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Politique Publié le mardi 1 mars 2011 |

Interview exclusive / SEM Daouda Diabaté (Ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Etats-Unis) : "Quand on a perdu les élections, on rentre dans les rangs"

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Les Etats-Unis ont reconnu officiellement vendredi l’ambassadeur Daouda DIABATE de Côte d’Ivoire nommé par le président Alassane Ouattara
SEM Daouda DIABATÉ
Lebanco.net - Au lendemain de la cérémonie solennelle à la Maison Blanche et de l’audience avec le Président Barack Obama à qui il a présenté ses Lettres de créance, SEM Daouda Diabaté, le nouvel Ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Etats-Unis s’ouvre, en exclusivité, à lebanco.net.

L’Ambassadeur Diabaté évoque la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire et parle aux Ivoiriens, aux Américains et à la communauté internationale avec son cœur et son sens de diplomate chevronné.

Excellence, quels sentiments profonds vous animent après avoir présenté vos Lettres de créance au Président de la première puissance mondiale ?

- Ce sont des sentiments de fierté et de satisfaction qui m’animent après avoir présenté au Président Obama des Etats-Unis d’Amérique, les Lettres par lesquelles Son Excellence Dr Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, m'accrédite en qualité d’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Côte d’Ivoire. Ce sont des sentiments de satisfaction parce que, comme vous le savez, il s’agit des Etats-Unis, la plus grande puissance du monde et il s’agit aussi du Président Obama qui est lui-même, l’expression de ce que la démocratie peut permettre de réaliser car n’eut été la pratique de la démocratie, le Président Obama ne serait jamais à ce poste. Cela est donc l’expression de ce que la magie de la démocratie peut permettre d’atteindre en termes d’objectif, d’égalité, d’équité et de satisfaction de la volonté du peuple. En effet, c’est la volonté du peuple américain qui a permis au Président Obama d’accéder à cette haute fonction.

Au moment où vous remettiez les Lettres de créance au Président Barack Obama, quelle pensée avez-vous eue pour le pays, par rapport à la crise postélectorale ?

-Au moment où je remettais au nom du Président de la République, mes Lettres de créance au Président Obama, malheureusement, je dis bien malheureusement, le peuple ivoirien vivait un drame en ce sens que les tueries et les exactions de toutes sortes se sont intensifiées dans notre pays. J'ai donc eu de la compassion pour les victimes, nos enfants qui tombaient sous les balles de leurs propres compatriotes en armes, mais plus particulièrement, de miliciens et de mercenaires qui viennent assassiner nos populations aux mains nues. A l’analyse, je suis persuadé que les forces de défense et de sécurité dans leur grande majorité ne s’associent pas à ces crimes et assassinats. C’est fondamentalement les raisons pour lesquelles l’on a eu recours à des mercenaires pour venir exécuter ces basses besognes. Etant moi-même un officier de réserve, je sais ce que dit l’armée ivoirienne à ses soldats et à ses officiers qui sont tenus de respecter la vie humaine. Les militaires qui ont choisi le métier des armes savent la déontologie qui prévaut dans ce corps de métier qui est un métier d’honneur. J’ai du mal à imaginer un militaire ivoirien transgresser ces principes fondamentaux de ce noble métier des armes dont l’un des objectifs premiers est d’apporter sécurité et protection a nos populations. Je ne peux donc comprendre que ces militaires soient en train de retourner leurs armes contre ceux qu’ils sont censés protéger. Nous sommes profondément attristés par le drame que vit notre pays, au moment où je présente mes Lettres de créance au Président des Etats-Unis d’Amérique.

Depuis un moment, La majorité présidentielle (LMP), le mouvement de M. Laurent Gbagbo mène une action de communication sur le panafricanisme, aux Etats-Unis, particulièrement à Washington. Quel type d’action, notamment de communication, allez-vous entreprendre ?

- Je suis peiné de le dire, j’estime que c‘est de la mystification car on ne peut se promener de séminaire en séminaire pour clamer qu’on est panafricaniste et qu’on aime le monde alors qu’on n’éprouve aucun sentiment d’amour pour son propre concitoyen et son voisin. C’est de la pure démagogie. Quelqu’un qui se dit panafricaniste ne peut pas tirer sur sa propre population. C’est pour vous dire que les gens tentent de mystifier le monde alors que les vrais problèmes, le quotidien de l’Ivoirien, le quotidien de nos frères et sœurs qui ont choisi la Côte d’Ivoire comme leur seconde patrie et qui vivent avec nous de façon paisible, parce que la Côte d’Ivoire était un pays paisible, payent le plus lourd tribut de cette barbarie. Voilà la réalité. Pour notre part, a travers des moyens efficaces de communication, nous présenterons le vrai visage de la Cote d’Ivoire car la vocation de notre pays, comme nous l’a enseigné le Président Houphouët-Boigny, c’est la fraternité, la solidarité et l’hospitalité qui se pratiquent au quotidien, c’est tout le sens qu’il convient de donner au panafricanisme. Nous avons pratiqué l’intégration, qui est un terme galvaudé aujourd’hui, avant même que ce mot ne devienne un slogan. En témoigne, la composition de la population ivoirienne dont plus de 26% sont originaires de pays amis et frères. La Côte d’Ivoire est donc une sorte de melting- pot. Dans la réponse au message que je lui ai adresse, a l’occasion de la présentation de mes Lettres de créance, le Président Obama a souligne la richesse que constitue une population diversifiée.

Quel type d’action comptez-vous mener pour rétablir la vérité ?
Le type d’action est simple, d’autant plus que la vérité s’impose d’elle-même. Cependant, les mystificateurs trouveront la parade en face. Chaque fois qu’ils seront sur le terrain, ils auront en face d’eux, des Ivoiriens qui ont une autre vision de ce que devrait être la Côte d’Ivoire pour leur apporter la réplique. La Côte d’Ivoire est la propriété de tous les Ivoiriens. Personne n’a l’exclusivité de l’amour que nous lui portons. La Côte d’Ivoire est notre mère patrie à nous tous et nous devons tous, au même titre, être en mesure de lui apporter le meilleur de nous-mêmes, mais pas le pire de nous-mêmes. A l’heure du bilan, au moment où nous devrons nous asseoir pour faire le bilan de ce que chacun a apporté à ce pays, chacun devrait être en mesure de dire : « voilà ce que j’ai pu apporter à tel moment à ce pays que nous aimons tous ».

Excellence, quel type de rapport allez-vous développer avec la diaspora ivoirienne aujourd’hui divisée et politisée ?

La diaspora ivoirienne est riche de sa diversité à l’instar de la Côte d’Ivoire elle-même. La diaspora ivoirienne n’est rien d’autre que le reflet de la Côte d’Ivoire qui est un pays de diversité aussi bien politique, culturelle, linguistique, confessionnelle, ethnique que géographique. Ce sont tous ces ingrédients qui font la richesse de notre pays. Moi je n’appelle pas cela de la division, j’appelle cela de la diversité : ce sont des visions diverses que nous avons de ce que nous comptons apporter à ce pays. Mais ce que je puis dire, c’est qu’il fut un moment où nous étions en campagne électorale, pendant les campagnes électorales, on connait des montées de tension, mais ce que chacun doit comprendre c'est que la campagne est terminée, les élections sont également terminées. Il est donc temps que la tension baisse et qu’ensemble, l’Ambassade et la diaspora s’attaquent aux vrais problèmes de notre pays, à savoir les problèmes de développement car le peuple ivoirien s’appauvrit de jour en jour. J’estime à ce sujet qu’il n’y a aucune division insurmontable. Si vous voulez apporter un mieux-être à la Côte d’Ivoire, et que pour ma part je compte également apporter un mieux-être au peuple de Côte d’Ivoire, en quoi pouvons-nous avoir des positions divergentes si ce n ;est l’approche ? Au contraire, ce sont des complémentarités qu’on devrait voir en cela, c’est pour cela que je dis qu’étant donné que les élections sont terminées et qu’au terme de ces élections, le peuple ivoirien a porté son choix sur un Président qui se trouve être le Président Alassane Ouattara, les uns et les autres doivent rentrer dans les rangs. On ne peut pas passer notre temps à cette bataille électorale qui n’a plus sa raison d’être; et ce d’autant plus que le Président Ouattara a dit qu’il entend mener une politique de réconciliation, une politique de la main tendue à tous les fils et filles de notre pays pour que chacun apporte sa contribution à la reconstruction post-crise et au développement. Quand on a perdu les élections, on rentre dans les rangs. Cela ne veut pas dire que les 45% d’Ivoiriens qui ont voté pour le candidat de LMP, le Président sortant, ne sont pas des Ivoiriens. Cela veut dire qu’ils doivent jouer leur rôle d’opposant. Pour ceux qui souhaitent rejoindre la nouvelle mouvance présidentielle, ils sont les bienvenus. Voilà comment fonctionne un Etat moderne et la Côte d’Ivoire aspire à la modernité pour avoir déjà flairé l’air de la modernité en d’autres temps. Nous entendons redonner à la Côte d’Ivoire ce que elle est capable d’offrir de mieux à ses fils et filles en quittant cette posture dans laquelle elle se trouve depuis près d’une décennie, et qui fait que nous sommes devenus quasiment la risée des autres. On nous ballote comme une balle de ping pong de conférence en conférence. C’est tout cela que nous voulons arrêter pour permettre à la Côte d’Ivoire que nous avons l’honneur de représenter à l’étranger d’avoir une position qui puisse faire plutôt envie que pitié. Voilà la réalité de la situation à laquelle se trouvent confrontés les Ivoiriens qui ont la lourde mission de représenter notre beau pays, qui a encore les atouts mais que nous devons pouvoir soutenir pour sortir de cette impasse. Je reste convaincu que les Ivoiriens de la diaspora, en particulier ceux des Etats-Unis, peuvent énormément y contribuer a travers les relations de collaboration que nous sommes amenés à entretenir.

Excellence, allez-vous demander aux autorités américaines de s’impliquer davantage dans la résolution rapide de la crise ivoirienne ?

Je l’ai déjà fait et je l’ai dit au Président Obama lorsqu’ il m’a reçu. Il est parfaitement au courant de ce qui se passe chez nous, lui même étant un pur produit de la démocratie, il connaît les bienfaits et les mérites de ce système, ce que la démocratie peut permettre à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens d’atteindre en termes d’épanouissement, de stabilité et de prospérité aussi bien personnelle que professionnelle. Les Etats-Unis, pays de vieille tradition démocratique, se sont naturellement engagés du côté de la démocratie, en reconnaissant la victoire du Président Ouattara démocratiquement élu par le peuple ivoirien. Les gens ne peuvent pas s’amuser à vouloir tromper les Ivoiriens en disant que les Etats-Unis choisissent tel candidat, ou la France choisit tel candidat. Est-ce les Français qui ont voté? Est-ce les Américains qui ont voté ? Pourquoi peut-on dire que ce sont les Américains qui ont choisi tel candidat au détriment de tel autre ? Les Américains se sont purement et simplement ranges du cote de la démocratie.

Selon vous, le recours à la force pour déloger Laurent Gbagbo s’impose-t-il ? Allez-vous sensibiliser et convaincre les Américains sur cette position défendue par une partie des Ivoiriens ?

Comme vous le savez, la Côte d’Ivoire est un pays de dialogue. Vous vous souviendrez sans doute que la Côte d’Ivoire a toujours considéré ou plutôt avait toujours considéré la paix comme sa seconde religion, mais le recours à la force est une option que la CEDEAO a sérieusement envisagée. Cependant, la CEDEAO a dit qu’elle n’utilisera la force légitime que lorsque toutes les autres solutions de résolution de cette crise auront été épuisées. C’est dire qu’elle privilégie les négociations, le dialogue avant toute autre solution requérant la force. Vous savez qu’il y a environ 17 élections cette année en Afrique. La Cote d’Ivoire qui a eu une des élections les mieux organisées et les plus démocratiques ne saurait s’offrir le luxe d’être le mauvais exemple, ou le perdant devient le vainqueur. Dans un tel schéma, l’option consistant a l’utilisation de la force légitime

Excellence, sous quel angle général placez-vous ce retour à Washington ? Quel message adressez-vous à tous?

-Mon retour à Washington n’est pas l’élément le plus important. Je voudrais cependant rappeler que lors de mon précédent séjour a Washington, j’ai travaillé en parfaite harmonie avec la diaspora ivoirienne et je compte poursuivre dans cette voie même si les conditions s’avèrent plus difficiles avec la crise postélectorale qui prévaut au pays. Le plus important pour moi c’est le fait pour la Côte d’Ivoire de se réconcilier avec elle-même et avec la communauté internationale qui a été de tout temps à nos côtés depuis l’éclatement de cette crise. Comme je l’ai fait par le passe j’exhorte les membres de la communauté ivoirienne aux Etats-Unis à s’inscrire dans cette logique et a s’atteler ensemble a la reconstruction post-crise de notre beau pays. L’Ambassade qui veut véritablement jouer son rôle d’interface compte sur une contribution significative de la diaspora ivoirienne dans l’accomplissement de cette exaltante mission. Je ne saurais terminer sans adresser a la communauté ivoirienne vivant aux Etats-Unis mes sincères remerciements pour l’accueil qu’elle a bien voulu me réserver lors de mon retour a Washington et que je considère comme un bon présage quant a l’heureux accomplissement de la mission que nous sommes appelés a mener ensemble.

Interview réalisée par Séry Pouamon , Washington, D.C
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