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Politique Publié le vendredi 4 février 2011 | Le Patriote

Interview/Adjoumani Kobenan (Député de Tanda) à propos de la crise ivoirienne - “La solution est entre les mains des Ivoiriens”

Le dernier sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine a décidé d’envoyer un Groupe de cinq chefs d’Etats pour trouver une issue pacifique à la crise postélectorale que connaît la Côte d’Ivoire. Dans cette interview, le ministre Adjoumani Kobena parle de cette nouvelle médiation et de ses chances de réussite. Il ne manque pas, également, de commenter tout ce qui s’est passé à Agnibilékrou, Bondoukou et appelle les Ivoiriens à se réveiller pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir.

Le Patriote : M. le ministre, le 16e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine s’est déroulé du 30 au 31 janvier dernier. A l’issue de ce sommet, il a été décidé d’envoyer un Groupe de cinq chefs d’Etat pour raisonner Laurent Gbagbo et dans un délai d’un mois. Quelle appréciation faites-vous de cette décision?

Adjoumani Kobena : Cette initiative des chefs d’Etat de l’Union africaine permettra aux uns et aux autres de savoir qui est réellement Laurent Gbagbo. Nous, nous connaissons Laurent Gbagbo pour l’avoir expérimenté depuis plus de 20 ans. Quand les gens sont devant Gbagbo, ils pensent avoir affaire à une personne innocente. Mais au fur et à mesure qu’ils le fréquentent, ils réalisent vraiment qui est Laurent Gbagbo. C’est ce qui s’est passé au début du mois de janvier au cours de la médiation des trois chefs d’Etat de la CEDEAO. Ils sont arrivés. Ils étaient de bonne foi et ils ont cru que Laurent Gbagbo était également de bonne foi. Quelle n’a pas été leur surprise de se rendre compte que Laurent Gbagbo est un roublard. Le médiateur de l’Union africaine, le Premier ministre kényan Raila Odinga, également s’est rendu compte que Laurent Gbagbo est un boulanger. Moi je souhaite que des chefs d’Etat comme Jacob Zuma viennent à Abidjan pour voir qui est vraiment Laurent Gbagbo et le danger qu’il fait courir à la Côte d’Ivoire. C’est donc une initiative heureuse. Parce qu’au cours de la réunion du Conseil de Paix et de sécurité, deux tendances se sont dégagées : une qui voulait un règlement pacifique de la crise et l’autre qui préconisait la force légitime. J’espère que les chefs d’Etat auront les mots appropriés pour faire entendre raison à Gbagbo. Dans tous les cas, nous avons attendu pendant plus de deux mois. Si les chefs d’Etat sont vraiment déterminés à trouver une issue heureuse à cette crise, un mois ce n’est rien.

LP : Qu’avez-vous à dire à vos militants qui commencent à s’impatienter ?

AK : Je les comprends. Mais qu’ils n’oublient pas que nous aussi, nous en avons assez de cette situation où chaque jour nous voyons les canons de Laurent Gbagbo pointés sur nous. Nous n’avons pas la possibilité comme eux de sortir et circuler librement. Nous sommes cloitrés dans cet hôtel. On aurait pu nous décourager, mais ce n’est pas le moment. Nous leur demandons de redoubler de patience. Pendant dix ans, nous avons subi Laurent Gbagbo. Ce n’est pas au moment où on nous demande d’attendre un mois que nous serons découragés. Un mois serait long si d’aventure Laurent Gbagbo ne partait pas. Mais le panel des chefs d’Etat qui vient, a un cahier de charge bien précis : faire entendre raison à Laurent Gbagbo et permettre au président élu de prendre fonction. Donc les Ivoiriens ont certes assez attendu. Mais qu’ils patientent un mois encore.

LP : Pensez-vous que les chefs d’Etat réussiront à faire plier Laurent Gbagbo quand on sait que Blé Goudé menace de réserver un accueil désagréable au président Compaoré et Alcide Djédjé a déclaré que tout ce qui est contraire à la Constitution sera rejeté ?

AK : J’ai écouté la dernière fois sur la Première chaine, Charles Blé Goudé en train de dire n’importe quoi. C’est dommage qu’on instrumentalise la RTI pour manipuler les Ivoiriens. On leur fait croire que quelles que soient les circonstances, Laurent Gbagbo restera au pouvoir. Mais quand à chaque fois les caciques du régime FPI se rendent compte que la vérité sera sue, ils trouvent toujours des alibis pour convaincre. Blé Goudé taxe Blaise Compaoré d’ingrat et de rebelle. Je ne sais pas en quoi est-ce que le président du Burkina Faso est un ingrat. Au contraire, c’est Gbagbo et ses sbires qui ne sont pas reconnaissants vis-à-vis de Blaise Compaoré qui a joué franc-jeu dans la crise inter ivoirienne. Au point qu’à un moment donné, nous au niveau du RHDP, on le soupçonnait d’être de connivence avec Laurent Gbagbo. Jusqu’à présent, Blaise Compaoré a joué pleinement sa partition dans le cadre de l’accord de Ouagadougou. C’est seulement au second tour où il y a eu le clash. C’est parce qu’il n’a pas voulu cautionner la mascarade du Conseil constitutionnel qu’il a pris ses distances vis-à-vis de Laurent Gbagbo. Je pense que c’est Laurent Gbagbo qui est ingrat, parce que la communauté internationale était en train de sceller son sort quand est intervenu l’accord politique de Ouagadougou. On se souvient encore des éloges qu’il avait faits à Blaise Compaoré comme si c’était un nouvel homme, aux lendemains de la signature de l’accord de Ouagadougou. Aujourd’hui, il a décidé de s’aligner sur la vérité, on dit qu’il est ingrat. Alcide Djédjé parle de la Constitution. Mais cela ne nous étonne pas, car ça été toujours leur chanson. J’ai l’impression que vous les journalistes vous ne communiquez pas trop sur ce qui s’est réellement passé lorsqu’on parle de « constitution » et de « souveraineté ». Le Conseil constitutionnel n’avait pas à changer les résultats de l’élection présidentielle. Mais à apprécier la sincérité du scrutin. Il avait à soit valider tous les résultats provisoires donnés par la CEI, soit les annuler. Et ordonner l’organisation d’un scrutin dans les 45 jours qui suivent. Nulle part, il est écrit que le Conseil constitutionnel doit annuler une partie des résultats et déclarer un autre candidat élu. J’ai l’impression que les Ivoiriens sont aujourd’hui envoûtés par Laurent Gbagbo au point de ne même plus reconnaitre la vérité. Quand Laurent Gbagbo parle de recompter les voix, il est complètement à côté de la Constitution. Puisque les décisions prises par le Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Parlons de la souveraineté. Mais la souveraineté est détenue par le peuple. Le peuple, le 28 novembre dernier, s’est prononcé en faveur d’Alassane Ouattara. Que Laurent Gbagbo et ses camarades aient un peu d’honneur pour accepter les résultats tels que sortis des urnes qui sont la véritable expression du peuple.

LP : A vous entendre, on ne vend pas cher la peau de la prochaine médiation. Au cas où elle échouerait, que préconisez-vous pour sortir de cette crise ?

AK : Moi, j’ai foi contrairement à ce que les gens disent. Laurent Gbagbo partira à l’issue de cette médiation. On est parti pour débattre de deux choses. Faut-il déloger Gbagbo par la force ou le faire partir par le dialogue ? Ceux qui l’ont soutenu au Conseil de paix et de sécurité de l’UA ont réfuté la notion de force légitime au profit de la médiation. Mais on a pris le soin de mettre dans le panel quelqu’un comme Blaise Compaoré qui a tout suivi de A à Z. Il est là en tant que sachant et non pour influencer la médiation. Dès lors que l’Union africaine a reconnu les résultats proclamés par la CEI et certifiés par l’ONU. Donc, je ne vois pas Laurent Gbagbo faire de la résistance. Parce qu’il était question d’utiliser contre lui la force légitime et l’extirper du palais. Non seulement il n’est plus question d’usage de la force contre lui, mais à une nouvelle porte lui est ouverte où il peut proposer des ministres dans le gouvernement d’Alassane Ouattara. Donc Laurent Gbagbo a eu gain de cause. Dire qu’il va partir ou pas n’est plus la question. Mais comment et quelles sont les garanties qu’on lui propose, c’est ce qui est à l’ordre du jour. Mais les militants lisent tout à l’envers, ils trouvent autre chose. Ils font croire qu’ils ont obtenu les résultats. Ils viennent pour dire autre chose.

LP : Mais si Laurent Gbagbo refuse cette ultime main tendue, que faut-il faire ?

AK : Je dis qu’il ne peut la refuser. Puisqu’il n’y a rien à refuser. Il ne veut pas qu’on le chasse par la force. On dit qu’on vient le faire partir par le dialogue. Il a salué cela. Maintenant, Laurent Gbagbo on le connait et c’est ce qui fonde votre inquiétude. Derrière son oui, il y a non et derrière son non, il y a un oui. Mais les gens n’en peuvent plus. Même au sein des FDS, beaucoup ne sont plus prêts à engager un quelconque combat pour un pouvoir moribond. Puisque le monde entier s’est insurgé contre cette posture de confiscation du pouvoir de Laurent Gbagbo. Donc, si Laurent Gbagbo s’entête, peut-être que ce ne sont pas les forces de l’Ecomog qui viendront le déloger. Mais c’est en interne que les choses risquent de se passer. Au niveau même de l’armée, une grande partie va s’insurger contre lui sans oublier les atouts dont nous disposons. S’il refuse donc de saisir cette main tendue, on est contraint d’en venir à la force légitime.

LP : M. le ministre, vous qui êtes du Zanzan, quel regard portez-vous sur les incidents qui ont eu lieu ces derniers temps à Bondoukou où il y a eu un mort et à Agnibilekrou, dans le Djuablin où un fils du Zanzan a causé la mort de trois personnes ?

AK : je voudrais avant de me prononcer, présenter une fois encore mes condoléances aux populations éplorées de Bondoukou et d’Agnibilékrou. C’est quand même regrettable qu’on en arrive là. Notre frère Secré Richard est devenu fou. Il a toujours rêvé d’être ministre. Et voilà que Laurent Gbagbo dans un gouvernement illégitime lui donne une promotion qui est galvaudée. Puisque lui-même sait qu’il n’y a pas d’issue. Quelqu’un qui n’est même pas un ministre légal dans un gouvernement légitime, voilà ce qu’il fait. Le Djuablin, jusqu’à preuve du contraire, est une partie intégrante du Zanzan, puisque nous sommes des alliés. Et notre alliance est telle qu’aucun fils du Zanzan ne doit s’attaquer à un fils du Djuablin et vice versa. D’ailleurs le roi du Djuablin appelle celui du Zanzan. Car, c’est son père dans la tradition. Même c’est un royaume autonome. Nous avions eu besoin du Djuablin à un moment donné de notre histoire au niveau des Abron. Je ne vais pas réveiller l’histoire. Nous n’avons donc pas intérêt à attenter à la vie des populations du Djuablin. Mais voilà qu’un des nôtres le fait. Moi-même j’ai fait parti une délégation de militants RHDP avec le maire de Tanda, Yao Kra Moïse et bien d’autres pour présenter nos condoléances. Nous avions pensé que notre frère indigne allait faire profile bas pour que le roi des Abron et d’autres rois s’associent pour demander pardon et présenter les condoléances. Que ne fut notre surprise de le voir hier à la télévision raconter des inepties, des mensonges faisant état qu’il n’est pas à l’origine des tueries. Dans le Djuablin. Et pourtant nous savons que lorsqu’il venait, il a fait escale à Koun-Fao qu’il a pris qu’il y a des gens qui ont barré la route à Agnibilékrou. Il aurait dû attendre le moment propice pour passer. Moi, quand j’apprends que la route est barrée, je me retourne et j’attends le moment propice pour passer. Il fait venir du renfort de Bondoukou pour l’accompagner pour lui ouvrir la route. Nous sommes informés de cela, la gendarmerie et les populations d’Agnibilékrou le savent. Et il vient à la télévision pour raconter n’importe quoi. Pour terminer, j’aimerais dire au peuple, tant qu’il ne sortira pas pour arracher sa victoire volée par Gbagbo, quel que soit le soutien de l’extérieur et les efforts du président Alassane Ouattara, nous ne pourrons pas atteindre l’objectif espéré par tous. Parce que dans cette bataille, il y a également la volonté du peuple qui doit s’affirmer. Le président Ouattara a fait sa partition. Au plan diplomatique, il a muselé Laurent Gbagbo. Au plan financier, il est en train de l’asphyxier. Au plan international, c’est lui qui est reconnu. Que voulez-vous qu’il fasse de plus ? Les Ivoiriens doivent se réveiller. Vous avez vu ce qui s’est passé en Tunisie. Vous êtes en train de voir ce qui se passe en Egypte et partout dans le monde. C’est le peuple qui s’affirme. C’est vrai qu’ici, notre peuple a peur. Parce que quand il sort, ce sont les balles qui l’accueillent. A ce sujet, j’aimerais dire ceci aux frères militaires, gendarmes et policiers qu’ils suivent ce qui se passe actuellement ailleurs, même si comparaison n’est pas raison. Qu’ils arrêtent de se compromettre pour ce régime qui est illégitime et fini. Car, tout ce qu’ils font actuellement est filmé. Quand il y aura des poursuites en ce moment là, Laurent Gbagbo leur dira : « Lorsqu’on t’envoie, il faut savoir t’envoyer ». La solution du problème de la Côte d’Ivoire, ne se trouve dans les mains de l’Union africaine encore moins dans celles des forces de l’Ecomog. Mais, dans les mains des Ivoiriens qui ont clairement exprimé leur choix qui est en train de leur échapper par la seule volonté de Laurent Gbagbo.

Réalisée par Jean-Claude Coulibaly
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