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Politique Publié le samedi 15 janvier 2011 | Le Patriote

Interview / BF (Un des fournisseurs du Golf, arrêtés par des FDS pro-Gbagbo) témoigne: “Nous sommes en vie grâce à la gendarmerie”

En partance pour l'hôtel du Golf, dans le cadre des commandes qu'ils devaient honorer, des fournisseurs convoyés par des éléments de l'ONUCI, ont été arrêtés par des FDS pro-Gbagbo. Leurs marchandises ont été confisquées et ils ont été transférés dans une brigade de gendarmerie. Ces opérateurs économiques qui n'exerçaient simplement que leur activité, n'ont eu leur salut que grâce à des gendarmes qui, malgré les risques que cela comporte, continuent de faire leur travail. Dans cet entretien, BF, un des fournisseurs, sous le couvert de l'anonymat, rencontre le calvaire vécu.

Le Patriote : Que s'est-il exactement passé ce jour du lundi 10 janvier ?

B F : Je voudrais, d'abord, préciser que nous sommes des fournisseurs habituels de l'hôtel du Golf. Mais, depuis un bon moment, nous ne livrons pas le Golf pour des raisons de sécurité. Mais soucieux de toujours gagner notre pitance, nous avons tenu à faire notre travail. C'est ainsi que ayant reçu des commandes, nous avons essayé de voir les dispositions à prendre. Les responsables du Golf ont demandé de nous rendre à Sébroko, à la base de l'ONUCI et qu'ils allaient voir comment convoyer les vivres. Nous avons donc fait le plein des quatre véhicules et nous nous sommes rendus à Sébroko aux environs de 11h. Nous avons rempli les formalités. L'ONUCI nous a fait convoyer par des éléments du bataillon bangladeshi. Lorsque nous sommes arrivés à leur camp au niveau du lycée américain de la Riviera 3, nous avons été interrogés.

LP : Qui vous a interrogés ?

BF : Ce sont les éléments de l'ONUCI. Ils ont voulu se rassurer qu'il n'y avait pas autres choses dans les voitures que des vivres. Ils ont cherché à savoir s'il n'y avait pas des munitions et des armes dans les voitures. Nous leur avons répondu que nous étions des fournisseurs et que notre intention n'était pas de convoyer des armes, mais de livrer nos vivres.

LP : Vous étiez au nombre de combien?

BF : Nous étions quatre grands fournisseurs. Mais puisque nous avions loué des véhicules, si nous ajoutons les chauffeurs et les apprentis, nous étions au nombre de 14 personnes. Nous sommes donc partis du camp du lycée américain pour nous rendre au Golf, aux environs de 14 h.

Nous sommes revenus passer au niveau de la Riviera 2. Nous sommes passés devant le cash center. Et non loin de l'ambassade américaine, des éléments des FDS sont sortis des herbes. Ils étaient au nombre de quatre ou cinq. Il y avait un capitaine parmi eux. Ils ont demandé de nous arrêter. Le premier véhicule de l'ONUCI a garé et tous les autres se sont arrêtés. Ils nous ont dit ''ah bon, c'est vous qui ravitaillez le Golf ! Cela fait un bon moment qu'on vous cherchait. Nous nous battons contre les rebelles et c'est vous qui les ravitaillez », se sont-ils énervés. Nous avons répondu que nous ne ravitaillons pas les rebelles, mais le Golf avec qui nous travaillons depuis longtemps. Ils ne nous ont pas laissé continuer. Ils nous ont dit qu'heureusement ils ont déchargé les véhicules et qu'il n'y avait pas d'armes, si non ils allaient nous abattre sur-le-champ. Mais, que de toutes les manières notre châtiment sera exemplaire, car nous ravitaillons des gens contre qui ils se battent.

LP : Et que s'est-il passé?

BF : Ils nous ont mis de côté et ont commencé à détruire nos marchandises. Ils nous ont fait embarquer par un autre détachement du CeCOS.

LP : Pendant ce temps, que faisaient les éléments de l'ONUCI ?

BF : Le commandant qui était le chef de convoi est venu leur demander si on pouvait continuer notre chemin, puisqu'ils n'avaient rien trouvé dans les véhicules. Le capitaine a répondu non, en ajoutant que notre parcours s'arrêtait ici (NDRL, avant l'ambassade américaine). Il a ajouté que sa mission était de nous empêcher de nous rendre au Golf. Il a dit que nous avons été signalés et que selon les sources, on transportait des munitions et des armes, donc qu'il n'était pas question que nous allions au Golf. Pendant ce temps, un autre 4x4 est arrivé, le chauffeur portait un treillis, mais les autres étaient habillés en civil, ils discutaient en bété avec le capitaine qu'ils appelaient Zadi. Il est du BCP (bataillon de commandement parachutiste d'Akouédo). Nous ne comprenions pas ce qu'ils se disaient. Ils n'ont pas laissé le commandant de l'ONUCI continuer et ils nous ont embarqués et ont commencé à nous brimer, en proférant des menaces. En ce moment-là, nous avions eu peur.

LP : Après vous avoir embarqués, où vous ont-ils emmenés ?

BF : Ils ont d'abord appelé la RTI. Mais avant que la télé n'arrive, ils nous ont fait escorter par le véhicule 52 du CeCOS. Dans le 4X4, un élément nous disait que nous étions foutus, car nous ravitaillons des rebelles. Et que nous étions de mèche avec les rebelles. Ils nous ont dépouillés de nos portables. Ils sont allés nous déposer à la brigade de gendarmerie qui se trouve dans le bas-fond.

LP : Qu'ont-ils dit aux gendarmes?

BF : A notre arrivée, les gendarmes étaient en réunion. Les militaires nous ont intimé l'ordre de ne rien dire aux gendarmes, qu'ils étaient les seuls à parler. Ils nous ont dit que les gendarmes allaient nous garder et que la nuit, ils allaient revenir nous chercher. Lorsque les gendarmes ont fini leur réunion, ils leur ont dit qu'ils étaient venus de la part du capitaine Zadi. Que nous sommes les fournisseurs du Golf, et qu'ils nous avaient appréhendés avec des vivres en partance pour le Golf. Ils ont demandé aux gendarmes de nous mettre en boîte sans nous interroger. Les gendarmes n'ont pas accepté. Ils ont répondu qu'ils leur ont toujours dit qu'ils ne travaillaient pas de cette manière. Qu'ils ne pouvaient pas garder des gens sans les interroger. Les gendarmes ont exigé de nous entendre d'abord. Une discussion a éclaté entre les deux camps. Ils se sont lancés des menaces. Les gendarmes nous ont dit de nous asseoir. Les gendarmes ont estimé qu'ils devraient nous relâcher puisqu'ils n'ont pas eu ce qu'ils cherchaient. Et que dans le pire des cas, ils devraient nous emmener avec nos véhicules et les vivres. Mais qu'ils ne pouvaient pas laisser les véhicules et les vivres et nous envoyer seuls. Les éléments du CeCOS et du capitaine Zadi étaient fâchés. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas comprendre qu'ils amènent des gens et que les gendarmes refusent de les garder. De leur côté, les gendarmes ont répondu qu'ils suivaient la loi.

Ils sont partis tout énervés. Dans le groupe, quelqu'un a signalé aux gendarmes que ses collègues avaient pris nos portables. Les gendarmes les ont menacés et ils ont remis nos portables. Ils ont voulu retourner avec nous. Les gendarmes ont refusé.

LP : Après leur départ, les gendarmes vous ont donc libérés ?

BF : Non ! Ils nous ont auditionnés. Nous avons redit la même chose. A savoir qu'on partait livrer les commandes du Golf. On a expliqué qu'il n'y avait aucune loi qui interdisait la fourniture du Golf et que notre intention était de nous faire des sous. Les gendarmes ont convenu que cela ne constituait pas un délit. Ils ne nous ont pas enfermés, mais ils nous ont demandé de nous asseoir.

Ils ont été très courtois envers nous. Après avoir filmé les marchandises, les journalistes de la RTI sont arrivés à la brigade pour nous filmer, les gendarmes ont refusé. Ils ont expliqué qu'ils ne faisaient pas d'interview à la brigade. Ils sont partis et sont revenus, les gendarmes ont toujours refusé. Peut-être que cela nous a sauvés aussi. La nuit, les éléments du capitaine Zadi sont revenus nous chercher. Nous nous sommes cachés.

LP : A la brigade de gendarmerie?

BF : Oui ! Ce sont les gendarmes qui nous ont cachés, ils nous ont sécurisés. Ils ont été très gentils avec nous. Ils n'ont pas voulu nous livrer. Ils ont dit qu'ils nous avaient déjà déférés. Les deux camps ont discuté longuement. Les militaires sont repartis. Nous avons donc passé la nuit à la brigade. Le matin, nous avons demandé à partir. Mais personne ne se décidait à nous libérer, car l'affaire devenait politique. Mais le soir, certains gendarmes dont je préfère taire le nom, ont pris l'engagement sur eux de nous libérer.

LP : Vous ont-ils accompagnés ?

BF : Non, ils nous ont juste libérés de la brigade, en nous demandant de faire attention. Ils nous ont même indiqué que s'ils nous avaient libérés la nuit, on allait être arrêtés et que cela allait leur causer des problèmes, car des collègues pouvaient les dénoncer.

LP : Vous avez perdu vos marchandises. A combien pouvez-vous évaluer le coût ? Le Golf a-t-il pris l'engagement de vous payer ?

BF : Pour les quatre grands fournisseurs, le coût varie entre 14 et 15 millions FCFA. En ce qui me concerne, le prix de mes marchandises s'élevait à 9 millions FCFA. Je vais rencontrer les autres fournisseurs pour voir comment nous allons faire, car c'est vrai que nous allions livrer le Golf, mais nous ne sommes pas arrivés à destination. Nous avons été arrêtés, nous avons de la chance, sinon, nous serions déjà morts. Mais selon mes collègues, le Golf a promis de nous rembourser, mais je ne sais pas trop.

LP : Depuis votre libération, avez-vous reçu des menaces ?

BF : Une fois, j'ai reçu un appel sur mon téléphone portable. La personne voulait savoir, où j'étais.

J'ai cherché à savoir qui c'était, elle m'a répondu que ce n'était pas important. J'ai coupé la communication et mes proches m'ont conseillé d'éteindre carrément mon portable. Mais, il faut dire que je vis dans la peur, puisqu'ils ont dit aux gendarmes qu'ils finiront par nous avoir. ( ….) Je voulais qu'on comprenne que, certes, nous sommes dans une période de crise, mais les gens doivent manger. Et les gens ne peuvent avoir de l'argent pour se nourrir que s'ils exercent des activités. Donc si nous ne faisons pas attention, nous allons faire du mal à beaucoup d'innocents.

Notre chance a été les gendarmes, sans eux, je ne serais pas encore en vie. Nous avons vécu une journée de calvaire. Mais les gendarmes nous ont fait l'engagement que nous n'allons pas mourir et ils ont tenu parole. Je leur dis vraiment merci. Je souhaite que toue cette situation prenne fin afin que nous puissions exercer tranquillement notre activité.

Réalisée par Dao Maïmouna
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