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Politique Publié le vendredi 28 janvier 2011 | Soir Info

Sommet de l’Union africaine : Gbagbo court de gros risques

Si l’on admet que les « absents ont toujours tort », le fait pour Laurent Gbagbo, déclaré « président par le Conseil Constitutionnel » à la suite de la présidentielle du 28 novembre 2010, de ne pas être présent, physiquement, à Addis-Abeba, dans le cadre du 16 ème sommet de l’Union africaine des 30 et 31 janvier prochain, peut lui être préjudiciable… Il aurait été, tactiquement et stratégiquement bon, dans ce sommet où se joue son départ ou son maintien à la présidence de la République, qu’il soit là pour faire entendre sa voix et défendre, en personne sa position. D’autant qu’on note, aujourd’hui, des sons discordants, au niveau de l’Ua, notamment, en ce qui concerne les différentes approches proposées, en vue de la résolution définitive de cette crise. Selon des observateurs, Laurent Gbagbo marque des points avant le prochain sommet. Certains chefs d'Etat, comme le présidents Malawite, Bingu
wa Mutharika, président en exercice de l’Ua, sont favorables à un débat ouvert autour de la crise ivoirienne à ce sommet. Il a promis, dans cette optique, de présenter les "propositions" de son "frère et ami" Laurent Gbagbo, lors de ce sommet, pour résoudre la crise. Pour sa part, le médiateur de l'UA, le Premier ministre kényan Raila Odinga, après l'échec de sa dernière mission le 19 janvier, qui avait, au départ, suggéré l'emploi de la « force légitime » si Laurent Gbagbo s'entêtait, a ravalé sa langue pour soutenir maintenant l'idée d'un recomptage des voix, proposé par Gbagbo. Une idée, qui, dit-on, fait son chemin dans l'esprit de certains dirigeants africains. Les lignes sont donc en train de bouger et ce sommet pouvait être une perche de choix pour Gbagbo pour faire un grand bond…Deux approches pourraient être débattues à ce sommet, selon un diplomate proche de la Cedeao à Abidjan. « L’organisation
d’élections partielles dans les 7 départements où le conseil constitutionnel avait annulé les voix, au mépris de l’article 64 du code électoral, telle que proposée par Thabo Mbéki et le recomptage des voix ». La Cedeao et l’Ua devraient, toujours selon cette source, s’accorder sur « une position irrévocable » qui devrait être mise en œuvre pour sortir de l’impasse. Il aurait fallu donc que Gbagbo soit là, pour plaider en faveur du recomptage des voix, une option à laquelle, lui et son camp, s’accrochent de façon mordante. Mais, il a choisi d’envoyer un émissaire, au prétoire, face à des vieux briscards de la politique, tels Abdoulaye Wade, Blaise Compaoré, Denis Sassou N’guesso, Enest B. Koroma, Colonel Mouammar Kadhafi et autres Goodluk Jonathan, Bony Yayi… Alcide Djédjé, son ministre des Affaires étrangères, qui, selon certaines sources pourrait le représenter, est, certes un diplomate chevronné et
assez représentatif. Mais il reste, avant tout, un envoyé qui n’aura pas assez de marge de manœuvre et dont les arguments n’auront pas le même poids et la même charge que celle de Gbagbo. Mais, à y voir de près, le risque pour Gbagbo est trois fois grand de voyager que de rester en place à Abidjan. S’il s’abstient de voyager, il y a chez lui, une conviction de ce qu’un piège peut l’attendre à Addis-Abeba, lui qui est sous la menace d’une intervention militaire de la Cedeao pour le déloger. En clair, alors que la communauté internationale ne lui reconnaît aucune légitimité, l’invitation de l’Ua à ce sommet peut masquer un complot contre lui, soutient un observateur à Abidjan. Il y a aussi et surtout que la flotte présidentielle, c'est-à-dire les avions ont été bloqués en France, à la demande de Ouattara. Une conjoncture qui pourrait le placer à la merci de ceux qui veulent sa peau. En tout cas, le syndrome
Jean-Bedel Bokassa et Foday Sanko du Ruf ( révolutionary united front) sont des réalités irrécusables qui peuvent attester, pleinement, la probabilité d’un coup fourré contre lui, s’il se rendait à ce sommet. De fait, dans la nuit du 20 septembre 1979, alors que Bokassa Ier se trouvait en Libye dans l'optique d'un rapprochement avec le colonel Kadhafi, la France lançait « l'Opération Barracuda ». Un commando neutralisait l'aéroport de Bangui. David Dacko, l’ancien président qui lui disputait le pouvoir, annonçait alors la chute de l'Empereur centrafricain. Le caporal Foday Sankoh, lui, invité au Nigeria le 8 mars 1997 en vue de la résolution du conflit en Sierra-Leone, a été arrêté « pour détention d’arme à feu ». Le 24 février 1966, alors qu'il est en voyage en Chine, Kwamé Nkrumah, l’Osagyefo ( le Rédempteur), père de l’indépendance du Ghana et panafricaniste convaincu, est renversé, sans aucune
résistance, [] par un coup d’État militaire. Il se réfugie alors en Guinée, chez son ami Sékou Touré. On le voit, entre deux maux, Laurent Gbagbo a choisi le moindre mal en restant sur ses bases à Abidjan. Mais, à Addis-Abeba, où seront présents, notamment, Y. J. Choi et Nicolas Sarkozy ( invités spéciaux ), son sort peut être scellé, par « contumace »…

Armand B. DEPEYLA
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