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Politique Publié le mercredi 26 janvier 2011 | Le Patriote

CÔTE D’IVOIRE / Election Présidentielle/ l’UE catégorique : “Le Conseil constitutionnel a violé la loi”

Deux mois après la présidentielle du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire, la Mission d’Observation Electorale de l’Union Européenne (MOEUE) a rendu public son rapport final. Constatant le bon déroulement du processus électoral, les 120 observateurs de l’UE sont formels : «l’élection d’Alassane Ouattara est crédible et ne souffre d’aucune irrégularité». Mieux, la MOEUE exclut tout recomptage des voix. Dans cette édition, nous publions le résumé de ce rapport.

RESUME

1. Sur invitation du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire et de la Commission électorale indépendante (CEI), l’Union européenne a mis en place une Mission d’Observation Electorale (MOEUE) pour les deux tours des élections présidentielles du 31 octobre et du 28 novembre 2010. Elle était dirigée par le Chef Observateur (CO) Cristian PREDA, Membre du Parlement européen. Le CO a effectué des visites en Côte d’Ivoire du 13 au 16 octobre, du 25v octobre au 3 novembre, puis du 26 au 30 novembre 2010. La mission a formellement lancé ses activités, lors d’une conférence de presse le 15 octobre. 120 observateurs, ressortissants de 23 des 27 Etats membres de l’Union européenne (UE), de la Suisse et de la Norvège ont été déployés dans le pays dans le but d’évaluer le processus électoral au regard des normes internationales et régionales qualifiant les élections démocratiques ainsi que des lois de la République de Côte d’Ivoire. La MOE UE est indépendante dans ses conclusions et adhère à la Déclaration de principes pour l’observation internationale des élections commémorée aux Nations Unies en octobre 2005.

2. Les élections présidentielles des 31 octobre et 28 novembre 2010 étaient l’aboutissement d’un long, complexe et coûteux processus de sortie de crise, initié en 2007 par la signature de l’Accord Politique de Ouagadougou. L’organisation très attendue de ces élections répondait aussi aux conditions énumérées dans des Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies. A travers ces élections, l’enjeu essentiel consistait à mettre un point final à une période de onze années de crise politique intense et de normaliser les relations perturbées que la Côte d’Ivoire entretient avec la Communauté internationale.

3. Le cadre juridique ivoirien contient des mesures de protection des droits civils et politiques essentiels pour la conduite des élections démocratiques, dont la liberté d’expression et d’association, ainsi que le droit de suffrage universel. Toutefois, la Constitution ivoirienne crée un déséquilibre des pouvoirs au profit de l’Exécutif, en dépit de la volonté de séparation et d’équilibre des pouvoirs exprimée dans son préambule. Le Code électoral a été aligné sur les normes internationales par des mesures d’urgence qui deviendront caduques à l’issue de ce cycle électoral. Ce dernier inclut des élections législatives et locales. Une consolidation du Code semble indispensable afin de garantir aux électeurs un recours effectif.

4. Ni la Commission Electorale Indépendante (CEI) ni l’Exécutif ne publient systématiquement leurs décrets, arrêtés et circulaires, introduisant une incertitude sur les modalités régissant les élections, et donc limitant les possibilités de recours. Le Journal Officiel n’est pas encore disponible en ligne.

5. Le financement public des campagnes électorales est prévu par la loi mais cela n’a pas été mis en œuvre en pratique. Le mode de répartition des fonds ainsi que le pouvoir de sanction reviennent à l’Exécutif, qui, candidat aux élections, devient juge et partie. L’absence d’obligation de publication des comptes de campagnes rend impossible l’identification d’éventuelles donations interdites et permet aussi aux candidats d’utiliser certains fonds publics qui échappent au contrôle parlementaire ou judiciaire

6. Pour le premier tour de l’élection présidentielle, 14 candidatures ont été retenues par le Conseil constitutionnel, dont celle d’une femme. Huit de ces candidats représentent des partis et six d’entre eux sont indépendants. En dépit du caractère apparemment varié de ces candidatures, les trois partis « poids lourds » historiques (le FPI, le PDCI et le RDR) continuent de dominer l’espace politique ivoirien, étant les seuls à disposer de moyens financiers conséquents et d’une réelle capacité de mobilisation.

7. La campagne du premier tour s’est généralement déroulée dans le calme. N’ont été constatées que quelques altérations d’affiches électorales et des accrochages isolés et mineurs entre militants. Des moyens très importants ont été mobilisés par les trois « grands » candidats, ce qui a affecté la visibilité des autres candidats aux moyens hors de proportion. Les stratégies de campagne ont été très variées, quoique rarement axées sur des programmes politiques structurés.
Le premier tour a vu la victoire des candidats Laurent Gbagbo (LMP) et Alassane Ouattara (RDR). Le candidat Bédié, qui a fait une campagne plus en retrait, a tenté vainement de contester le résultat.

8. L’entre-deux tours a été marqué par une reconfiguration profonde du paysage politique et en particulier par un renforcement de la cohésion du bloc de l’opposition, dont le PDCI d’Henri Konan Bédié. L’électorat traditionnel du PDCI s’est donc retrouvé en position de « faiseur de roi », les consignes de vote du Président du PDCI devenant déterminantes. La campagne du second tour a pris un ton violent, absent du premier tour, du fait principalement du camp présidentiel. Elle a été marquée par une radicalisation des positions et un durcissement très notable des échanges, causant des violences et des intimidations de la part des militants.

9. Malgré la libéralisation de la presse en 2004 et l’existence d’organes de régulation garantissant sa liberté, la Côte d’Ivoire reste mal classée par les organisations de protection de la liberté de la presse. L’instrumentalisation des journalistes par la classe politique est généralisée. Les instances de régulation, le CNCA et le CNP, ont mis en place des dispositions garantissant un accès équitable des candidats aux médias de la presse écrite et audiovisuelle du service public.
Au premier comme au second tour, la visibilité des candidats dans les médias du service public (TV et radio) a été fortement déséquilibrée en faveur du candidat de La Majorité Présidentielle (LMP). Après l’annonce des résultats provisoires, les médias audiovisuels du service public ont continué à manifester un grand appui au pouvoir en place et ont manipulé l’information. Les journaux télévisés de la RTI ont été l’objet de manipulations et de désinformation. La presse écrite s’est révélée très partisane lors du premier tour. Les organes de régulation, à l’exception du CNP, ont été dans l’incapacité de formuler une réponse adéquate aux dérives constatées lors de la campagne du second tour.

10. La Côte d’Ivoire connaît une migration interne du centre vers le centre ouest et l’ouest du pays. Le droit coutumier du foncier rural interdit la vente de terrain, excluant les migrants allochtones de la propriété du sol, les exposant à la précarité. Entre les deux tours, cette population a fait l’objet de violences et d’intimidations graves, y compris d’empêchement de vote dans la région d’origine du Président sortant. Ce niveau de violence a contraint la MOE UE à retirer seize observateurs de cette région pendant des opérations de dépouillement ou d’agrégation.

11. La Commission Electorale Indépendante, la CEI, est composée des représentants des dix partis politiques signataires de l’Accord de Linas-Marcoussis et des institutions de l’Etat. Elle a fonctionné de façon très centralisée en concentrant l’information dans ses mains et avec un manque patent de communication. Ceci a eu pour corollaire que les fonctionnaires locaux n’ont pas maîtrisé le processus électoral de façon adéquate. La MOE UE regrette la faible collaboration de la CEI. En dépit de courriers et communiqués de presse, la MOE UE a été empêchée d’observer des étapes électorales telles que la consolidation des résultats à plusieurs niveaux lors du premier tour, l’impression des documents électoraux ou la formations des formateurs des membres des bureaux de vote (MBV).

12. La MOE UE regrette que, en dépit de ses recommandations, la CEI n’ait pas affiché les résultats des deux tours aux bureaux de vote (BV) ni publié les résultats par BV, ce qui a nui à la transparence du scrutin et n’a pas permis aux électeurs ivoiriens de tracer les résultats de leur bureau de vote jusqu’au résultat final. Il s’agit de bonnes pratiques reconnues au niveau international qui assurent la transparence du processus et contribuent à la confiance de l’électeur.
Toutefois il convient de noter que le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, le Facilitateur et les Représentants des candidats ont eu accès aux procès verbaux des bureaux de vote et ont pu ainsi « tracer » les résultats annoncés par la CEI.

13. L’ensemble de la logistique électorale et son financement ont reposé principalement sur les organisations internationales. L’ONUCI et l’UNOPS étaient chargées de la construction d’abris pour le 3600 BV en plein air, du transport du matériel électoral, de la livraison des cartes d’électeurs et des cartes nationales d’identité.

14. La MOE UE félicite le peuple ivoirien pour ses convictions démocratiques et son comportement calme lors des deux tours du scrutin. Le fort taux de participation aux deux tours (84% et 81% environ) doit être salué comme exemplaire.

15. Le long et complexe processus d’enregistrement des électeurs, démarré en 2007, a suivi plusieurs étapes et s’est conclu par la publication d’une liste électorale définitive de 5 725 720 électeurs en 2009. Cette liste est le résultat d’un accord politique entre les trois poids lourds de la politique ivoirienne et a été validée par le Représentant Spécial du Secrétaire Général (RSSG) des Nations unies en Côte d’Ivoire.

16. La société civile, représentant des candidats (surtout les trois « poids lourds ») et observateurs nationaux, a été très impliquée dans le processus électoral et a beaucoup contribué à la transparence. Les représentants des candidats ont eu droit à une copie du PV et ont pu jouer un rôle très important de contrôle de chacune des étapes du processus. Un large panel de structures civiques a assuré une présence substantielle d’observateurs nationaux, notamment grâce aux deux principales, la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), et la Coalition de la Société Civile pour le Paix en Côte d’Ivoire (COSOPCI), avec 2300 observateurs sur tout le territoire. De nombreux observateurs internationaux étaient présents, dont des missions de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), du Carter Center, de l’Union Africaine (UA), des représentants des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), de l’Union européenne et des Ambassades du Japon et des Etats-Unis.

17. Les deux scrutins, évalués positivement dans leur ensemble, se sont déroulés dans le calme et la discipline. L’affluence a été très importante, surtout au premier tour. Pendant les opérations de vote, la MOE UE a constaté plusieurs irrégularités qui, toutefois, n’ont affecté ni le bon déroulement des scrutins, ni la détermination des résultats.

18. Les résultats ont été consolidés aux différents niveaux des CEL et à la CEI centrale. Pour le premier tour, en absence d’un mode opératoire, les opérations ont été gérées dans la confusion et dans la désorganisation. Néanmoins, bien que les opérations de consolidation du second tour aient été mieux organisées, le couvre-feu a causé des retards dans l’annonce des résultats. Le second tour du scrutin a vu la victoire du candidat Ouattara. Ce résultat n’a pas été accepté par le président sortant qui a déposé une plainte à un Conseil constitutionnel nommé par lui et acquis à sa cause. Le Conseil a immédiatement donné satisfaction à Laurent Gbagbo en invalidant les résultats dans sept départements de la partie nord du pays, où la MOE UE n’avait pas relevé d’irrégularités majeures susceptibles de remettre en cause les résultats annoncés par la CEI.

19. Le camp de Laurent Gbagbo a adopté une stratégie par étapes consistant d'abord à susciter un climat de tension pendant la campagne du second tour, déstabilisant l’environnement électoral et créant des tensions alimentées par certains médias publics. Cela a justifié, en retour, la décision présidentielle d’instaurer un couvre-feu la veille du second tour. Ce couvre-feu a fragilisé encore plus le processus et a généré des violences motivant ainsi l’usage de mesures arbitraires accroissant le climat de peur et d’instabilité et permettant, ensuite, au Président sortant d’invoquer une fraude de son adversaire et de justifier l’annulation de certains résultats aux élections par le Conseil constitutionnel.

20. Cette décision du Conseil constitutionnel est hautement contestable à quatre niveaux. Elle viole la loi qui fixe l'organisation et le fonctionnement du Conseil par l’absence du décret nécessaire à la nomination des rapporteurs ; le Conseil excède ses pouvoirs en annulant des résultats, partiellement et de façon discriminatoire, en visant une région sans programmer une nouvelle élection présidentielle ; il entérine, de façon sommaire, les faits allégués par le requérant sans procéder à une enquête et sans écouter les parties; la réparation ordonnée, c'est-à-dire le changement complet des résultats, est disproportionnée et constitue une violation du droit de suffrage.

21. Deux résolutions des Nations Unies ont doté le Représentant Spécial du Secrétaire Général (RSSG) du pouvoir de certifier chacune des étapes majeures du processus électoral une compétence qui a abouti à la confirmation par les NU de l’élection d’Alassane Ouattara à la présidence de la République de Côte d’Ivoire.

22. Les recommandations détaillées de la MOE UE sont formulées à la fin de ce rapport. Elles s’adressent aux autorités légitimes de Côte d’Ivoire, particulièrement dans la perspective de futures élections. La MOEU UE attire l’attention sur les plus essentielles, à savoir :

i. L’administration électorale devrait assurer que les résultats désagrégés par bureau de vote soient traçables, et mis à disposition des citoyens notamment sur Internet, de sorte qu’ils puissent vérifier la bonne prise en compte des résultats de leurs BV dans les résultats finaux.

ii. L’administration électorale devrait fonctionner de manière plus transparente, décentralisée et collégiale.

iii. L’éligibilité des électeurs exclus de ce scrutin devrait faire l’objet d’une considération immédiate, en leur assurant une voie de recours effective

iv. Tous les instruments légaux pertinents en matière électorale, devraient être systématiquement publiés au Journal Officiel et sur Internet dès leur adoption.

v. Le double système institutionnel CEI et Conseil constitutionnel devrait être réformé pour assurer une plus grande indépendance.


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