, en fin de compte, est dans la droite ligne de la France telle que la Côte d’Ivoire la connaît. Ses déclarations des premiers jours de son élection doivent être interprétées comme des propos résultant d’une folie passagère. Pour preuve, celui qui avait promis de rompre avec la Françafrique a choisi pour premières destinations en Afrique les pays dont les présidents incarnent encore la nébuleuse : le Gabon de Bongo, le Congo de Sassou et le Sénégal de Wade. Et d’ailleurs, la décision démentielle de Tandja du Niger de tripatouiller la Constitution pour briguer un autre mandat a été motivée par Sarkozy lors de sa visite dans ce pays. L’uranium du Niger intéresse encore la France et il serait risqué de voir un nouveau chef d’Etat prendre les choses en main. Sait-on jamais ! Depuis l’exemple de la Côte d’Ivoire, on n’est jamais trop prudent. Retenons que la France de Sarkozy n’est pas prête à mettre fin au pacte colonial. Il y a trop d’intérêts en jeu. Et le fils d’immigré qui rêve d’un deuxième mandat a compris qu’il ne doit pas prendre un tel risque. Dans cette perspective, Alassane Dramane Ouattara, à qui il a exprimé publiquement à Libreville son indéfectible amitié, apparaît dans le cas de la Côte d’Ivoire comme l’homme de la situation. Nous avons tous compris : la lutte continue !


Etty Macaire Professeur de lettres
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