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Politique Publié le mardi 22 février 2011 | L’expression

Crise postélectorale : Gbagbo a décidé de détruire la Côte d’Ivoire

© L’expression
Ivory Coast`s President and incumbent Laurent Gbagbo (R) speaks on November 26, 2010 during a campaign meeting in Abidjan. Ivory Coast`s presidential run-off between Gbagbo and his rival Alassane Ouattara kicked off ahead of the November 28 run-off election.
Ivory Coast`s presidential rivals launched a last noisy day of campaigning on November 26 for an election aiming to end a decade of instability, after a race marred by tensions and outbreaks of violence.
Il y a eu Félix Houphouët-Boigny, qui a gouverné la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993 ; et il y aurait, désormais Laurent Gbagbo, son plus direct successeur.

Il a été élu à une présidentielle en 2000 (alors que son prédécesseur, Henri Konan Bédié, était un « successeur constitutionnel » qui a été élu, par la suite, en 1995 dans une élection sans réels adversaires) et, surtout, a été le challenger du « Vieux » dès la présidentielle de 1990.
Houphouët a construit la Côte d’Ivoire ; Gbagbo s’est efforcé non seulement de faire vivre le multipartisme (dont il se veut « l’inventeur » dans le pays) mais plus encore d’apporter
aux Ivoiriens une « souveraineté » que ne leur avait pas encore permis de conquérir une indépendance sous tutelle de la « Françafrique ». Bédié et son « tombeur », le général
Robert Gueï, ont failli ; il reste donc dans l’Histoire de la Côte d’Ivoire deux géants qui se sont affrontés par le passé : Houphouët et Gbagbo. CQFD.

C’est le scénario que veut nous faire accroire celui qui a accédé au pouvoir, en 2000, dans des
conditions « calamiteuses » et qui depuis a entrepris de s’y ancrer après avoir perdu la présidentielle de 2010 qui devait mettre fin à une situation transitoire qui aura duré cinq ans
(et qui est loin d’être achevée). C’est pourquoi, pour Gbagbo, il était essentiel d’aller au bout de son « faux » deuxième mandat (2005-2010) et d’être le (faux) président en exercice

lors des cérémonies du cinquantenaire de l’indépendance. La construction de sa légende et la réécriture de l’Histoire de la Côte d’Ivoire, Gbagbo l’a confiée à Laurent Dona Fologo, actuel président du Conseil économique et social mais, surtout, l’homme qui a été de tous les régimes (et de toutes les compromissions) depuis que la Côte d’Ivoire est indépendante. Fologo, ancien secrétaire général du Pdci-Rda, va donc préfacer le volumineux ouvrage intitulé « Houphouët-Boigny. Vie et témoignages », dont la mise en œuvre a été confiée à Liliane Lombardo.

Cette « productrice multimédia » (cf. LDD Côte d’Ivoire 0300/Mercredi 16 février 2011) a été l’instigatrice du « Paroles d’honneur » publié voici quatre ans (février 2007). Elle est une des personnalités de cette nébuleuse qui compose l’entourage de Gbagbo et a entrepris de tisser
autour de la présidence de la République un réseau dense de personnalités à la dévotion du « maître » sans jamais perdre de vue que « charité bien ordonnée commence par soi-même ». On se souvient que « Paroles d’honneur » avait été co-publié par Ramsay et Pharos/Jacques-Marie Laffont.

Jean-Marie Laffont s’est illustré en tant qu’éditeur avec des ouvrages consacrés à l’univers « people », ex-stars de la télé, de la chanson. Rien de bien consistant. Mais l’irruption de
Lombardo dans l’entourage de Gbagbo va changer la donne.

En janvier 2006, l’avocat Jacques Vergès avait publié un petit fascicule intitulé « Halte aux massacres en Côte d’Ivoire ».

Alors que le pays était livré aux exactions des « Jeunes Patriotes » de Charles Blé Goudé, c’était une dénonciation des « Forces nouvelles » de Guillaume Soro. L’éditeur en était Jean Picollec, une société d’édition dans l’orbite du groupe Bolloré qui s’est illustrée, par le passé, par ses positions
anti-républicaines. Le livre de Vergès n’aura pas d’impact malgré les efforts de Lombardo pour trouver des témoignages

accablants pour les FN. Le couple va revenir à la charge avec un ouvrage plus dense : « Crimes contre l’humanité. Massacres en Côte d’Ivoire ». C’est, cette fois, Jacques-Marie Laffont qui en sera l’éditeur, en juin 2006, dans le cadre de Pharos. Mais c’est la co-édition de « Paroles d’honneur », six mois plus tard, qui le propulsera sur le devant de la scène africaine. Ce n’était pourtant pas sa première incursion dans les zones d’ombre de la brousse ivoirienne. En mai 2004, il avait été l’éditeur de « Scandales à l’Elysée », signé de Robert Montoya et de Véronique Anger.
Montoya n’était pas encore la star médiatique qu’il deviendra par la suite. Mais il était déjà étiqueté « marchand d’armes ».

Ancien gendarme né en Algérie, c’est en Corse qu’il se fera une solide réputation dans le « renseignement » et les diverses connexions dont l’île est emblématique. Ex-membre de la
cellule antiterroriste de l’Elysée, il avait pris sa retraite de la gendarmerie pour se développer dans la « sécurité privée ».

Une activité qu’il va développer en Afrique à partir de Lomé (Togo). Son nom va être associé à des opérations de recrutement de mercenaires et de livraisons d’armes. En 2002, au lendemain de la tentative de coup d’Etat en Côte d’Ivoire, il va être rapidement opérationnel pour soutenir Gbagbo dont il devient le conseiller militaire technique. Il sera mis en cause dans l’affaire du bombardement de Bouaké. Il est alors à la tête d’une entreprise qui emploie plus de 2.500 personnes dans
sept pays africains !

Laffont (à ne pas confondre avec Michel Lafon ou Robert Laffont, tous deux également éditeurs) a édité le dernier livre de Christine Deviers-Joncour, celle qui se faisait appeler « la Putain de la République », mise en cause dans « l’affaire Elf », ex-maîtresse de l’avocat Roland Dumas qui s’est récemment déplacé à Abidjan avec Vergès pour apporter son concours à Gbagbo face à Ouattara. Laffont est aussi l’éditeur du livre signé par le président congolais Denis Sassou
Nguesso : « L’Afrique : enjeu de la planète. Les défis du développement durable ». C’est également lui le promoteur du « Gotha noir de la France ».

Mais revenons à Liliana Lombardo. Après le débarquement très médiatisé, à Abidjan, des « papys » du barreau de Paris, Vergès et Dumas, il était espéré l’arrivée dans la capitale ivoirienne de sept personnalités françaises dont cinq députés UMP. Au programme des 5, 6 et 7 février 2011, deux
rencontres avec Gbagbo, le président du Conseil constitutionnel, le président de l’Assemblée nationale, des membres de la Commission électorale indépendante, les ministres de la Défense, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, Blé Goudé, etc. Invitation lancée (et payée) par l’Assemblée
nationale ivoirienne. Tête d’affiche de cette balade : Jean-François Mancel. Ce député du RPR, dont il a été un des patrons, a été exclu de son parti en 1998 pour avoir appelé le Front national de Jean-Marie Le Pen à faire « partie de la droite de demain ». La justice s’intéressera à lui pour ses
connexions avec la société Européenne de conseil et communication (Euro2C) dont les collaborateurs (notamment Alain Gouttman) ont été très présents sur le terrain angolais au
temps de… Jonas Savimbi, le leader de l’Unita. Mancel a été membre de la Coordination des observateurs franco-africains (Cofa) qui a apporté sa caution, en juillet 2009, à l’élection « libre et démocratique » de… Sassou Nguesso au Congo. On retiendra surtout que lorsque l’Elysée a donné, in extremis, son veto au voyage des députés UMP, le seul commentaire alors rendu public a été celui de Liliana Lombardo : « Quel dommage que Jean-François Mancel n’ait
pu venir s’informer et avoir une vision plus claire de ce qui se passe ici ».
On pourrait à l’infini tirer ainsi sur le fil des connexions

franco-ivoiriennes qui composent une étonnante nébuleuse autour de Gbagbo. Car ce qui peut étonner, c’est que ses meilleurs soutiens viennent de la droite, de l’extrême-droite et du monde du « business » alors qu’il ne cesse de dénoncer, justement, une « Françafrique » dont les réseaux auraient entrepris de le déstabiliser. Mais il y a bien longtemps que chacun sait que la conduite de Gbagbo n’est plus dictée par une quelconque idéologie politique ; sa seule motivation, c’est « l’appât du gain ». Félix Houphouët-Boigny n’avait pas moins d’intérêt pour l’argent ; mais il avait fait sa fortune (et celle de son entourage) en construisant la Côte d’Ivoire (même s’il y avait de nombreux défauts de construction). Gbagbo, lui, y parvient en la détruisant et en la ruinant. Pour longtemps.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique
Ndlr : le titre et le surtitre sont de la Rédaction

Leg/Bien que défait dans les urnes, Laurent Gbagbo refuse
toujours de céder le pouvoir au Président élu par les Ivoiriens.
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