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Économie Publié le vendredi 5 février 2010 | Le Nouveau Réveil

Bilé Bilé (pdt du Bureau des agriculteurs de Côte d`Ivoire) : “Ce n`est pas Gbagbo qui a augmenté le prix du kilo du cacao”

Le président du Bureau des agriculteurs de Côte d'Ivoire (Baci) crie sa colère contre l'injustice qui s'est installée au sein de la filière café-cacao. Menacé de mort, il dit prendre à témoin le chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, le peuple ivoirien, l'Organisation des Nations unies (Onu).

Comment vous est venue l'idée de créer cette organisation ?
Nous avons créé cette organisation pour pallier l'injustice qui a pris en otage le secteur café-cacao. Aussi avons-nous atteint la limite de la patience. Il importait de nous organiser pour défende nos intérêts.

Ce qui vous fonde à dire qu'il y a de l'injustice dans cette filière ?
L'injustice est connue de tous dans la filière. En 2000, le président Gbagbo a dit aux producteurs : "Donnez-moi le pouvoir et je vous le rendrai". Il a fait croire qu'il a donné le pouvoir aux producteurs, mais nous constatons que le pouvoir n'a jamais été donné aux producteurs. Parce qu'en 2001, nous avons créé des structures, privées comme le Frc (Fonds de régulation et de contrôle Café-cacao), qui gère les risques. Cette structure est un peu comme l'ancienne Caistab. Cependant, le Frc n'a jamais fait de point de 2001 à 2009. Nous ne savons pas l'argent que nous avons cotisé pour pouvoir gérer les risques. Donc, il y a problème ! Nous avons le Fdpcc, le Fonds de développement et de promotion des producteurs de Café-cacao. A ce niveau non plus, nous n'avons pas le montant de l'argent recueilli, ni les réalisations… Il y a l'Arcc, l'Autorité de régulation et de contrôle du café et du cacao. C'est l'arbitre de la filière et qui fait des prélèvements. Une structure comme la Bcc, la Bourse du café et du cacao, a prélevé aussi de l'argent aux producteurs. Nous avons de l'argent dans les comptes séquestres de la Bceao. Ce sont les revenus des planteurs. Alors, ça nous intéresse de savoir comment tous ces biens ont été gérés.

Vous déplorez l'absence de bilan dans la filière de 2001 à 2009, mais depuis plus d'une année, un comité de gestion est à la tête de la filière. Alors, n'avez-vous pas rencontré les responsables pour débattre de ce sujet ?
A partir d'aujourd'hui (ndlr, mercredi 3 février), nous ne nous reconnaissons pas dans le Comité de gestion de la filière café-cacao dirigé par Gilbert Ano.

Quelles en sont les raisons ?
Les raisons sont qu'aujourd'hui, le président de la République a nommé une personne pour qu'elle lui soit redevable. Ce sont nos biens qu'il gère. Nous n'avons pas besoin de bureaucrate pour gérer nos biens. Nous sommes suffisamment intelligents pour le faire. Nous demandons aussi la dissolution immédiate du Conseil national des sages, parce que ce n'est pas la base qui a désigné ses membres, tous des militants du Fpi (ndlr, Front populaire ivoirien) qui se sont choisis et ont été appuyés par un décret présidentiel. En reconnaissance de leur militantisme au Fpi. La filière café-cacao n'a pas de couleur politique. Le slogan "le succès de ce pays repose sur l'agriculture" a été conçu par le bâtisseur Félix Houphouët-Boigny. Nous ne voulons donc pas que quelqu'un vienne détruire ce que Houphouët a construit. Nous disons non à toute opération de destruction du travail d'Houphouët.

Les présidents du comité de gestion et du conseil national des sages disent parler au nom de tous les producteurs ivoiriens. Alors, n'y a-t-il pas de contradiction quand vous dites que vous ne vous reconnaissez pas en ces personnes ?
Il n'y a pas de contradiction d'autant plus que la filière café-cacao appartient aux producteurs. Et le président de la République ne devrait pas en principe nommer quelqu'un pour gérer nos biens. Il a mis des gens en prison, mais d'autres personnes peuvent travailler la main dans la main. Aujourd'hui, M. Gilbert Ano ne rend compte qu'au président de la République. Nous disons non. Si cela continue, il y aura deux comités de gestion et deux conseils nationaux des sages dans la filière. Tous ces sages ont géré avec le président Henri Amouzou. Ils ont eu des chèques pour pouvoir réaliser ce qu'ils ont actuellement. Au moment opportun, nous allons parler. On ne peut comprendre que certaines personnes soient en prison, alors que d'autres qui ont aussi géré la filière soient libres et se pavanent dans des véhicules de 64 millions F…Nous ne pouvons plus accepter cela parce que l'argent qui a servi à payer cela n'appartient pas à Laurent Gbagbo. Nous avons eu cet argent à la sueur de nos fronts.

Le Comité de gestion est en place depuis plus d'un an. Pourquoi réagissez-vous maintenant ? N'est-ce pas un réveil tardif ?
Notre réveil n'est pas tardif parce qu'après avoir mis des administrateurs provisoires à la tête des structures, on attendait qu'ils gèrent pour qu'on ait les résultats de l'enquête. Nous avons donc patienté, mais aujourd'hui, on ne peut plus attendre. Il y a 20 mois que les gens sont en prison, les résultats ne sortent pas, alors que les vrais criminels sont dehors.

Quels sont ces criminels dont vous parlez ?
Il y a des ministres qui ont donné l'ordre pour qu'on décaisse de l'argent, qui sont là.

Peut-on avoir des noms ?
Je ne veux pas citer de nom. Mais les ministres sont là. L'enquête à propos des ministres est bloquée. Des personnes dans l'entourage du président de la République ont bénéficié de l'argent de la filière. Si ces gens ne sont pas inquiétés par la justice, qu'on libère les autres. On refuse que les anciens dirigeants de la filière bénéficient de la présomption d'innocence. Et pourtant, on n'a pas établi leur culpabilité pour qu'ils continuent de croupir en prison. Mais les résultats tardent à sortir parce qu'ils vont révéler beaucoup de choses. Nous avons des milliards sur des comptes séquestres. On a dit à l'époque que la Caistab était la caisse noire du Pdci. Mais les ressources de la Caistab ont été bien utilisées et distribuées. De l'Est à l'Ouest et du Sud au Nord, il y a du goudron. C'est la Caistab qui a permis de construire les infrastructures dont nous sommes encore fiers.

Vous parlez en tant que président du Bureau des agriculteurs de Côte d'Ivoire. Mais, récemment vous initiez une action de soutien au Pdci et à son candidat. Présenté comme militant de ce parti, êtes-vous sûr de rassembler tous les agriculteurs ivoiriens pour le combat auquel vous faites allusion ?
Je crois que nous avons été clairs. Nous sommes un mouvement apolitique. Nous ne sommes pas des producteurs "Pdcistes". Je tiens vraiment à le préciser. Nous sommes des agriculteurs de Côte d'Ivoire qui ont trouvé le projet de société du candidat Henri Konan Bédié, cohérent et bien réfléchi. On s'est donc dit que s'il est au pouvoir, son programme peut aider toutes les populations ivoiriennes. On a vu tout le monde à l'œuvre. Quand le président Bédié était au pouvoir, il parlait peu et travaillait beaucoup. Il avait commencé à appliquer les 12 chantiers de l'Eléphant d'Afrique. Les choses marchaient pour les Ivoiriens. Son programme arrange le milieu agricole. C'est dans ce cadre-là que nous soutenons sa politique pour qu'il vienne au pouvoir, pour nous permettre de quitter la pauvreté et aller à la richesse partagée. Le Bureau des agriculteurs de Côte d'Ivoire regroupe toutes les régions, les départements, les sous-préfectures, les villages… Le président Bédié parle peu, mais ce qu'il dit, il le fait. Un chef d'Etat ne doit pas trop divaguer. Il doit poser des actes. Nous avons vu les 12 chantiers de l'Eléphant d'Afrique, ils étaient en pleine exécution, quand les oiseaux de mauvais augure, par haine et par jalousie, l'ont renversé.

Le slogan "Le succès de ce pays repose sur l'agriculture" tient-il encore aujourd'hui selon vous ? La santé de l'agriculture ivoirienne vous satisfait-elle ?
Aujourd'hui, il faut le dire, les choses ont changé, l'économie de ce pays repose sur la pauvreté en milieu rural et non sur l'agriculture.

Quelles en sont les preuves ?
J'ai les preuves. Le taux de pauvreté est de 48,9%. La moitié de la population est pauvre. En milieu rural, 2 sur 3 personnes sont pauvres. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le ministère du Plan. Les chiffres sont là. C'est la preuve que c'est un échec complet au niveau de la politique agricole en Côte d'Ivoire. Le mérite ne prime pas aujourd'hui, c'est le favoritisme, l'appartenance à un parti politique. Houphouët et Bédié n'ont pas géré la Côte d'Ivoire de cette manière. Aujourd'hui, nous sommes menacés, mais nous sommes prêts à mener le combat pour que les choses se normalisent.

Nous sommes à l'heure de la reconstruction, avez-vous un plan de relance pour le secteur agricole ivoirien ?
Oui, nous avons un plan de relance. Il y a un comité pour la réforme café-cacao, mais où sont les résultats ? Nous avons une proposition très importante qui peut arranger le monde paysan. Nous croyons qu'il faut d'abord placer le paysan et l'Etat vient après. On fait croire que le paysan est au premier plan, mais c'est faux. Le paysan n'est pas considéré dans ce système. Les 52 milliards de la filière, où sont-ils passés ? Qu'on nous le dise ! Houphouët, le bâtisseur, a pratiqué une politique agricole qui a permis aux Ivoiriens d'embrasser le travail de la terre. Ils ont créé des plantations. Le café et le cacao, ce sont aujourd'hui, 15 % du Pib (produit intérieur brut) et 40% des exportations. Il a fallu créer cela pour que le président Gbagbo vienne trouver cela. Nous disons non à l'injustice dans la filière.

Le kilo de cacao est à 1.000 F aujourd'hui, c'est une bonne nouvelle pour les producteurs ?
C'est certes une bonne nouvelle pour nous, mais je voudrais préciser que ce n'est ni l'Etat de Côte d'Ivoire, ni Laurent Gbagbo, ni le comité de gestion, qui ont favorisé ce prix. A l'époque, les chocolatiers voulaient faire du beurre de cacao avec 5% de matière grasse végétale. Mais, ils se sont rendus compte que ce n'était pas le même goût, ils ont donc changé d'avis. Il fallait alors revenir au cacao pur. La demande étant forte, dans un système libéral, il y a une répercussion au niveau du planteur. Malgré tout cela, si Gbagbo ne prenait pas ses taxes faramineuses, le kilo de cacao pouvait atteindre 1.500 F. On nous a trop volés. Nous ne pouvons plus accepter…Je voudrais lancer un appel aux agriculteurs des 19 régions productrices de Côte d'Ivoire afin qu'ils prêts soient à démontrer que la majorité se trouve avec le Bureau des agriculteurs de Côte d'Ivoire.
Interview réalisée par Parfait Tadjau


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