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Économie Publié le mercredi 5 janvier 2011 | Nord-Sud

Conséquences de la crise politique : Les réceptifs hôteliers en difficulté, des chômages massifs

© Nord-Sud Par F. Danon
Tourisme : Une plage de San Pedro.
Photo d`illustration
Plus rien ne va du côté des complexes hôteliers de la ville de Grand-Bassam. La tension post-électorale qui perdure depuis maintenant un mois, a négativement affecté le secteur hôtelier de l’ancienne capitale du pays. A telle enseigne que beaucoup d’entreprises hôtelières sont au bord de la fermeture.


Il est 8h30, ce dimanche 2 janvier. En ce début d’année 2011, le temps est couvert de brume sur la ville de Grand-Bassam. Il est parfois accompagné de vent sec, signe de la présence de plus en plus remarquée de l’harmattan. Cette période, marquée par les fêtes de fin d’année, est réputée être un moment faste pour les réceptifs hôteliers en raison de la forte demande exprimée. Surtout que la St-Sylvestre (la nuit du vendredi 31 décembre 2010) tombait immédiatement sur un week-end. Mais, la réalité est tout autre.

Les clients sont rares

D’autant que de nombreux complexes hôteliers sont au creux de la vague eu égard aux effets pervers de la tension post-électorale qui perdure depuis plus d’un mois maintenant. C’est le cas du N’Sa hôtel. Ce joyau architectural, situé en bordure de la voie express, connaît un calme plat. A l’intérieur, la grande salle de réception est déserte. Les tables pour la plupart ne sont pas couvertes de nappes.
On peut voir néanmoins de petites décorations çà et là, pour faire plaisir à d’éventuels clients. De l’autre côté, la petite salle de réception n’affiche non plus l’ambiance de fête. Le parking qui d’habitude bondait de véhicules, est pratiquement désert. Toutefois, on peut voir quel­ques véhicules stationnés. Ils appartiennent aux cadres de cette entreprise hôtelière. Une atmosphère terne mais bien curieuse, puisque l’on n’est qu’au lendemain de la St-Sylvestre. Les raisons de cette ambiance inhabituelle, soulignent certaines indiscrétions, ont un nom : la crise née du deuxième tour de la présidentielle du 28 novembre. Laquelle a donné lieu à un bicéphalisme au sommet de l’Etat avec Alassane Ouattara, le président élu et Laurent Gbagbo, président sortant qui refuse de passer la main au vainqueur. «Depuis la précampagne jusqu’aux élections, les activités avaient commencé à prendre déjà du plomb dans l’aile à cause des scènes de violence constatées de part et d’autre. Malgré cela, la direction de l’hôtel a essayé tant bien que mal de faire tourner les choses. Mais la situation s’est beaucoup dégradée après le second tour», s’offusque K. T., un des responsables du site hôtelier. Résultat : les clients ont commencé à se raréfier. Une situation qui a fortement érodé le chiffre d’affaires de la structure. Il est passé de 133 millions de Fcfa en décembre 2009 à 19 millions de Fcfa en décembre 2010. Une chute désastreuse. Conséquence: plus de 80 % du personnel a été mis au chômage technique. «Si la situation reste inchangée, ce sera le licenciement parce que la loi sur le contrat de travail stipule qu’on ne peut pas reconduire plus de deux fois, le chômage technique», s’inquiète notre interlocuteur qui précise que c’est seulement le tiers (1/3) des employés qui a été retenu pour effectuer des travaux d’entretien et de maintien des équipements. «Nous avons fondé beaucoup d’espoir dans les fêtes de fin d’année. Mais le constat est alarmant : mes clients (composés de beaucoup d’expatriés) ont brillé par leur absence avec le couvre-feu. Nombreux parmi eux avaient peur que le contexte politique ne dégénère encore.

Des employés dans le désarroi

Alors que l’année dernière, dans la même période, nous avions fait quasiment le plein de toutes les chambres», déplore le responsable. Pour lui, il n’y a pas d’autre choix que de prendre des mesures douloureuses. A Mantchan hôtel, la situation n’est guère rose. Là aussi, des grincements de dents se font entendre. Les restaurants et les complexes hôteliers situés en bordure de mer, au quartier France, n’é­chappent pas à cette dure réalité. Le constat est implacable d’autant que ces sites sont restés sans animation particulière. A l’image de l’Etoile du sud. Ce complexe qui, habituellement, attire du beau monde, surtout en fin d’année, est dans la tourmente. Ce mois de décembre 2010 aura été l’une des plus mauvaises périodes pour les opérateurs du secteur. Jacques Ablé, Pca de cette entreprise, est amer : «J’ai mis 30 personnes (90% de mon personnel) au chômage technique parce que nos activités sont plombées par la situation politique tendue. Nous allons vers l’asphyxie totale. Les 24 et 31 décembre, je n’ai eu respectivement que 4 et 16 clients. Que voulez vous que je fasse devant une telle situation?», s’interroge le Pca, la voix interloquée. Avant de rappeler qu’il n’a pas réalisé un million de Fcfa comme gain le mois passé. Une somme largement dépassée l’année dernière. Pourtant, sa structure doit faire face à ses charges fiscales, à ses factures d’électricité et d’eau. Sachant qu’elle a investi en masse en renouvelant les matelas, les draps, les verres,… pour rendre le séjour des visiteurs agréable. Hélas! En effet, le taux de remplissage qui est en baisse, n’excède pas les 20% contre 80% l’année dernière à la même période. A tel point que les dirigeants de l’hôtel Marvin étaient obligés de morceler le salaire du mois de décembre de ses employés. «Le secteur de l’hôtellerie agonise depuis le second tour du scrutin présidentiel. Pour permettre à nos employés de fêter, nous étions contraints de ne payer qu’une partie de leurs soldes. C’est regrettable parce qu’il n’y avait pas d’autre possibilité», explique Silué Bakary, gérant de l’hôtel Marvin disposant de 24 chambres dont les coûts varient de 15 à 38.000 Fcfa la nuitée. De leur côté, les employés «remerciés momentanément» veulent garder espoir. Dans cette grisaille, ils espèrent que la situation va se normaliser rapidement. C’est le cas de Rhissa Mahaman employé à l’Etoile du Sud depuis 5 ans. Même s’il vit dif­fici­le­ment sa situation de chômage. Père de 3 enfants, il ne sait plus que faire pour faire face à ses charges familiales (la popote, le loyer, la scolarisation de ses enfants, …). «Je vis un calvaire. J’étais en congé au mois de novembre, alors que je m’apprêtais à reprendre mon travail en décembre, on m’annonce que je suis au chômage technique. Je suis venu voir mon patron pour qu’il m’aide avec un peu d’argent», murmure M. Rhissa. Fofana Bassanogo, cuisinier et père de cinq enfants, vit également dans la crainte. Son salaire du mois de décembre n’a pas été payé du fait de son congé forcé. Pour avoir de quoi fêter la St-Sylvestre, il s’est retrouvé sur un chantier pour un contrat de 3 jours. Mais, que de difficultés pour cet homme de la soixantaine. «Avec l’âge que j’ai, j’étais obligé d’aller chercher un petit boulot de 3 jours du 28 au 30 décembre. Si ce contrat a été effectif, j’attends encore malheureusement la paie. Donc, vous comprenez que la fête n’a pas été belle pour ma famille», rumine le cuisinier. Notons qu’à l’instar des réceptifs hôteliers, de nombreux secteurs d’activité sont de plus en plus en berne, à Abidjan, du fait des incertitudes liées à l’impasse politique.

Emmanuelle Kanga à Grand-Bassam
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