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Politique Publié le vendredi 26 juin 2009 | Notre Voie

Situation-socio politique en Côte d’Ivoire-Félix Famié Akattia Edoukou (maire de Tiapoum) : “Qu’on mette en priorité la Côte d’Ivoire”

Notre Voie : L’opération d’enrôlement et d’identification prend fin le 30 juin prochain. Les populations ont-elles pu se faire enrôler comme il était prévu ?

Félix Famié Akattia Edoukou : Je n’ai pas encore le bilan définitif. Mais il faut savoir que le début de l’opération a été fortement perturbé par les grèves. Les agents chargés de l’identification sont arrivés sans moyen. Les structures en charge de la conduite de l’opération d’enrôlement n’ont pas informé les populations, en ce qui concerne la prise en charge des agents. C’était déjà un handicap. Nous avons jonglé pour trouver quelques moyens devant permettre aux jeunes de travailler.

L’autre handicap est le difficile accès de certains villages. Les populations de Atchimanou, par exemple, doivent traverser le fleuve à la pirogue. Ce n’est pas du tout aisé. Il y a aussi des registres de l’état civil non authentifié par le juge qui posent le problème d’acquisition d’extrait d’acte de naissance. Le recensement s’est fait chez nous donc avec beaucoup de difficulté.


N.V. : L’opération d’identification conduit à la tenue des élections en Côte d’Ivoire. Les passations des charges entre les com’zones et les préfets ont eu lieu. Les policiers, les gendarmes et les FAFN sont dans un même moule qui est le Centre de commandement intégré (CCI). Pensez-vous que les conditions sont satisfaisantes pour aller aux élections?

F.F.A.E. : Pour arriver aux élections, il ne suffit pas de faire les passations des charges. Il faut donner les moyens aux préfets pour qu’ils fassent leur travail. On peut faire des passations et ne pas avoir le pouvoir et les moyens adéquats pour travailler.


N.V. : Mais le Chef de l’Etat lui-même a dit aux préfets, depuis Biankouma, qu’ils ont désormais tous les pouvoirs.

F.F.A.E. : Dire et faire, sont deux choses.


N.V. : Vous restez donc sceptique ?

F.F.A.E. : Non. Mais c’est un processus. Le chef de l’Etat est le détenteur exclusif du pouvoir exécufit. Il cède une partie de ses pouvoirs à ses collaborateurs. Qui à leur tour, les rétrocèdent à certains. Mais il arrive qu’il y ait blocage quelque part. Le Chef de l’Etat peut donner l’ordre. Mais si l’ordre ne peut pas être exécuté, que voulez-vous que je dise ?


N.V. : Quelles sont selon vous, les conditions pour l’organisation d’élections propres ?

F.F.A.E. : Nous devons tous avoir la paix dans les cœurs. Il faut que tout le monde se vide et qu’il n’y ait plus de haine dans nos cœurs. Il faut que les acteurs politiques acceptent de bon cœur d’aller aux élections. Qu’on mette en priorité la Côte d’Ivoire. Evitons notre moi qui nous rend orgueilleux. Si nous nous débarrassons de notre orgueil et si nous acceptons l’autre comme étant notre égal, nous pourrons aller aux élections sans heurts. Il ne s’agit pas de traiter les uns et les autres de voleurs, d’antidémocrates, etc.

En réalité, nous sommes tous mauvais. L’Homme, par sa nature, est mauvais. Que chacun se dise qu’il a une part de responsabilité dans la situation de guerre que le pays vit.


N.V. : Mais les opposants de Laurent Gbagbo disent que c’est lui qui a envoyé la guerre pour s’éterniser au pouvoir.

F.F.A.E. : Nous sommes tous responsables. Nous récoltons ce que nous avons semé…


N.V. : Que voulez-vous dire ?

F.F.A.E. : Sous Houphouet-Boigny, c’est vrai que tout n’était pas parfait, mais il privilégiait le dialogue avec ceux qui ne partageaient pas ses points de vue. Je me souviens que lorsque Laurent Gbagbo et ses amis syndicalistes ont déclenché une grève en 82, Houphouet-Boigny les a reçus pour discuter afin de ramener la paix à l’école. Je me rappelle encore que lorsque Gbagbo était en exil, le président Houphouët lui a demandé de rentrer au pays. Il lui a proposé de rentrer dans le gouvernement. Mais ce dernier a refusé pour des raisons qui lui étaient propres. La vie est un choix. Chacun choisit l’orientation de sa vie. Moi je préfère des Hommes francs, sincères. Je déteste l’hypocrisie. Gbagbo n’a pas été hypocrite. Il a laissé Houphouet-Boigny travailler dans la tranquillité. En 90, alors qu’il réclamait le multipartisme en sa qualité de leader de l’opposition, Gbagbo n’a pas brusqué les choses malgré son langage dur. Alors qu’il y a certains qui disent qu’ils s’ouvrent à vous mais en réalité ils cherchent à vous nuire.

Voyez-vous, après les élections d’octobre 2000, on a organisé ici le forum de la réconciliation nationale. Les gens sont venus s’exhiber. Les intervenants ont menti au peuple de Côte d’Ivoire. Ils n’ont pas été sincères ni avec eux-mêmes ni avec la Nation. Sinon le pays n’aurait pas connu cette guerre. Et aujourd’hui, les uns et les autres se jettent la pierre. Je dis non. Nous sommes tous responsables. Nous n’avons pas eu l’amour vrai du prochain. Notre orgueil a prévalu. N’exécutons pas la danse des sorcières où l’on ne voit ni le début ni la fin. Ne cachons pas nos propres lacunes en accusant les autres.

Voyez la situation à l’école. Les grèves se succèdent. Les enseignants jettent la pierre aux autorités. En réalité, ils cachent leurs nombreuses carences. Leurs incompétences à enseigner. Ils troublent les cours pour ne pas finir le programme. Vous verrez que les années à venir, les revendications vont s’intensifier parce que leur niveau sera encore plus bas. Le souci premier d’un éducateur est la réussite de ses élèves. Quand les grèves persistent malgré les discussions, c’est que les solutions doivent être recherchées ailleurs.


N.V. : Quel est le portrait robot, selon vous, du futur président de la Côte d’Ivoire ?

F.F.A.E. : Le futur président doit être celui qui place l’Homme au centre de toutes ses actions. Celui qui a la crainte de Dieu. Le futur président doit être humble, patient, à l’écoute de toutes les populations sans exclusive.


N.V. : On raconte que vous êtes prêt à apporter votre appui au président Gbagbo lors de l’élection présidentielle. Confirmez-vous cela ?

F.F.A.E. : Mais j’apporte mon soutien à tout le monde ! Je soutiens celui qui sème l’amour. Nous sommes d’abord frères. Aujourd’hui, Laurent Gbagbo est au pouvoir. Nous avons l’obligation de l’aider à gouverner, à exécuter son programme. Demain, si un autre vient, nous devons le soutenir. Chez nous, on ne choisit pas un chef pour le faire petit, pour le dénigrer. Si tous les acteurs politiques avaient eu de la considération pour Gbagbo, en le reconnaissant comme le président de la République et qu’on ne le calomniait pas, il est clair que nous ne serions pas dans cette situation. Quand vous-mêmes vous calomniez votre chef, que voulez-vous que celui qui est à côté fasse ? Mais il va le piétiner lui aussi. C’est clair.

Dans notre tradition, le chef est intouchable même s’il est mauvais. Ce n’est pas la tête de la personne que nous regardons, mais la fonction qu’elle occupe. Aidons le président jusqu’à ce qu’il arrive à la fin de son mandat pour de nouvelles élections. Il faut que nous votions les programmes et non les hommes. Je suis militant du PDCI, mais si Gbagbo présente le meilleur programme, les Ivoiriens voteront pour lui sans considération de parti politique. Les Ivoiriens doivent voter un programme et non un parti politique.


N.V. : Votre parti, le PDCI, pourrait vous prendre pour un traitre.

F.F.A.E. : Non, ce n’est pas un problème de traitre. Aucun candidat ne peut remporter les élections s’il ne pêche pas des voix dans un parti politique autre que le sien.


N.V. : Vous savez bien que ceux qui ont tenu un tel langage ont été exclus du PDCI.

F.F.A.E. : Non. Pensez-vous que ce sont tous les militants du PDCI qui voteront pour Bédié à la prochaine présidentielle ? Ou que ce sont tous les militants du FPI qui voteront pour les candidats FPI ? Pensez-vous de même pour le candidat de l’UDPCI ? Ou du RDR ? Ou du PIT ? Si mon candidat ne présente pas un programme qui pèse, je dis que je voterai pour celui qui a un bon programme. Si c’est Gbagbo, je voterai pour lui. Que recherchons-nous avec les élections ? Je pense bien que c’est le bien-être de tous les Ivoiriens et de tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire. Et non des membres de nos partis politiques. L’opposition doit faire des critiques constructives et objectives à ceux qui sont au pouvoir. Si nous voulons toujours combattre et détruire, et demain ? Quand les autres seront dans l’opposition ils voudront aussi nous combattre. De cette façon, personne ne pourra gérer le pays dans la quiétude. Nous devons nous mettre au-dessus de nos intérêts personnels pour reconnaître le mérite de notre adversaire.

Maintenant si certaines personnes pensent que j’ai viré dans un autre parti, c’est leur problème. Des gens ont toujours dit que je suis militant du FPI. Quand le président Gbagbo est venu à Tiapoum, j’ai contribué à la mobilisation. Quand Mme Simone Gbagbo est venue à Tiapoum, je l’ai accueillie. Je lui ai même dit de régler au plus vite les palabres entre les cadres du FPI dans la région. Parce qu’il ne fallait pas faire ce que nous avons décrié au PDCI. Il faut que les acteurs politiques comprennent que notre combat doit être constructif et non destructif. Quand Bédié est venu à Tiapoum, nous avons fait une forte mobilisation. Quand Mme Henriette Dagri Diabaté, la Secrétaire générale du RDR est venue à Tiapoum, j’ai contribué à ma modeste manière au succès de sa tournée.


Interview réalisée par Délon’s Zadé:delonszade@yahoo.fr
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