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Politique Publié le jeudi 7 octobre 2010 | Le Nouveau Courrier

“Entreprenez”, disent-ils*

Depuis au moins une dizaine d’années, les hommes politiques ivoiriens de tous bords exhortent les jeunes – et les femmes – à l’entrepreneuriat. Dans le fond, ils ont raison. Il serait démagogique de leur part de ne pas admettre et faire comprendre à tous que l’Etat-providence est mort de sa belle mort, et qu’il est naturellement question pour le secteur privé de produire la plus grande partie de la valeur ajoutée. Cela dit, on a souvent l’impression que leurs exhortations masquent une certaine forme d’impuissance et peuvent avoir pour conséquence de complexer l’audience à laquelle ils s’adressent – qui peut être perçue par certains comme incapable de saisir des opportunités d’affaires, par paresse ou par stupidité.
Il est pourtant un fait impossible à éluder : nul ne peut entreprendre en l’absence d’un contexte favorable. Et il semble que la réflexion concrète et pratique sur les conditions favorables devant être mises en place pour favoriser l’initiative économique populaire n’est pas encore mûre. Pour parler plus clairement, elle est quasiment inexistante. Pourtant, il y a beaucoup de choses à dire sur les innombrables aspects de l’environnement global qu’il faut modifier pour que la Côte d’Ivoire cesse d’être une « nation de salariés ».

Il faut assainir le cadre global
Pourquoi un jeune étudiant ambitionnerait-il de se mettre à son compte et de travailler dur durant des années pour construire pierre après pierre, non pas une fortune (la majorité des entrepreneurs ne sont pas riches) mais un patrimoine fragile, à défendre constamment… alors qu’autour de lui, les personnes les plus aisées, celles qui « claquent » des fortunes, sont des fonctionnaires s’enrichissant sans effort ni risque sur le dos de l’Etat ? Il faudrait un jour qu’une enquête indépendante raconte le harcèlement dont sont l’objet les petits entrepreneurs les plus honnêtes de la part de contrôleurs des Impôts qui ne respectent absolument pas la valeur « travail », et qui cherchent à les piéger pour les racketter. Ce sont ces fonctionnaires qui fournissent au secteur informel ses raisons d’exister. Un secteur informel qui subit lui-même les effets d’une grande hypocrisie : ceux qui y exercent paient des impôts communaux (y compris quand ils occupent l’espace public de manière anarchique), puis sont violemment chassés, voire dépouillés, en fonction de l’actualité (sommet international, nouvelles résolutions au sommet, etc.).
Pourquoi entreprendre quand, dès le moindre litige avec un associé, un client ou un fournisseur, une simple «convocation» vous envoie dans le plus infâme des «violons» des commissariats d’Abidjan, où des réseaux faciles à identifier vous extorquent des centaines de milliers de FCFA pour vous éviter la MACA, que vous ayez raison ou tort ? Où sont les tribunaux de commerce, seuls à même de juger sereinement un certain type de querelles ?

La formation et l’encadrement absolument nécessaires
Dès lors qu’il s’agit d’une affaire dont l’objectif va au-delà de la simple survie quotidienne sans perspective, l’entreprenariat est une chose ardue, difficile, exigeante. On ne peut pas entreprendre si on n’est pas formé pour. De nombreux observateurs ou acteurs politiques et sociaux constatent ou se plaignent de la mainmise des étrangers ouest-africains ou syro-libanais dans le secteur des PME et du petit commerce en Côte d’Ivoire. C’est une mauvaise manière de voir les choses. Au-delà de tout, ce sont des gens qui ont été formés – par leurs parents – à marchander et à créer de la valeur ajoutée qui s’en sortent dans ce secteur. Et c’est normal.
Ceux qui n’ont pas eu la chance d’être tombés dans la marmite du business dès leur naissance doivent pouvoir compter sur l’Etat pour les préparer à entreprendre. Le premier secteur dans lequel les Ivoiriens sont appelés à le faire, c’est l’agriculture. Mais où sont les BEP, les BAC, les BTS agricoles ? Où sont les filières de formation spécialisées dans les zones rurales elles-mêmes ?
Entreprendre dans les services est une chose bien moins aisée que ce qu’elle paraît. Où sont les pépinières d’entreprises, qui encadrent, protègent et valorisent des bonnes idées, qui deviennent des plans d’affaires viables puis des entreprises rentables ? Quel interlocuteur, quel statut et quelle fiscalité pour les Très Petites Entreprises (TPE) ? Le débat est ouvert.

La question des opportunités
La meilleure manière d’encourager les jeunes entrepreneurs, c’est de les persuader de l’existence d’opportunités. Par exemple, si l’Etat crée une centrale qui rachète à certaines conditions de qualité le riz local pour le revendre aux grossistes (comme à l’époque de la SODERIZ, où l’incurie a tué un bon système), le marché se clarifie, et devient attractif. Certains marchés des collectivités, voire de l’Etat, pourraient être réservés aux « jeunes entrepreneurs ». Sans pour autant que cette modalité ne devienne, comme d’autres, une foire à la magouille. Tout un programme !


*Ceci est une rediffusion de l'éditorial paru dans Le Nouveau Courrier le 13 septembre dernier.

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