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Société Publié le mardi 21 septembre 2010 | Nord-Sud

Fofy Bamba, maire-résident de Koonan : “Les paysans se sentent abandonnés”

Dans cette interview, le premier magistrat de Koonan revient sur la génèse des récents conflits entre agriculteurs et éleveurs peulhs. Fofy Bamba note que la poussée de colère des paysans découle d’un sentiment d’impuissance face aux «puissants éleveurs».

Quels sont les problèmes courants entre éleveurs et agriculteurs dans votre commune ?
Il apparaît que, depuis un certain temps, des éleveurs viennent par vagues dans nos régions. Aujourd’hui, ils ont envahi nos terres. Il est vrai que nous sommes dans un pays hospitalier et il est bien de recevoir des étrangers. Mais pas ceux qui créent des problèmes. Cela dit, en tant qu’autorité communale, j’ai le devoir d’intervenir en privilégiant la négociation afin d’éviter que les conflits ne dégénèrent.

A vous écouter, il a toujours existé une bonne cohabitation entre éleveurs et agriculteurs. Pourquoi est-ce mainte­nant qu’on entend autant de bruits ?
Certes avant, il y avait quelques petits conflits par-ci, par-là, mais l’honnêteté exige qu’on reconnaisse que ces problèmes se sont exacerbés avec la crise. Le fait est que les troupeaux sont devenus nombreux et il n’y a pas de contrôle. Les autorités sous-préfectorales, qui sont la tutelle, ont tenu plusieurs réunions, chaque fois qu’il y a eu débordement. Par exemple, après le conflit de Ténémassa, le préfet lui-même a effectué le déplacement.

Certains ont vu votre main dans ce conflit qui a provoqué d’importants dégâts et occasionné l’arrestation de 22 personnes…
C’est vrai qu’on m’avait accusé d’avoir encouragé ou donné l’ordre à nos parents d’abattre les bœufs. Après vérification, les gens se sont rendus compte que c’était faux. Les parents ne peuvent pas attendre que quelqu’un leur donne l’ordre alors qu’ils savent que leurs cultures sont en train de disparaître. Pour ma part, je pense à une poussée de colère que je comprends du reste. Ils ont tellement entrepris de démarches infructueuses qu’ils ont eu le sentiment qu’il n’y avait personne pour les défendre.

Etes-vous en train de dénoncer une mollesse partisane de l’autorité préfectorale ?
Ce n’est pas ce que je dis. Mais, vu l’ampleur des dégâts dans notre sous-préfecture, surtout que, ces temps-ci, il y a certaines contrées de la région qui ont refusé carrément la présence de ces éleveurs, on peut s’inquiéter. Il y a des dégâts mais, ils continuent de venir en masse. Ils ont même un village qu’ils occupent totalement : Falikoudougou qui est à 2 kilomètres de Koonan.

Mais, on apprend que c’est le chef de Falikoudougou lui-même qui a vendu le village ?
C’est ce que j’aurais appris. Certainement, il reçoit quelque chose, et c’est tout à fait normal puisque lui-même n’y habite même pas. Il a totalement laissé le village à la portée de ces éleveurs. Il est ici à Koonan et cela a fait que les bœufs sont venus par milliers. Il est impossible de vivre avec des bêtes qui divaguent nuitamment, au moment où les gens dorment.

Est-il donc exact de soutenir que les éleveurs bénéficient de la bienveillance et la protection de certaines personnalités de la région ?
Ce sont des choses qui se disent ici. Mais, je n’ai pas les moyens de confirmer la collusion entre ces personnalités et les éleveurs. Pour l’heure, je n’ose pas croire à ces allégations. Parce que pour moi, une personne qui est ointe de l’autorité publique doit se mettre au-dessus des intérêts particuliers, et agir dans le sens des droits de l’Homme. Il faut que tout le monde ait à l’esprit qu’on ne peut pas disposer d’un troupeau de bœufs dans une contrée où il n’y a pas de contrôle, et traverser les zones de cultures de nos parents n’importe comment. Moi, cela me gêne.

Mais le préfet de région a mis en place un comité pour réglementer la transhumance du bétail.
Dans cette affaire, je ne peux vraiment pas incriminer le préfet de région. Il est sensible à tous les problèmes qui touchent la population. Je m’en suis rendu compte à l’occasion de la crise entre les populations de Tenémassa et les Forces nouvelles. Malgré la tension, il a pu canaliser le problème.

Ce n’est probablement pas le cas pour le sous-préfet. Entre les populations et lui, la con­fiance semble totalement rompue. Sa tête est mise à prix.
Le problème dépasse ma commune. En effet, c’est toute la sous-préfecture qui est aujourd’hui concernée. Et des centaines de jeunes sont allés manifester chez le préfet. La situation a failli dégénérer.

Les manifestants disent que le sous-préfet est en complicité avec les Forces nouvelles pour extorquer les fonds.
C’est à une réunion des maires et préfets convoquée par le ministre de l’Intérieur que j’ai rencontré le préfet. Il m’a éclairé sur ce point. En fait, c’est la répartition des dommages et intérêts payés par les éleveurs qui pose problème. Les rares fois où les éleveurs sont sanctionnés, c’est de façon totalement arbitraire qu’on fixe les amendes et il se trouve que le sous-préfet est dans la clé de répartition de cet argent. Voilà ce qui révolte.

Interview réalisée par Lanciné Bakayoko, envoyé special
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