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Politique Publié le mercredi 27 octobre 2010 | Le Nouveau Courrier

Voter dans le respect de l’adversaire

En disant que c’est le collecteur d’impôts qui redescendit chez lui justifié – il fut déclaré juste pour avoir demandé à Dieu d’avoir pitié du pécheur qu’il est – et non pas le pharisien qui, dans sa prière, donnait l’impression de ne plus rien attendre de Dieu (Luc 18, 9-14), Jésus montre que, dans certaines circonstances, la sagesse ne consiste pas à jouer les équilibristes, à renvoyer dos à dos X et Y mais à se mouiller, à trancher, à prendre position. Le 31 octobre, les Ivoiriens en âge de voter sont appelés à prendre position. Voter, c’est prendre position. Mais qui voter ? La question ici n’est pas de savoir si l’homme ou la femme à qui nous voulons donner notre voix est de notre ethnie, religion ou formation politique (face à Jean-Marie le Pen, Jacques Chirac fut élu par des socialistes en 2002 et Barack Obama par des Républicains en 2008), s’il est riche ou pauvre, s’il est beau ou vilain, etc. Il s’agit plutôt de regarder et d’analyser le projet de société des candidats, c’est-à-dire ce qu’ils comptent faire de et pour la Côte d’Ivoire dans les cinq prochaines années. Il convient également de prendre en compte ce que chaque candidat a déjà fait en bien et en mal quand il était aux affaires.
On a coutume de parler des droits et devoirs du citoyen. Voter fait partie de ces droits et devoirs. Le vote est un droit au même titre que le droit à l’eau potable, à l’éducation, à la santé, à l’alimentation, etc. C’est un droit au sens où personne ne doit être empêché d’exprimer son choix. On ne peut pas en effet se dire démocrate et dresser toutes sortes d’obstacles sur le chemin de ceux qui veulent jeter leur bulletin dans l’urne. Mais voter est aussi un devoir parce que, en politique, il y a ce qu’on appelle le rapport de forces. C’est effectivement le candidat qui a recueilli le plus de voix qui est proclamé vainqueur. Or si vous ne votez pas, vous privez votre candidat d’une voix qui lui aurait peut-être permis de gagner. Le candidat socialiste Lionel Jospin l’apprit à ses dépens en 2002. Il fut battu au premier tour, malgré l’excellent travail abattu en cinq ans à Matignon, parce que certains de ses partisans, croyant l’affaire déjà pliée, n’avaient plus jugé utile d’aller voter.
Autant il est important que les partisans et sympathisants des 14 candidats se rendent aux urnes, autant il est nécessaire d’éviter certains comportements avant et après l’élection : par exemple, salir ou déchirer les affiches de l’adversaire, verser dans l’injure et les invectives qui sont les arguments des faibles. Les candidats qui auront perdu la présidentielle, s’ils ont été proprement battus, devront avoir le courage d’appeler et de féliciter le vainqueur. Quand Abdou Diouf salua la victoire d’Abdoulaye Wade en 2000, ce fut un bon point non seulement pour le successeur de Léopold Senghor mais aussi pour la démocratie sénégalaise. Si certains candidats estiment que le scrutin a été entaché d’irrégularités et désirent contester le verdict des urnes, ils n’ont pas besoin d’envoyer les enfants des autres casser et brûler les biens publics et privés. C’est le lieu de rappeler que la violence est le moyen le plus barbare qui soit pour résoudre les conflits. Nous pouvons montrer que nous sommes des gens civilisés, que l’élection n’est pas la guerre, que gagner ou perdre une élection n’est pas la fin du monde. Quant au vainqueur, il aura à cœur de se mettre au service de tout le monde ; il se gardera aussi de railler et d’humilier les vaincus. De là à préconiser que le président élu doit former un gouvernement d’union nationale, il n’y a qu’un pas que je me refuse à franchir. Pourquoi ? La première raison, c’est que cette solution, imposée par les immoraux accords de Marcoussis et expérimentée entre 2002 et 2010, a fait plus de mal que de bien à l’Etat de Côte d’Ivoire : en plus d’enrichir leurs partis et leurs proches, les ministres obéissaient plus à leurs mandants qu’au président de la République. Si je suis contre les gouvernements d’union nationale, c’est aussi parce qu’ils vident la démocratie de son sens. Ce qui caractérise en effet la démocratie et ce qui fait en même temps sa grandeur, c’est qu’elle permet aux électeurs de prendre connaissance et d’étudier divers projets de société et de choisir en connaissance de cause. Au temps du parti unique, un seul parti et un seul homme avaient le droit de solliciter les suffrages des électeurs. Ceux-ci n’avaient pas la possibilité d’entendre d’autres sons de cloche. Un gouvernement d’union nationale nous ramènerait à cette sombre période. On ne peut pas vouloir à la fois la démocratie qui implique, entre autres choses, l’existence de plusieurs partis et militer pour un gouvernement où toutes les formations politiques seraient représentées. C’est pourquoi je propose que celui qui a été élu forme son gouvernement pour appliquer son projet de société et que, au bout de cinq ans, il soit jugé, c’est-à-dire reconduit pour un second et dernier mandat s’il a bien travaillé ou bien sanctionné s’il s’est montré incapable de réaliser les promesses faites.
Que la prochaine élection puisse contribuer à la guérison du pays, je le concède. Mais croire qu’elle réglera tous nos problèmes relève de la naïveté et d’une vision simpliste des choses car la crise ne peut être réduite au fait que les élections de 2000 – marquées par le rejet de la candidature de Konan Bédié et Alassane Ouattara et la vaine tentative de Robert Guéï de confisquer le pouvoir – se sont mal passées. La crise, c’est aussi le chômage qui frappe nombre de diplômés, la mauvaise répartition des richesses, l’inégalité devant la loi, l’indiscipline et le non-respect du bien commun, l’irresponsabilité de certains journaux, l’impunité – des gens ayant détourné le bien public jamais inquiétés –, le tribalisme qui est entré même dans les églises, temples et mosquées, la corruption dont policiers et gendarmes n’ont pas le monopole. Comme on peut le voir, la Côte d’Ivoire nouvelle ne sera pas seulement l’affaire de ceux qui vont nous gouverner. Chacun devra y mettre du sien en adoptant des comportements nouveaux.

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