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Économie Publié le lundi 18 janvier 2010 | Nord-Sud

Découverte agricole : Le champignon comme une protéïne

Vu le plus souvent comme une plante savoureuse mais sauvage, le champignon a occupé jusque-là une place de second plan dans la vie des Ivoiriens. Il existe aujourd'hui des cultivateurs qui veulent lui donner une place de choix à la fois dans l'alimentation et dans l'économie ivoirienne. Reportage dans un champ de champignons.


M'Badon, un quartier reclus de la Riviéra III, héberge l'un des rares sites de culture de champignon pleurote, en Côte d'Ivoire. Il existe trois sites en tout. Un à Adzopé, un à Ebimpé (Anyama) et le troisième perdu dans les broussailles entre les maisons inachevées dans ce quartier en construction. Si discret que certains habitants du bled ne le remarquent pas.
Ce vendredi, sous des rayons solaires brûlants, un espace clôturé par des morceaux de tôle émerge de la broussaille, au bout d'un chemin tortueux. L'enclos est fermé comme l'accès à un chantier. A l'intérieur, c'est plutôt une image de ferme, avec un hangar aux murs nus, entouré par endroits par de la paille. La cour, grande, est jonchée des tas de sciure, de sachets remplis de cette poudre de bois, on dirait un fleuriste prêt à y insérer ses plants. Deux barriques noircies par le feu sont posées sur des foyers et font penser à un fabricant de vin de mil (tchapalo). Il faut entrer sous le hangar pour comprendre qu'on a affaire ni à un fabricant de tchapalo, ni à un fleuriste, mais à un cultivateur de champignons. En effet, s'étendant sur près de 200 mètres carrés, le hangar abrite des étagères occupées par des centaines de sachets placés horizontalement dans un angle à droite. Dans ces cachets remplis de sciure poussent des champignons à têtes blanches souvent légèrement argentées. Ce sont des pleurotes, une variété de champignon commercialisable, explique un manœuvre, occupé à couper, à l'aide d'une paire de ciseaux, les tiges de ces plantes prêtes à être consommées. Ici, c'est la chambre de production, elle est constamment humide et sombre, entourée d'un mur en paille. Elle comporte trois étagères, remplies chacune de centaines de sachets placés à l'horizontale. « Le champignon pousse horizontalement », expliquent les manœuvres au nombre de deux. Et c'est ainsi qu'ils doivent être disposés. À côté de cette chambre de production qui est arrosée deux fois par jour, matin et soir, il y a une autre chambre de production qui comporte autant d'étagères chargées de sachets en phase de production. Un sachet produit quatre fois en quatre mois, un champignon de 30 g. Une fois que l'étagère a fini de faire ses quatre productions, il faut immédiatement la remplacer. Comment?

La réponse se trouve à l'autre angle du hangar. Il y a une sorte de grand buffet avec deux portes. À l'intérieur, sont disposés des sachets remplis de sciure à fond blanchâtre comme du limon de vin de palme. C'est la chambre d'incubation encore appelée chambre noire. Tout producteur de champignon connaît son importance. Car, c'est ici qu'une fois ensemencés dans les sachets, les grains de champignon sortent leurs racines qui descendent au fond du sachet. Ce sont ces racines qui présentent cet aspect blanchâtre. Au bout de trois mois, les sachets incubés sont retirés de la chambre noire et placés horizontalement dans la chambre de production. C'est donc d'ici que les sachets comportant des grains de champignon enracinés vont remplacer les sachets qui ont déjà produit. Contrairement à la chambre de production, dans celle d'incubation, c'est-à-dire de couvaison, les sachets sont placés verticalement et fermés à l'intérieur du buffet, hors de la lumière qui pourrait gêner leur incubation. Tout comme les sachets quittent cette chambre pour aller dans la chambre de production, des sachets inoculés doivent être toujours prêts à occuper la chambre d'incubation quand elle est vidée.

Pour inoculer les sachets de grains, il faut disposer de grains de champignon, de sciure qu'on peut trouver dans toutes les scieries, à bas prix, puis de sachets. D'abord, le cultivateur remplit de sciure ces sachets, puis il les stérilise. Cela signifie que ces sachets sont mis au-dessus d'une barrique d'eau bouillonnante pour tuer les microbes qui peuvent se trouver dans la sciure. Car, le champignon est à la fois une plante qui pousse naturellement sans substance chimique, mais, aussi très exigeante en terme de propreté. Les sachets sont donc placés au-dessus de la barrique bouillonnante d'eau pour être stérilisés par la vapeur. Une fois fait, on y implante les grains de champignon, pour les placer dans la chambre d'incubation. Chaque étape est primordiale dans la production du champignon, aucun détail ne doit être laissé au hasard.
M. Loba Zakari, responsable de cette ferme, veut être en quelque sorte le promoteur des pleurotes. « Ce sont les seules commercialisables ». Il produit environ 60 à 80 kg de champignon par semaine, environ 3 tonnes dans l'année. On peut se demander ce que cela coûte sur le marché. « Le kg de champignon se vend à 3.000 Fcfa frais et à 5.000 Fcfa, sec », explique-t-il. Donc plus cher que le cacao et le café, les deux plus grandes cultures de rente de la Côte d'Ivoire. Qui plus est, Loba, 39 ans, grand monsieur à lunettes et à l'allure intello, a fait une formation de technicien supérieur en bâtiment, il est responsable de la structure Pleurote basée à Cocody M'badon-village. Cette entreprise commercialise les pleurotes sur le marché ivoirien. En plus de M'Badon, elle comporte un réseau de producteurs à Adzopé et à Ebimpé (Alépé), mais encore restreint. Ils produisent au total près de 10 tonnes par an. Mais l'objectif de ce monsieur est d'agrandir ce réseau pour faire connaître les pleurotes aux Ivoiriens. Il y a, dit-il, plusieurs raisons d'aimer cette plante savoureuse sous le palais et sur la langue.


Raphaël Tanoh
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