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Sport Publié le vendredi 19 mars 2010 | Nuit & Jour

Interview-Jean-Marc Guillou: "Pourquoi je suis l`homme de la situation"

Candidat déclaré au poste de sélectionneur des Eléphants, Jean-Marc Guillou ne demeure pas moins critique quand il s’agit d’évoquer les maux qui minent les Eléphants et le football ivoirien. S’il ne se fait pas trop d’illusions sur l’avenir de sa candidature, l’ancien entraîneur de l’ASEC Mimosas tacle tout le monde : présidents de clubs, la FIF, Didier Drogba. Une fois encore, le « père » des Académiciens assène ses vérités.

Il semble que votre candidature soit mal comprise par les dirigeants ivoiriens, quel sentiment cela vous inspire-t-il ?
Un sentiment de tristesse. À la fois pour le foot, pour l’Équipe de Côte d’Ivoire — et particulièrement pour certains de ses joueurs — et pour la grande majorité des vrais amoureux du football ivoirien. Pour le football, car il serait très bon pour cette discipline que le formateur de 80% des titulaires d’une équipe jouant un Mondial ait comme entraîneur ce formateur. Pour l’Équipe nationale, car je pense sans prétention être, le mieux placé pour la faire jouer un bon football, condition nécessaire pour obtenir de bons résultats. Pour la grande majorité des joueurs de cette équipe qui reviennent de la plupart de leurs matchs internationaux découragés, abattus et qui finissent par être rendus responsables des échecs répétés. Et enfin, pour tous les Ivoiriens amoureux du football, nostalgiques du football pratiqué par les Académiciens et qui ont rêvé certainement avec ma candidature de revoir ce jeu pratiqué par leur équipe nationale.
Quelles en sont, selon vous, les raisons ?
Les vraies raisons sont simples. Mon arrivée à ce poste aurait suscité une réorganisation dont l’une des conséquences aurait été de remettre à leur vraie place la majorité des dirigeants actuels de la Fédération, c’est-à-dire le plus éloigné possible de l’équipe afin que les garçons se concentrent sur leur objectif. De plus, je ne suis pas sûr, avec les derniers évènements entre la FIF et les présidents de club, que les responsables de la FIF aient bien les mains libres. Le fait que les dirigeants de club aient pris du pouvoir à la FIF ne va pas faciliter les choses. Mais ce n’est pas la facilité qui assure le succès, c’est l’inverse. Enfin, il faut bien le dire, la haine, le mot n’est pas trop fort, que me voue le président de l’ASEC aura probablement tout fait pour que ma candidature ne soit pas acceptée. Comme chacun le sait, la grandeur d’esprit est inversement proportionnelle à la capacité de haine. Ce litige a révélé sa vraie dimension.
Certains disent que vous êtes avant tout un formateur et pas un entraîneur ?
Ce sont là des propos de gens de mauvaise foi ou ne connaissant rien au football. Il est bien plus difficile d’être un bon formateur que d’être un bon entraîneur. Il est plus facile de devenir un bon entraîneur en étant à l’origine un bon formateur, que l’inverse. Être un bon formateur, demande une réelle connaissance du football, alors que l’on peut faire des résultats en tant qu’entraîneur si l’on a une bonne équipe même si l’on ne connaît que très peu le football (ce qui est le cas pour beaucoup d’entre eux). Aujourd’hui, Guardiola, tout comme Arsène Wenger, passent pour être les meilleurs entraîneurs du monde. Avant de devenir ces entraîneurs, ils étaient tous deux des formateurs, l`un à Barcelone, l`autre à Strasbourg… Cette fausse idée vient d’une erreur perpétuellement commise par les dirigeants du football qui mettent, pour encadrer les jeunes joueurs, les moins expérimentés ou les plus mauvais techniciens, d’où le côté péjoratif de l’entraîneur formateur.
D’autres disent que vous êtes un homme d’affaires ?
Je pense qu’ils entendent par là que je suis quelqu’un d’intéressé ou affairiste. Car être un homme d’affaires, quand cela signifie quelqu’un d’entreprenant, n’est pas un défaut. C’est même une qualité qui prouve que vous êtes un meneur d’hommes, qualité en rien incompatible mais au contraire en synergie avec le fait de manager des sportifs. Donc, pour répondre à ceux qui pensent que cette candidature n’a été faite que par un intérêt mercantile, je leur dis que je me suis porté candidat, comme je l’ai déjà dit, pour le sport et pour donner suite à la volonté de beaucoup de joueurs. Je n’envisageais pas de recevoir une indemnité mensuelle et j’aurais conditionné d’éventuels retours financiers à la réussite. De plus, compte tenu de ma position, j’aurais certainement demandé que l’on règle, une fois pour toute, le différend entre Roger Ouégnin et moi-même en portant tout le dossier devant le TAS, comme je lui ai maintes fois proposé et qu’il a toujours refusé.
On parle aussi de vos relations difficiles avec le Président de l’ASEC et de vos critiques à l’égard des Éléphants…
Ces relations ont aboutit à un litige qui reste à être réglé définitivement. Depuis, je n’ai plus de relations avec le président de l’ASEC. Elles ne sont donc ni mauvaises ni bonnes. Elles ont existé, elles n’existent pas et elles n’existeront plus. Le fait que la Conférence des présidents ait pu prendre de l’importance à la FIF, démontre clairement que cette Conférence a en main des arguments pour contraindre les responsables de la FIF à l’écouter. Comme il est probable que les arguments de la Conférence ont été fournis par le président de l’ASEC, ce dernier a repris une certaine influence à la FIF. Par ailleurs, mes critiques à l’égard de la Côte d’Ivoire du football ont toujours été précédées par des mises en garde à propos de choix techniques incohérents. Elles ont donc toujours été constructives en proposant des solutions. Qu’elles aient été dures et guère diplomatiques, j’en conviens. Mais, est-ce que maintenant, en Côte d’Ivoire, il n’est plus possible de dire ce que l’on pense? Ou doit-on obligatoirement verser dans l’hypocrisie et se mettre bien avec les personnes de pouvoir pour espérer faire carrière ? J’espère qu’en matière de sport c’est non. Depuis longtemps, j’ai fait le choix de dire ce que je pense et cela surtout en matière de sport et notamment de football, car la vérité vous rattrape toujours sur le terrain. Je ne fais pas partie des carriéristes. J’ai créé moi-même mon entreprise, et ce grâce à mon talent, car j’ai toujours souhaité garder mon indépendance. Cette indépendance est une qualité qui semble avoir manqué à un bon nombre de techniciens appelés ces derniers temps auprès des Eléphants. Moi, je la revendique et j’en suis fier.
On pense que vous ne retiendrez dans la sélection que des Académiciens avec lesquels vous n’avez pourtant pas réussi à vous qualifier aux Jeux Olympiques de 2000 ?
C`est faux. Aujourd’hui, il y a comme titulaires toujours au moins 6 Académiciens voire des fois 8 ou 9. Si c’étaient les meilleurs, ils pourraient et devraient être plus. Avec moi il n’y en aura pas moins c’est sûr. Bizarrement, dans la tête de certains journalistes, tout se passe comme si dans l’équipe nationale le fait d’être Académicien soit un handicap ou une tare alors qu’ils doivent beaucoup à ces Académiciens. Il y a une vérité toute simple en sport collectif : ce sont les meilleurs joueurs qui composent les meilleures équipes. C’est avant tout à ce postulat que je me tiens. Ce que l’on veut me reprocher avant même que j’officie, c’est exactement ce qui se passe au détriment des Académiciens depuis plus de 9 ans. En effet, j’ai le sentiment très net que cette vérité était niée par les responsables techniques et les dirigeants des Éléphants en cherchant à minimiser le nombre d’Académiciens. L’exemple le plus criard a été le match qualificatif pour le Mondial 2006 à Abidjan joué par la Côte d’Ivoire contre le Cameroun. On avait fait jouer un joueur qui n’avait plus de club depuis presque un an, en laissant Yapi Yapo, alors titulaire à Nantes, sur le banc… Résultat, la Côte d’Ivoire a perdu et n’a dû sa qualification au Mondial 2006 qu’à un petit miracle. En ce qui concerne, la qualification aux Jeux Olympiques de 2000, nous avons effectivement joué avec un grand nombre d’Académiciens dont la moyenne d’âge oscillait entre 18 et 20 ans. Nous avons été à deux doigts (tout s’est joué sur le dernier match) de nous qualifier dans un groupe où il y avait l’Egypte, la Tunisie et le Maroc ayant précédemment éliminé l’Algérie. Bref, compte tenu de la différence d’âge, car nos adversaires avaient entre 23 et 25 ans comme c’est la coutume en Afrique, une qualification aurait été un exploit sans précédent. Alors, aujourd’hui, venir mettre à mon passif ce genre d’échec, c’est vraiment se moquer du monde.
Beaucoup d’observateurs pensent que c’est surtout grâce à Didier Drogba que la Côte d’Ivoire doit ses qualifications au Mondial, êtes-vous d’accord ?
Drogba est un très bon attaquant. Puissant, rapide, opportuniste, c’est un atout important dans une équipe. Mais, on ne gagne pas un match avec un seul joueur même s’il semble parfois, parce qu’il a marqué le but décisif, celui par lequel arrive la délivrance. Si l’équipe de Côte d’Ivoire ne tenait qu’à un joueur, elle ne se serait jamais qualifiée pour un Mondial. De plus, un joueur est d’autant indispensable qu’on ne puisse le remplacer. Or avec la Côte d’Ivoire le compartiment le mieux fourni est celui de l’attaque. Ce contexte relativise le caractère “indispensable” de tous les attaquants. La force d’une équipe est toujours collective. Sur onze joueurs, si huit d’entre eux sont issus de la même structure de formation, il me paraît évident que cette structure a joué le plus grand rôle dans les résultats obtenus par l’équipe.
C’est pourquoi les meilleures équipes nationales s’appuient sur des groupes qui ont une vie en commun. Il me paraît naturel que les Éléphants s’appuient sur les Académiciens même si l’arrivée de talents extérieurs tel Drogba peuvent apporter un plus. Pour moi, il ne faut pas mettre en opposition Drogba et les Académiciens. Ils font partie de la même équipe. Les uns et les autres doivent en bénéficier.
D’autres rétorquent que vous seriez l’un des instigateurs de l’échec de la dernière CAN, contribuant à la détérioration de l’ambiance au sein du groupe ?
Je sais. J’ai déjà répondu à cette insinuation. Elle vient de personnes qui ne s’expliquent pas les échecs de cette équipe et qui doivent trouver des responsabilités à la mauvaise ambiance. D’abord, pour les mettre sur la voie d’une explication, qu’ils sachent qu’il règne toujours une mauvaise ambiance au sein d’un groupe qui ne concrétise pas ses potentialités car chacun juge les autres responsables. Dans ces cas là, le premier responsable : c’est le technicien principal. Il n’aura pas su protéger son groupe et/ou n’a pas su constituée une équipe équilibrée et bien la préparer. En second, ce sont souvent les dirigeants qui entourent cette équipe, qui ont choisi ce technicien insuffisant.
Autre vérité celle la policière : pour trouver un responsable il faut chercher à qui profite le crime. Ai-je intérêt à voir perdre ou mal jouer une équipe de Cote d’Ivoire avec 8 académiciens titulaires ? Non. En fait, les vrais responsables, on les connaît. Mais comme ils ne le font pas exprès, ils se croient innocents.
Une équipe de Côte d’Ivoire qui gagne avec 8 académiciens titulaires, cela me fait plutôt plaisir, surtout si elle joue bien. L’inverse me déprime et me rend, c’est vrai, critique envers les responsables cités plus haut. Je n’ai jamais assisté à aucune CAN, car je savais qu’en cas d’échec, — échecs que j’avais prévus —, j’aurais été le premier accusé. Mais, on peut retourner la logique de cette accusation aux accusateurs. Car, si même à des milliers de kilomètres, ils me croient capable de faire perdre une équipe, alors, ils devraient me croire capable de la faire gagner en étant dans le même hôtel.
"Ils ont peur de moi"
Que pensez-vous de l’arrivée des dirigeants de clubs pour renforcer la FIF ?
Ce n’est pas une volonté d’Anouma, mais un mini coup d’État de la part des dirigeants de club qui savent que cette participation au Mondial est une occasion à ne pas manquer financièrement parlant car, c’est probablement la dernière. Ces dirigeants devaient avoir de solides arguments pour reprendre en main les finances de la FIF. Je pense que Roger Ouégnin est derrière ce coup d’état.
Sportivement, je ne pense pas que cette évolution apporte quelque chose au football ivoirien et à la future performance des Éléphants au Mondial. Ceux qui sont les premiers responsables de la réussite du football ivoirien sont les joueurs. Ce sont eux qui doivent faire prendre les décisions. Les meilleurs dirigeants ont tous compris cette vérité. Ils laissent les mains libres aux techniciens et aux joueurs. Il est nécessaire que les joueurs ivoiriens comprennent que leur destin est entre leurs mains. Ils ne doivent pas laisser à des personnes qui n’ont pas leur connaissance, de décider de leur destin. Que les clubs et la FIF reçoivent une part de l’argent généré par l’équipe nationale, cela est tout à fait normal. Mais ce pourcentage doit être en rapport avec leur réel apport.
La FIF semble avoir du mal à se décider pour le prochain responsable de l’équipe ?
En fait, sportivement ma candidature les ennuie, car ils savent au fond d’eux-mêmes que c’est la meilleure. Il la refuse pour des raisons d’ordre affectif. Ils ne m’aiment pas. Certains me détestent parce que j’ai eu l’outrecuidance de dire toutes hautes quelques vérités sur eux. Ils devraient savoir qu’entre vrais amis on se dit toujours la vérité. Je pense qu’ils savent que la grande majorité des joueurs souhaitent que je les aide à réussir ce Mondial. De plus, le choix vers lequel Drogba pousse les dirigeants, les mène vers des entraîneurs ayant passé par Chelsea. Ils sont donc habitués à percevoir des sommes, selon moi, complètement déplacées. Que ce soit Hinddink ou Mourinho, ils ne viendront pas pour l’amour du football ou des joueurs. Peut-être qu’un Arsène Wenger le ferait et encore pas sûr. Bref, économiquement, à moins de prendre un entraîneur lambda, me choisir serait encore la meilleure solution, car ma première motivation n’est pas l’argent et ça tous les gens qui m’ont connu à Abidjan le savent, Roger Ouégnin le premier qui a bien su en profiter.
"Les Eléphants, c`est le FC Drogba"
Quel pronostic faites-vous pour le mondial ?
Il est difficile de faire un pronostic. En dépit de la loi du nombre, il semble que le futur entraîneur sera le protégé de Drogba. Il faut voir quels seront ses choix tout en se disant que ce sera probablement ceux de Drogba. Cette remarque me fait penser que pour les dirigeants de la FIF, dommage que la FIFA est interdit maintenant la fonction entraîneur joueur, car comme Halilhodzic suivait les directives de Drogba, il suffisait de nommer Drogba « entraîneur joueur » et lui verser simplement la double prime. Mais dans ces conditions, rien ne bougeant, il est clair que ce groupe partait perdant et serait revenu perdu. Sans préjuger des conséquences du choix du futur technicien, je crains fort pour la Côte d’Ivoire que les dirigeants du foot ne saisissent pas avec moi la chance que je lui ai tendue. C’était probablement la solution économique, humaine et sportive présentant les plus grandes garanties. Cela prouvera, une fois de plus, que ce n’est pas la raison et la compétence qui guident les choix faits à La FIF, mais qu’elle agit au gré des influences et pour protéger des petits intérêts personnels au détriment de l’intérêt général du football ivoirien.
Pensez-vous revenir un jour travailler en Côte d’Ivoire ?
Franchement, à mesure que les jours passent, je pense que le choix sur ma personne, paradoxalement, est de plus en plus compromis. Je dis paradoxalement, car plus les dirigeants attendent pour faire ce choix, plus le mien est évident car je suis celui qui connaît le mieux les joueurs et qui n’aura pas besoin de beaucoup de temps pour composer la meilleure équipe. En revanche, même si je n’ai aucun contrat personnel, j’ai d’autres occupations qu’il m’est difficile de laisser tomber quand elles sont programmées. La semaine prochaine par exemple, n’ayant pas eu de réponse de la FIF, j’ai programmé de partir pour 20 jours en Asie car je dois faire comme si la réponse de la FIF était négative. Ce qui est certain, c’est que les dirigeants du football ivoirien ont avec ma candidature, une belle occasion de faire l’union sacrée. En la refusant, les conclusions s’imposeront d’elles-mêmes : un retour éventuel en Côte d’Ivoire, ne se fera en tout cas jamais au service de certaines personnes.

Source : sport ivoire
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