x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le jeudi 6 janvier 2011 | Le Nouveau Réveil

La Côte d`Ivoire peut-elle battre monnaie ?

Donnez-moi le pouvoir d'émettre et de contrôler l'argent d'une nation, et alors peu importe qui fait ses lois", c'est alors cette citation de Mayer Anselm Rothschild, un ancien banquier d'affaires que nous voudrions bien revenir sur un sujet qui retient de plus en plus l'attention des Ivoiriens. Tout le monde est brusquement devenu passionné des questions monétaires, alors qu'il est important de ne pas ignorer le caractère sensible de ce sujet.
Toucher à la monnaie d'un pays est semblable à s'en prendre à sa loi fondamentale, la constitution, C'est donc une grave atteinte à la souveraineté nationale que de réduire à néant la monnaie d'un Etat. Mais vu l'environnement socio-politique que subit la Côte d'Ivoire actuellement, le débat vient de sortir des tiroirs des économistes, des universités de ce pays et se trouve désormais sur la place publique.

De quoi s'agit-il exactement?
Nous faisons bien évidemment allusion à l'éventuel projet de création d'une monnaie ivoirienne. On pourrait de prime abord croire que c'est du Franc CFA qu'il s'agit, mais à écouter les uns et les autres, ardents défenseurs de cette thèse monétaire, il est plutôt question pour les Ivoiriens de quitter la zone franc, d'abandonner totalement le franc CFA, pour battre leur propre monnaie. La monnaie ivoirienne, cette initiative semble être de plus en plus défendue par de nombreux Ivoiriens, afin d'acquérir, disent-ils, la véritable indépendance économique de la Côte d'Ivoire.
L'audace d'un tel projet nous a amené à nous poser un certain nombre de questions, afin de réfléchir ensemble sur son opportunité et sa faisabilité. l'ancien président américain Abraham Lincoln déclarait que: "le privilège de créer et d'émettre de l'argent est non seulement une prérogative suprême du gouvernement mais c'est aussi sa plus grande opportunité créative ". Est-il donc venu, pour l'Etat de Côte d'Ivoire, le moment d'émettre sa propre monnaie et d'en avoir son total contrôle, vu toutes ces mesures économiques dont il est l'objet en ce moment?

La monnaie,: qu'est-ce que c'est?
Pour répondre à cette problématique, il serait d'emblée intéressant de mieux faire connaissance avec le terme " monnaie ". Loin des définitions académiques développées dans plusieurs livres d'économisttes chevronnés, l'on peut de façon simpliste retenir que la monnaie est un instrument de paiement utilisé dans les transactions commerciales (achat de biens et services et remboursement de dette. Elle remplit trois grandes fonctions. D'abord, elle constitue un moyen de paiement, ensuite elle sert d'unité de compte et de mesure de la valeur dans l'économie et enfin, elle peut jouer le rôle de réserve de valeur, c'est-à-dire un pouvoir d'achat mis en réserve et transférable dans temps. II existe 4 formes de monnaies. La monnaie métallique qui regroupe toutes les pièces de monnaies, ensuite la monnaie fiduciaire qui rassemble les billets de banques, puis la monnaie scripturale où l'on retrouve les chèques, la lettre de changes, le billet à ordre; etc., puis de nos jours, la monnaie électronique matérialisée par les cartes pré payées et le porte-monnaie électronique.

Le franc ivoirien comme bouée de sauvetage?
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire. Elle utilise depuis son accession à indépendance. Le Franc CFA comme monnaie. Le Franc CFA datant de décembre 1945 signifie le Franc de la Communauté financière d'Afrique. Il est utilisé dans 15 pays africains dont les 8 de l'espace UEMOA. Après avoir subi une dévaluation en Janvier 1994. Il est désormais animé de façon fixe à l'Euro pour une valeur de 1 Euro = 655.957 FCFA. Le fonctionnement de cette monnaie a longtemps été décrié par plusieurs économistes qui estiment que le Franc CFA est un instrument monétaire contrôlé par la France. Plusieurs arguments sont avancés pour étayer cette accusation, mais les plus récurrents sont: le pouvoir de décision de la France dans les instances des 3 banques centrales assurant la distribution du Franc CFA. Et aussi le devoir pour chaque Etat dit "souverain" de verser 5% de leurs devises d'exportations sur le mystérieux compte d'opération logé au Trésor français. De nombreux économistes africains ont préconisé la mort du franc CFA pour l'éclosion d'une nouvelle monnaie, afin de marquer l'indépendance totale vis-à-vis de l'ancienne puissance colonisatrice, mais cela n'a jamais connu d'affectivité.
Et voici que l'étau se resserrant autour de la Côte d'Ivoire suite à la confusion des dernières élections présidentielles, les réflexions autour d'une monnaie nationale réapparaissent subitement. Les partisans de la création de cette monnaie locale estiment que ce projet permettra au pays de sortir d'un joug colonial financier qui n'a que trop duré et d'affirmer son indépendance économique réelle. Ils argumentent que la Côte d'Ivoire, représentant à elle seule environ 40% du PIB. de l'UEMOA est capable de battre sa monnaie. Ils prennent pour exemple le Ghana et le Nigéria qui pilotent eux-mêmes leur monnaie locale. Ils se basent également sur les cas du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, d'anciens membres de la zone Franc pendant l'époque coloniale, mais qui ont décidé de s'approprier leur souveraineté monétaire dès leur indépendance, en battant leur propre monnaie.
Leurs contradicteurs trouvent qu'il serait vraiment hasardeux pour la Côte d'Ivoire de sortir précipitamment du Franc CFA. Ils évoquent le cas du Mali, qui s'y est déjà essayé et après s'être cassé la figure est finalement revenu à la maison CFA. Ils n'oublient pas de faire référence à la Guinée de Sékou Touré qui a une monnaie totalement dévalorisée et croupit sous le poids d'une inflation galopante. Le Zaïre et le Zimbabwe sont aussi cités comme mauvais gestionnaire de monnaie, alors qu'ils espéraient avoir également leur souveraineté monétaire en battant leur propre monnaie. Et l'un des arguments de taille qui est brandi par les vendeurs de cette monnaie ivoirienne est qu'une monnaie repose sur une économie forte. Une monnaie prend de la valeur quand son pays émetteur se porte bien économiquement. On se souvient de la chute drastique de l'Euro, lorsque la crise grecque s'est déclenchée. On remarquera aussi que dès que des chiffres macroéconomiques importants aux USA sont publiés et qu'ils sont mauvais [exemple la croissance du taux de chômage), cela entraîne immédiatement une dévalorisation du dollar USD. Alors, la Côte d'Ivoire étant un pays en crise politico militaire et divisée actuellement, peut-elle se permettre, en de telles circonstances, battre sa monnaie? Ne devrait-elle pas plutôt privilégier un rééquilibrage de ses ressources financières dans un premier temps ?

Monnaie ivoirienne:
que veulent les Ivoiriens?
L'idée d'une monnaie ivoirienne fait-elle l'unanimité entre les Ivoiriens ? L'observation au quotidien de la vie économique de cette nation nous permet de constater qu'il y a d'autres aspects que beaucoup de personnes ignorent et qu'il convient d'extérioriser ici afin d'enrichir la réflexion autour de la question de la monnaie ivoirienne.
La création d'une monnaie est tout un processus et une monnaie ne se crée pas en 2 ou 4 mois. Le processus passe absolument par la mise en place d'un comité d'experts qui réfléchira en profondeur sur cette question ultrasensible et sortira un projet provisoire qui comportera l'établissement de critères de convergence sur lesquels reposera la mise en œuvre de cette monnaie. De ce côté, l'un des acteurs de la crise qui a cours en ce moment, a déclaré que des experts étaient à la tâche et réfléchissent sur la question. Ensuite, un moment d'observation sera décrété pour la correction des agrégats macroéconomiques de la zone monétaire ciblée (afin qu'ils coïncident avec les critères de convergence contenus dans le projet. Lorsque cela est fait, l'on installera et équipera les institutions banques centrales et agences de représentation) qui seront chargées de la distribution de cette monnaie. Puis viendra le moment du test sur le marché monétaire et qui sera suivi en cas de succès par le lancement effectif de la monnaie.
Ce long processus peut facilement prendre une quinzaine d'années, selon certains spécialistes. On se souvient que l'Euro a commencé d'abord avec l'ECU pendant de nombreuses années. L'on remarque aussi le projet de création" d'une Monnaie Unique Ouest Africaine qui émane de la volonté des chefs d'Etat de la CEDEAO depuis 1983 et qui n'a jamais vu le jour à cause des multiples réajustements dont il fait chaque fois "objet. Alors, les Ivoiriens pourront-ils, en 1, 2. 3 ou 4 mois, créer leur propre monnaie, là où leurs prédécesseurs ont passé de nombreuses années? Cette thèse est peu défendable. Mais il ne faut pas confondre la création d'une monnaie nationale, couvrant un seul pays dont les agrégats économiques sont connus en permanence et la création d'une monnaie unique couvrant plusieurs pays pour lesquels il faille définir des critères de convergence, obtenir les accords de chaque pays, harmoniser les politiques économiques et sensibiliser dans chaque pays. En clair, ce sont deux projets différents. Quant au parallèle avec les monnaies malienne. guinéenne ou zimbabwéenne qui n'ont pas connu le succès escompté, il faut rappeler que c'est une question de gestion. Tous les projets mal gérés se portent mal et la monnaie ne fait pas exception. Si on regarde la valse actuelle de l'euro, on peut même dire que même les grandes monnaies connaissent régulièrement des secousses.
D'autres interrogations subsistent pour lesquelles des débuts de réponses existent heureusement Quelle est l'institution qui fera office de banque centrale de la monnaie ivoirienne? Que deviendront les agences de la BCEAO et l'antenne BCEAO de la Côte d'Ivoire? Cette question se répond d'elle-même. Dans chacun des pays de l'Uemoa, existe une agence centrale de la Bceao et plusieurs agences dans les grandes villes. Ce dispositif peut servir de banque centrale en ce qui concerne la Côte d'Ivoire. D'où viendra le personnel? Toutes les nationalités existent à la Bceao à Dakar et il suffira de rappeler les Ivoiriens les plus performants et partant pour ce projet, ainsi que les opérationnels de l'agence nationale de la Bceao.
Restent néanmoins quelques questions sans réponses. A combien pourrait être évaluée la mise en route de ce projet? Le budget de la Côte d'Ivoire a-t-il prévu le financement d'une telle initiative et quelles peuvent en être les sources? Quel système d'arrimage allons-nous choisir pour la convertibilité de cette monnaie? Qu'en sera-t-il des autres projets, par exemple ceux relatifs à la Monnaie unique ouest africaine
et la Monnaie unique africaine pour lesquelles la Côte d'Ivoire avait déjà marqué son adhésion totale?
La spéculation intellectuelle sur ce sujet ne fait que commencer. Et à notre humble avis, si cette décision capitale est adoptée par le gouvernement, elle devra être soumise au parlement de Côte d'Ivoire puis présentée au peuple par voie référendaire pour validation ou suppression, avant une quelconque application. Ainsi toute la nation décidera librement et en connaissance de cause afin d'assumer collectivement le succès ou l'échec de cette monnaie. Alors, en l'état actuel des choses, est-il possible d'organiser un referendum sur la monnaie ivoirienne, alors que le pays est sous le poids d'un dysfonctionnement sans précédent ? Sauf si, pour cas de force majeure, on en fait une mesure d'urgence.
L'avenir proche nous situera sur ce projet tant médiatisé depuis quelques jours, et chacun saura s'il s'agit tout juste d'un bluff, ou d'un véritable .projet goupillé par nos autorités gouvernementales actuelles.
LOH DAMAS
In “La Tribune de l’Economie”
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ