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Société Publié le vendredi 12 février 2010 | Nord-Sud

Commérages, querelles…dans les véhicules de transport Wôrô-wôrô, bus… comme si vous y étiez !

Le transport en commun n’est pas facile. Entre les embouteillages et les barrages de police, les chauffeurs de taxi-compteur, de bus et de wôrô-wôrô (taxis communaux) doivent aussi supporter les caprices de leurs…passagers.

A Saint-Jean (Cocody), la gare de wôrô-wôrô a repris ses activités interrompus mardi 26 janvier à cause la marche du jeunes du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et pour la paix (Rhdp). L’ambiance est chaleureuse ce mercredi matin. Les syndicalistes qui aident les chauffeurs à charger leurs véhicules appellent les clients à qui mieux mieux : « Angré, deux places…Riviéra2, montez !…Plateau, Ccia… Treichville…» A cela s’ajoutent les appels perçants des vendeuses de kleenex qui écoulent leurs produits à la criée.

Dans ce tohu-bohu, et sous des rayons solaires brûlants, un wôrô-wôrô charge pour Cocody-Angré. Il man­que encore trois places pour faire le plein. Le premier client, monté devant, a un billet de deux mille francs Cfa. Aux autres qui viennent après, le chauffeur lance : « Montez avec la monnaie ! » Le tarif est à 300 Fcfa. Et monter avec la monnaie signifie qu’il faut avoir des pièces pour payer exactement cette somme. Le transporteur n’acceptera plus de billet de banque. « Et une pièce de 500 Fcfa ? » La chauffeur hésite, puis accepte : « Montez ! », Les sièges arrière sont enfoncés. Il fait chaud dans le véhicule, car la vitre arrière-gauche est carrément montée. Le chauffeur, du nom d’Abdoulaye, refuse que l’on ouvre cette fenêtre. Il s’agit, selon lui, d’une mesure de sécurité. Il arrive parfois que des clients descendent de ce côté là pendant que le véhicule est en pleine chaussée. Ces derniers passent leur main par-dessus la vitre, quand elle est rabaissée, pour actionner le poignet. En descendant ainsi du côté gauche du wôrô-wôrô pendant qu’il est en pleine chaussée, les clients courent le risque de se faire renverser par d’autres véhicules. En cas d’accident, c’est le chauffeur qui sera tenu pour responsable. Pourquoi les conducteurs ne choisissent-ils pas d’expliquer aux passagers qu’il ne faut pas descendre de ce côté-là plutôt que de laisser tout le monde dans l’étuve? « Il y a des clients têtus qui ne veulent pas entendre raison. Ils descendent là où ils le souhaitent, quand ils sont pressés », rétorque Abdoulaye. Dans cette chaleur qui inonde l’intérieur de l’automobile, les clients déjà embarqués ont hâte que le wôrô-wôrô charge vite. Justement, un vieil homme arrive. « Angré, j’ai 500 Fcfa, chauffeur », annonce-t-il. Le chauffeur lui signale qu’il n’aura pas de monnaie. Un syndicaliste qui l’aide à charger le véhicule demande au client de monter quand même. Il propose de faire lui-même la monnaie quand le chauffeur aura fini de charger. Le vieil homme s’installe lourdement au bord des sièges arrière.

Des clients capricieux

Cinq minutes après, un jeune arrive : « Angré, j’ai mille francs Cfa.» « Y a pas de monnaie », lui dit sèchement le chauffeur. Un des chargeurs invite le client à prendre place dans le prochain wôrô-wôrô. Dans l’impatience, enfin une cliente qui a la monnaie. Elle tente de monter dans le véhicule, mais le vieil homme de tout à l’heure, assis au bord des sièges, refuse de pousser. Il n’aime pas, dit-il, se retrouver pris en sandwich, entre les deux passagers des portières arrière. Et il descend pour que la nouvelle arrivante monte d’abord. Mais, celle-ci, qui n’a pas aimé son ton, refuse à son tour de se retrouver entre deux personnes. Le chauffeur, énervé, leur demande de monter tout de suite où de se trouver un autre wôrô-wôrô. Mais, ne dit-on pas que ce que femme veut, Dieu le veut ? Le vieil homme abdique et accepte finalement de se retrouver au milieu. Abdoulaye prend sa pièce de 500 F, la tend au syndicaliste qui lui rend la monnaie. Il vient ainsi de payer le droit de chargement. « Prends ta ceinture », lance-t-il au passager assis devant. C’est un homme de la trentaine qui porte des écouteurs à l’oreille. Il faut répéter sa phrase pour que celui-ci l’entende et s’excécute.

Le passager de l’avant descend à la gare des deux Plateaux, appelée communément « station mobile ». Un autre client au niveau de l’hypermarché Sococe prend sa place. C’est une jeune costaud et plein d’entrain. « Prends la ceinture », repète le chauffeur. Le passager affirme qu’il descend non loin de là, par conséquent, il n’a pas besoin de prendre la ceinture de sécurité. Le chauffeur lui explique qu’au prochain barrage de police, le non port de la ceinture peut lui coûter 1.000 Fcfa. Une vive dispute éclate entre le chauffeur et le passager qui estime qu’il n’y aura aucun barrage avant sa destination. En réalité, il n’a pas l’intention de prendre une ceinture de sécurité sous les injonctions d’un chauffeur. « Si on fait un accident, c’est moi seul que ça regarde », rétorque-t-il, le chauffeur qui lui demande alors de descendre pour son arrogance. Le client réfuse. Vu qu’il est costaud, Abdoulaye ne peut pas l’obliger à sortir du wôrô-wôrô. Il gare le véhicule. Tant que le client ne descend pas, il n’a pas l’intention de bouger. Devant la situation exasperante, nous descendons pour chercher un autre véhicule. Cette attitude est commune à bon nombre de passagers que ce soit dans les wôrô-wôrô ou dans les taxis-compteurs. « Le plus souvent, les clients trouvent que la ceinture de sécurité les encombre, or un passager qui ne prend pas la ceinture peut être sifflé à un barrage de police et nous payons parfois 1. 000 Fcfa aux policiers pour cette faute », explique Doumbia Ali, un chauffeur de taxi-compteur. Pour beaucoup, l’utilité de la ceinture de sécurité se résume à une simple formalité routière pour le chauffeur, pourtant elle permet de limiter ou d’éviter le pire au passager lors d’un choc. Ce sont, selon le chauffeur de taxi, des caprices de clients dont il a horreur. Qui plus est, avance-t-il, « certains clients n’ont aucune pudeur dans le taxi. Il arrive souventes fois que la nuit, quand je transporte un couple, je les surprends en train de s’embrasser et de se caresser sans gêne sur mes sièges arrière. C’est embêtant, ça porte la poisse au taximan », tempête-t-il. Sans compter, dit-il, les filles insolentes, sans-gêne et séductrices qui n’hésitent pas à leur proposer leur corps, pour payer le trajet. Et d’autres clients qui, une fois arrivés à destination, leur demandent d’attendre le temps qu’ils trouvent de l’argent avec quelqu’un pour payer.

Les injures inutiles

Pour les taxis-compteurs, ce ne sont pas les anecdoctes qui manquent. Des clientes, réputées pour ce jeu, vont même jusqu’à les utiliser pour draguer sur la voix publique des barons. “Quand elles aperçoivent une grosse cylindrée passer, avec au volant un homme nanti, elles arrêtent aussitôt un taxi et lui demandent de le suivre sans discrétion. Et quand le véhicule s’arrête, elles descendent d’un bond léger pour aller s’acoquiner avec l’occupant, pendant que nous attendons les bras croisés. dans cette grisaille de la nuit où dit-on tous les chats sont gris”, raconte encore notre taximan, il n’est pas rare de rencontrer des visages connus qui vous disent : « tu ne m’as pas vu, hein ! »

Sur la voie qui mène à Angré, nous avons pris un autre wôrô-wôrô. Il manque une place à occuper. Un client qui transporte une petite table, hèle le véhicule. « Je ne prends pas de bagage », apostrophe le chauffeur qui continue sa route, malgré les injures du client, frustré. « Dans tout cela, ce que je n’accepte pas, c’est qu’on m’insulte », indique Moussa, un chauffeur de wôrô-wôrô. Pourtant, les chauffeurs de wôrô-wôrô, comme lui, n’échappent pas aux injures de clients même s’ils veulent rester respectueux. Il raconte un fait qu’il a déjà vécu : « une fois, un client a voulu qu’on aille au 22ème arrondissement pour un problème de 50 Fcfa. Je l’avais pris de l’Hypermarché Sococe jusqu’au carrefour ‘‘Ambassade de Chine’’, aux deux-Plateaux. Il m’a donné une pièce de 250, je ne lui ai pas donné la monnaie. Il a exigé que je lui donne les 50 Fcfa, parce que le tarif était de 200 Fcfa. Or, il n’avait pas négocié au préalable. Il est remonté dans le véhicule alors que j’avais d’autres clients à bord et il a voulu qu’on aille au commissariat pour régler cette affaire. Heureusement qu’il est revenu à la raison.» Pour les tarifs différents sur un même trajet, les clients les traitent de drogués, de café-noir. « Pour réussir dans ce métier, il faut savoir garder son sang-froid, sinon vous risquez de vous battre chaque jour avec un client », conseille-t-il.

Mais, tous les chauffeurs n’ont pas ce sang-froid devant les invectives de certains clients. Tellement elles sont insupportables. Dans l’une des lignes de bus qui fait le campus de Cocody-Yopougon, un chauffeur de bus affirme qu’il a un jour arrêté le bus et quitté son volant pour venir empoigner un passager rustre à l’arrière. Celui-ci l’insultait parce qu’il avait viré un arrêt. « Oh ! Chauffeur, tu es aveugle ou quoi; où tu as ramassé ton permis de conduire ; où tu as appris à conduire ? Il a peut-être des problèmes avec sa femme à la maison» : c’est ce genre de remarques qui pleut sur eux au quotidien quand ils sont au volant de leur bus. Pourquoi ? Parce que le bus, trop plein, a viré un arrêt, ou le conducteur a ouvert la portière avant pour laisser les passagers descendre, oubliant d’ouvrir celle de derrière. Même, lorsque le bus roule penché sur un côté, comme c’est le cas pour le bus-articulé, il y a toujours des cancres dans le véhicules pour faire des remarques acerbes : « Eh ! Chauffeur, tu es gaucher ou quoi ! » Il faut surtout éviter de tomber en panne avec un bus bondé de personnes, les passagers, furieux, couvrent le conducteur d’injures de tous genres. Comme le disait Moussa, il faut avoir le self-control pour ne pas en venir aux mains. Le plus souvent, les chauffeurs préfèrent ne pas répondre à ces quolibets.

Contrairement aux chauffeurs de bus et de taxi-compteur, les chauffeurs de wôrô-wôrô sont réputés pour leur bavardage au volant. « C’est vrai, réconnaît Moussa, mais je refuse de prendre part à toute discussion qui concerne la politique ivoirienne. C’est ce qui a mis ce pays en guerre.» Ce mercredi, dans le wôrô-wôrô que nous empruntons pour rentrer, un débat a cours sur la marche du Rhdp, mardi. Un passager assis devant, trouve l’initiative nulle. L’argument utilisé par les marcheurs, selon lui, n’en valait pas la peine. Un autre client soutient au contraire que la marche a été grandiose. Il faut supporter la discussion de mauvais aloi jusqu’à la fin du parcours, après une journée torride pleine de péripéties. Mais, que voulez-vous, c’est ça les transports communs !

Raphaël Tanoh
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