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Politique Publié le mardi 8 février 2011 | Le Temps

Entretien avec Charles Blé Goudé : «Nous voulons des excuses de la France»

© Le Temps
Nommé premier ministre par le président Laurent Gbagbo: Pr Aké N`Gbo forme son gouvernement
Photo: Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l`emploi: Charles Blé Goudé
Blé Goudé, le leader des jeunes patriotes a accordé une interview au confrère sénégalais le
populaire. Nous vous la proposons.

Quel est le processus qui a pu amener l’Onu à vous appliquer ces sanctions ?
Vous m’écoutez, aujourd’hui, je vous dis d’abord merci, et je dis merci à votre organe ! On ne m’a
jamais écouté ! Jamais voulu me considérer comme je suis. Ils m’ont toujours considéré comme eux
ils veulent que je sois. Ils ont voulu que je sois un tueur. Ils ont voulu que je sois un collabo pour
exploiter mon pays. Quand ils ont voulu mener mon pays dans un processus devant conduire à la
dislocation de mon pays, détruire les Institutions de mon pays, je m’y suis opposé.


Comment ?

Je m’y suis opposé en prenant la rue, comme a fait Martin Luther King aux Etats-Unis : avec les
marches. Les mains nues, comme Gandhi. Par les marches ! Luther King, c’est après sa mort qu’on l’a célébré, sinon, quand il était vivant et se battait, on l’avait accusé de tous les maux d’Israël. Il faut rappeler aux Africains comment Nelson Mandela a été présenté aux Africains quand on l’a mis en prison. Il a été présenté comme un terroriste, un poseur de bombe. Alors qu’il défendait la cause des Noirs ! Tous les dignes fils d’Afrique qui disent un mot contraire à la vision d’exploitation de nos maîtres d’hier, qui veulent nous recoloniser aujourd’hui, sont présentés comme on me présente aujourd’hui, mis au ban de la communauté internationale. Je suis Charles Blé Goudé, j’ai une philosophie : «La résistance aux mains nues». Les mouvements prolifèrent depuis 2002 dans ce pays.

Je ne suis pas à la tête d’une milice, je ne suis pas à la tête d’une rébellion. Ceux qui ont apporté les armes et la destruction en Côte d’Ivoire sont bien connus, mais comme eux, ils vont dans le sens de ce que veulent les diktats de nos maîtres d’hier qui nous colonisent autrement aujourd’hui, pour dire que nous devons éviter la guerre civile ceux-là sont considérés comme des anges. Et l’on me diabolise de partout.


Non, c’est moi qui ai apporté la paix en Côte d’Ivoire en 2006. Mieux, en 2007, quand les Accords de Ouagadougou étaient en train d’être signés, j’ai fait une tournée de deux mois dans tout le pays. J’ai parcouru toute la Côte d’Ivoire, je suis allé de village en village, j’ai rencontré les victimes de guerre.

J’ai parcouru des hameaux les plus reculés pour expliquer aux gens la nécessité de faire la paix. J’ai parlé aux Ivoiriens du pays profond. J’ai plaidé pour Alassane Ouattara ; dans des régions qui ne voulaient pas attendre parler de lui. Je leur ai dit : apprêtez-vous à accepter Guillaume Soro comme Premier ministre. J’ai failli être lapidé.

Je le faisais pour la Côte d’Ivoire, je voulais qu’en dehors des solutions prêt-à-porter qui nous
sont apportées depuis l’Onu, depuis la France, l’Afrique ait sa solution originale, selon la coutume
africaine où l’on règle les problèmes sous l’arbre à palabres. Et non selon des formules où l’on signe des communiqués et des accords que chacun peut interpréter à sa convenance. J’ai fait inviter Guillaume Soro dans le village de Gbagbo Laurent où il a été accueilli comme un roi. J’ai invité le commandant Wattao, Chef d’état-major adjoint des Forces nouvelles dans mon village. Je suis moi-même allé dormir à Bouaké, où les gens étaient armés, contrairement à nos villages. Mais, les gens me prenaient pour un fou ! J’y suis allé pour la paix.

Quand on a fait toutes ces actions et que l’Onu qui a ses services de renseignements en Côte d’Ivoire, des services performants, vous présente comme un sanguinaire, comme un tueur, les Africains doivent commencer à s’interroger…


Quels sont les faits qui vous ont été imputés par l’Onu ?

Exécutions extrajudiciaires ! Pendaisons ! Assassinats (de Blancs). Autant d’accusations graves pour des faits qui n’ont jamais existé. Pourtant, ils couvrent des gens qui ont commis dans les faits, les actes qu’ils m’imputent pour me mettre au ban de la société.


Ah, oui ? C’est grave ce que vous dites, non ?

J’ai dit à l’Onu que ce dont elle m’accuse sans aucun fondement est perpétré sous les yeux de ses représentants et de ceux qui l’ont induit en erreur, les Français, par d’autres gens, des gens que l’Onu protège aujourd’hui : La France qui orchestre tout cela, à l’Onu comme à l’Ue, qui accueille tous les assauts contre le président Gbagbo et son camp, accueille Guillaume Soro à Matignon, alors qu’il a revendiqué la rébellion et son cortège de tueries. Sa famille vit en France.


Venons-en maintenant à cette actualité brûlante, c’est le cas de le dire… Est-ce que vous pouvez
nous expliquer les raisons de cette crise post-électorale...

Elle a été préparée minutieusement par l'Onu, tout simplement. C'est le résultat d'une planification
pour se débarrasser de Gbagbo. Comment vous pouvez expliquer que l'Onu, qui est venue en Côte d'ivoire pour que les rebelles désarment, pour qu'en retour on leur confie des responsabilités
politiques, consente à les laisser organiser alors qu’ils n'ont pas déposé un seul fusil. Citez-moi un
seul pays au monde où l’on confie l'organisation des élections à des partis politiques qui sont en
compétition ? C'est-à-dire on dit : «On met en place une Commission électorale indépendante,
composée de membres de partis politiques». Où est l'indépendance.


Quel intérêt aurait l'Onu à planifier le départ de Gbagbo ?

Je précise que derrière l'Onu, il y a la main française qui tente par tous les moyens de réinstaller la
Françafrique. C'est à partir de ce système que la France contrôle ses anciennes colonies, considérant différents chefs d'État africains comme des sous-préfets locaux, installant des prolongements de l'administration française. La Françafrique a des piliers. En Côte d'Ivoire, la France opérait à partir des présidents Boigny, Mobutu, Eyadéma, Bongo, tous ceux-là étaient là pour réorganiser le système.

Il leur faut ça absolument en Côte d'Ivoire, par tous les moyens. Mais, Gbagbo semble ne pas être
un bon élève. C'est pourquoi, son nom est sur la liste des bavards. La France doit nous laisser en
paix. Comment vous pouvez expliquer qu'on prenne le président de la Commission électorale
indépendante, qu'on le confine dans l'hôtel de Monsieur Ouattara et qu'il y prononce les résultats ?


Il semble inutile aujourd’hui, de revenir sur un processus électoral qui ne fera jamais l’unanimité,
il en est né un contentieux lourd qui a entraîné tout ce désordre. Comment sortir de tout ça, selon
vous ?

Il faut maintenir la nature des lois en Côte d'ivoire. La Commission électorale nationale dispose
de trois jours francs pour proclamer les résultats. Après ces trois jours, il revient de droit au
Conseil constitutionnel de prononcer les résultats. Trois jours après, la Commission électorale
nationale indépendante n'avait pas été capable de donner les résultats, parce que tiraillée par ses
contradictions internes. Quand Thabo Mbeki a été délégué par l'Ua pour rencontrer les différents
acteurs, qui a accompagné le président de la Commission électorale nationale indépendante chez
Monsieur Mbeki ? C'est l'ambassadeur de France. Voilà ce que la France a fait en Côte d'Ivoire.


Et sur les solutions, les remèdes qui sont proposés pour un pays malade...
Non. Ce ne sont même pas des remèdes. Bien au contraire ! On veut encore ramener le malade à
l'hôpital pour lui inoculer des substances destinées à l'achever. Un pays en crise qui a réussi à résister ne devrait pas faire l'objet de telles sanctions. La précipitation dont Sarkozy et le représentant spécial de l'Onu ont fait preuve doit interpeller chaque Africain, chaque démocrate dans le monde, chaque Sénégalais. Comme Monsieur Ouattara dit qu'il a gagné et qu'il a été déclaré vainqueur, Gbagbo demande qu'on mette en place une commission d'enquête indépendante internationale pour recompter les voix.

Dans certains pays qui ont vécu le même problème, il y a des organisations locales, Ong, Société
civile, qui se mobilisent pour chercher une solution interne. La Côte d'Ivoire manque-t-elle de ce
type d'organisations.

Est-ce qu'on a laissé le temps à ces organisations de plancher sur cette question ? Sarkozy s'est
précipité, il a tout de suite actionné sa machine. Le Représentant spécial de l'Onu a saisi toutes
les organisations qui font partie de l'Onu. Avant même que les concernés que sont les Ivoiriens
discutent. Ici, il y a les chefs coutumiers. Il y a tellement de mécanismes. La Communauté
internationale, sous l'impulsion de la France, nous a menés dans la précipitation.

Au Kenya, il y a eu un contentieux électoral. Monsieur Odinga, qui a été délégué par l'Ua, n'a-t-il pas dit qu'il avait gagné au Kenya ? Mais, après discussions, il a accepté d'être Premier ministre. On a vu les violences au Kenya. On n'a pas vu l'Ua se précipiter pour demander le départ de qui que ce soit. Ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire, c'est du jamais vu. La France est à l'origine du conflit que nous vivons. Il faut que la France et la Communauté internationale viennent nous présenter leurs excuses.


Que préconisez-vous pour la fin de cette crise ?

Il faut que Ouattara et Gbagbo discutent, en présence du président de la Commission électorale
nationale indépendante et du président du Conseil constitutionnel. On ouvre la Constitution et l’on
regarde ce que dit la loi en pareille circonstance. Asseyons-nous et discutons. Il faut penser à panser les plaies. Il faut le faire maintenant.

On entend dire ici, que c'est le pétrole qui fait que la France veuille enlever le mauvais élève ?
Mais, il n'y a pas que le pétrole en Côte d'ivoire. Jacob Zuma, chef de l’Etat d’Afrique du Sud, le
président angolais, Dos Santos, et le président du Ghana disent qu'il faut éviter la guerre en Côte
d'ivoire. Il n'y a que les élèves des Français qui s'agitent. Nos voisins. Or, quand la maison du voisin brûle, il faut l’aider à éteindre le feu et non l’attiser. Le patriarche Wade, qu’attend-il pour offrir son expérience et sa sagesse ? De lui on est en droit d’attendre une démarche d’apaisement.

In Le Populaire (Sénégal)
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