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Société Publié le lundi 22 février 2010 | Fraternité Matin

Comprendre le mystère des Jumeaux de pères différents?

A qui viendrait l’idée de penser que des jumeaux puissent avoir des pères différents, a fortiori, des triplés ? Au cours de mes conférences universitaires, j’ai toujours vu des visages dubitatifs, pleins de doute, de mon auditoire pourtant composé de scientifiques lorsque je leur annonçais la possibilité que des jumeaux puissent avoir des pères différents.

Ce qui, en soit, est exceptionnel, ce n’est pas tant le fait d’avoir des jumeaux de pères différents que le fait d’avoir des jumeaux tout simplement. En clair, c’est la survenue de jumeaux dans une fratrie qui est un évènement rare car la probabilité pour une femme de d’avoir des jumeaux, de façon naturelle, est d’environ 1%. Cela atteint la probabilité de 20% dans le cas d’une grossesse médicalement assistée (fécondation in vitro).

Finalement, des jumeaux de pères différents qui constituent un événement pas tout à fait exceptionnel mais se déroulant dans un événement exceptionnel (la survenue de jumeaux) confère logiquement un caractère exceptionnel au premier.

Si nous revenons sur l’inénarrable du sujet qui nous intéresse, l’on sait depuis des lustres que 10 % des enfants nés ne sont pas issus de leur supposé père biologique, ce qui constitue 10% de non paternité de la population. Cette prévalence de 10% varie d’un peuple à un autre et serait plus élevée dans les populations économiquement faibles, donc en Afrique. Pour paraphraser le directeur de l’un des plus gros laboratoires de Test d’ADN au monde, le Dr Muir nous constatons qu’un père sur 3 n’est pas le père des enfants dont il réclame la paternité.

Si nous nous accordons sur ces faits, d’où viendrait-il qu’il soit si exceptionnel d’avoir des jumeaux de pères différents, si l’on sait comment un bébé se fait?

Retour sur « Comment fait-on un bébé ? »

Pour mieux clarifier nos propos, traitons les deux sexes (hommes et femmes) à part, puis dans un troisième volet, nous les réunirons dans l’acte symbolique de la fécondation

D’abord la femme

Une fille, à sa naissance, à son stock prédéfini de cellules sexuelles (gamètes), à savoir d’ovules dans ses deux ovaires situés à l’extrémité de chaque côté de ses deux trompes de Fallope. Ce stock d’environ 200 000 ovules par ovaire est définitif et ne sera plus jamais remplacé. La femme devra gérer ce stock pendant toute la durée de sa vie reproductrice (entre l’âge de 15 ans environ et l’âge de 45 ans à peu près). A la puberté, quand elle va commencer à avoir ses premières règles (menstrues), commence alors sa période de fécondabilité. Chaque mois de son cycle, une série de follicules immatures (structure dans laquelle se trouve bloqué à un stade de développement inachevé les ovules) vont se mettre en maturation des deux côtés des ovaires dans une phase du cycle que l’on appelle la phase folliculaire qui dure environ 14 jours à partir du premier jour des règles. En général, le premier follicule qui arrive à maturité, libère son ovule, dans une phase appelée phase d’ovulation, et cette libération va stopper et entraîner la dégénérescence de tous les autres follicules qui étaient aussi en maturation. En résumé, et sans rentrer dans des mécanismes complexes, voilà donc l’ovule qui est prêt à être fécondé par un spermatozoïde qui serait dans les parages. Cependant, précision très importante, cet ovule a une durée de vie très courte qui peut varier de 12h à 24h maximum. L’ovule mesure 200 microns environ. Pendant son cycle, une femme produit un ovule à peu près le 14éme jour (pour un cycle normal de 28 jours), mais il arrive qu’une femme, pour de multiples raisons, va avoir plusieurs follicules qui vont arriver à maturation en même temps, en expulsant deux, trois, voire plus d’ovules dans sa période d’ovulation de l’un ou des deux côtés des ovaires. On verra que tous ses ovules peuvent être fécondés au cours du cycle pour aboutir à des jumeaux appelés « faux jumeaux » car provenant d’ovules différents et de spermatozoïdes différents.

Ensuite l’homme

Plusieurs différences majeures existent entre les cellules sexuelles de la femme et celles de l’homme. Chez la femme, la cellule sexuelle est de grande taille, immobile par elle-même. Chez l’homme, la cellule sexuelle à maturité s’appelle le spermatozoïde. Il est mobile grâce à son flagelle. Il est produit par les testicules qui représentent l’ovaire chez la femme. Cette production des spermatozoïdes matures commence seulement à partir de la puberté, vers l’âge de 14 ans environ et continue, sauf maladie ou accident, jusqu’à la fin de la vie. Contrairement donc à la femme, l’homme n’a pas de stock prédéfini. Un homme normal (du point de vue de la spermatogenèse) va produire en moyenne 100 millions de spermatozoïdes par jour. Au cours d’un rapport sexuel, l’éjaculat d’un homme peut avoir en moyenne 300 millions de spermatozoïdes avec des extrêmes variant de 20 millions à plus d’un milliard de spermatozoïdes par éjaculation. Or, un seul de ces vaillants soldats pourra féconder l’ovule. Le spermatozoïde est de petite taille par rapport à l’ovule, environ 50 microns. La durée de vie d’un spermatozoïde varie de 3 à 5 jours. Ce détail est très important pour comprendre la survenue des jumeaux de pères différents.

Enfin et en fin, la rencontre ou la fécondation

Ne peut-on pas trouver ou chercher ici l’origine de la galanterie de l’homme qui doit toujours aller vers la femme pour lui rendre les honneurs et/ou les hommages ?

Les 300 millions de spermatozoïdes vont être propulsés à une relativement grande vitesse lors du rapport sexuel au cours de l’orgasme (votre plaisir exacerbé, messieurs, et quelques fois soutenus par des cris d’écorchés sert à propulser le plus loin possible les spermatozoïdes avec une vitesse initiale importante), afin de passer le milieu vaginal très acide et donc très toxique pour les spermatozoïdes où beaucoup y laisseront leur vie. La prochaine étape de sélection va être la glaire cervicale au niveau du col de l’utérus où beaucoup mourront asphyxiés, n’étant pas assez vigoureux et mobiles pour traverser le filtre de la glaire et acquérir ainsi leur pouvoir fécondant qu’ils ne peuvent acquérir qu’après avoir traversé la glaire cervicale, on parle de capacitation. Sa vitesse est d’environ 3mm par minute. Finalement à peine moins d’une centaine (environ 50) arriveront vers l’ovule et seulement un seul de ses 300 millions au départ arrivera à féconder la reine, à savoir l’ovule (Un « standing ovation » pour lui !!!)

Application sur les faux jumeaux de père différents.

On a vu que la durée de vie d’un ovule est de 12 à 24h. On a vu qu’une femme pouvait parfois avoir deux, voire plusieurs ovules à maturité au cours d’un cycle. On a vu que le spermatozoïde a une durée de vie de 3 à 5 jours. On sait aussi que pour diverses raisons que nous n’avons pas la prétention de savoir, une femme peut être « contrainte » d’avoir des rapports sexuels avec plusieurs partenaires à des périodes rapprochées. Sur la base de ces quatre informations, on peut aisément concevoir que pour un cycle régulier de 28 jours si une femme a un rapport sexuel avec monsieur X le 11eme jour de ses règles, un autre rapport avec Y le 12 ou le 13eme jour du même cycle, et enfin un rapport sexuel le 14eme jour de son cycle avec monsieur Z, jour de son ovulation, il est possible qu’elle puisse donner naissance à des triplés qui seront 3 jumeaux de 3 pères différents. Il est facile de comprendre que si les 3 messieurs ont des spermatozoïdes d’une durée de vie de 4 ou 5 jours (en moyenne 3 jours), les différents cortèges de spermatozoïdes de ces messieurs seront en embuscade, dans l’attente de l’ovulation et une fois que l’ovulation de la femme se produit avec libération de 3 ovules, chacun des ovules pourrait être fécondé par chacun des spermatozoïdes à l’affût, des 3 messieurs.

Mais heureusement que ce sont des faux jumeaux ! Ce serait le comble d’en avoir de vrais dans ces conditions (totalement impossible). Par contre, une femme pourrait donner naissance à des triplés dont deux seraient de vrais jumeaux ayant un père unique mais avec un troisième jumeau qui serait de père différent.

(Que peut nous réserver encore dame nature ?!!?)

Rien n’est sûr ou acquis d’avance en ce bas monde

Evidemment, il y a beaucoup de théories qui, bien que compatibles avec la faisabilité, demandent tout de même la conjonction de trop de facteurs devant être réunis au cours d’un cycle pour aboutir à des triplés de pères différents, mais c’est une démonstration tout à fait plausible. C’est pourquoi l’adage qui dit que seule la mère connaît le vrai père de son enfant n’est pas toujours vrai. Une femme peut ne jamais connaître le père de son ou de ses enfants. Car si pendant la période de fécondité de la femme, en tenant compte de la durée de vie des spermatozoïdes telle que expliquée, si une femme a des rapports sexuels avec deux ou trois hommes pendant cette période de 4 à 5 jours, il lui sera impossible de dire qui est l’auteur de sa grossesse si elle tombe enceinte. Seul un test d’ADN pourrait le dire à condition que les différents pères présumés consentent à s’y soumettre. N’oublions pas aussi qu’aujourd’hui, grâce aux techniques de fécondation in vitro, des jumeaux peuvent naitre avec un intervalle de plus de 10 ans de différence d’âge, tout comme un enfant pourrait être à la fois le fils et le frère de sa mère (ce serait long à expliquer). Ce qui pose de vrais problèmes d’éthique.

Leçon de vie

La bataille pour la survie commence dès l’éjaculation. Que de morts, que de sacrifiés pour donner une seule vie. N’est-ce pas une des plus grandes leçons de la vie ? Chaque être humain est important. Il est le résultat d’une lutte farouche et mortelle parmi des millions d’individus (près de 300 millions au départ) que sont les spermatozoïdes pour donner un être vivant unique en général. Il faut savoir qu’au cours du cycle menstruel d’une femme, tout rapport sexuel en dehors de la période de fécondité d’une durée moyenne de 5 jours, est voué à la perte en termes de conception, de procréation. Une vie est donc la résultante de deux facteurs importants. Le premier est d’avoir la chance de ne pas figurer parmi tous les spermatozoïdes éjaculés en dehors de la période de fécondité de la femme (cela constitue le plus grand nombre). La seconde est d’être le spermatozoïde parmi les millions d’un éjaculat pendant la période de fécondité de la femme, à parvenir à féconder l’ovule. J’invite les statisticiens à leur calculette. Chaque être humain avait moins d’une chance sur des milliards de naître. Et je ne parle même pas des autres facteurs pouvant conditionner le succès d’une grossesse.

Chaque être vivant mérite considération et respect quel qu’il soit, sans préjuger de son importance ou de son appartenance sociale. Le miracle de la vie mérite gratitude et admiration. Etre le fruit final d’une telle sélection relève assurément d’une volonté divine, d’une mission à accomplir au sein de la dynamique finale que constitue la perpétuation et le développement de chaque espèce vivante, en particulier celle de la race humaine. Il n’y a pas de vie plus importante qu’une autre. Toute vie mérite respect.

Prenons garde de détruire ce qui ne relève ni de notre pouvoir ni de notre intelligence, la Vie.

Et comme le disait André Malraux « Une Vie ne vaut Rien, mais Rien ne vaut une Vie ».

Cet article est une contribution du Centre de Recherche Interactive et d’Expertise (CRIE)

Dr COULIBALY Foungotin Hamidou
Spécialiste Génétique Humaine
Cytogénétique et Biologie de la Procréation
Attaché de Recherches Cliniques
Laboratoire de Génétique
Université de Côte d’Ivoire
Email : cfoungh@yahoo.fr
Site web : www.crieafrique.net
Responsable du C.R.I.E d’Afrique (Centre de Recherches Interactives et d’Expertise)
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