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Politique Publié le jeudi 3 mars 2011 | Le Temps

Sommet du G8 et G20 / Le Président Jacob Zuma invité spécial de la France : Sarkozy sort le grand jeu… et prêche dans le désert sud-africain

Tout homme a un prix, disait le premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny. Quel prix mettra la France pour s’offrir l’alliance du président sud-africain Jacob Zuma dans la guerre déclarée à la Côte d’Ivoire du président Laurent Gbagbo. Quand le goût du champagne vire à celui de l’huile de ricin…

La visite les mardi 1er et mercredi 2 mars 2011, du président sud-africain offre une belle vitrine aux officiels français de s’offrir le joyau Zuma. Invité spécial, escorte de la garde républicaine à cheval, tapis rouge, sans compter le dîner sous les lambris dorés de l’Elysée payé rubis sur l’ongle. La France de Nicolas Sarkozy qui préside le G8 et le G20 fait feu de tout bois, pour faire de l’Afrique du Sud un allié d’un privilège absolu sur le continent noir. Objectif primordial, acculer Laurent Gbagbo et l’isoler du dirigeant sud-africain que la France considère comme le dernier verrou à sauter pour espérer fondre sur la proie. Première puissance économique du continent africain et nouveau membre des influents Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le groupe informel des grands émergents, l'Afrique du Sud fait l'objet depuis des mois d'une cour assidue du président français depuis trois ans.

La première fois où la France contait fleurette au pays arc-en-ciel, remonte en 2008. 2010 était véritablement l’année où l’Afrique du Sud bénéficiait d’un traitement de faveur tout particulier, à faire pâlir de jalousie le tigre qui ignore sa ‘’tigritude’’, le Nigeria, l’autre grand d’Afrique.

C’est un menu varié qui attend les deux chefs d’Etat sud-africain et français. Pêle-mêle, l’on évoque les sujets du G8 et G20, en passant par le tsunami politique dans le Maghreb arabe, le sempiternel Soudan, l’intermittent Madagascar, pays qui intéresse les deux hôtes et, comme on peut l’imaginer, l’incontournable Côte d’Ivoire où Laurent Gbagbo vainqueur de la dernière élection présidentielle n’est pas la préférence de Nicolas Sarkozy qui lui, aimerait bien voir son ami Alassane Dramane Ouattara expérimenter le pouvoir ivoirien. Le problème n’est pas si facile que la France le croit. Elle qui devra débuter cette rencontre par ménager les susceptibilités côté dirigeants sud-africains qui à leur tour, devraient également ménager Laurent Gbagbo « d’accepter de donner le pouvoir à Alassane Ouattara ».
Le menu bilatéral du séjour du président Jacob Zuma s'annonce également copieux. «Un de ses objectifs majeurs est de renforcer le commerce et les investissements avec la France», souligne-t-on à Pretoria. Sixième fournisseur de l'Afrique du Sud, la France n'en est que le 19e client à l'exportation.

Entre autres sujets, l'offre de service française en matière de d'énergie nucléaire. Déjà fournisseur de son unique centrale de Koeberg, Areva a proposé en 2008 de fournir à Pretoria, qui souffre d'un déficit chronique d'électricité, deux réacteurs de nouvelle génération Epr. «L'Afrique du Sud est en pleine révision de sa politique énergétique, il n'y aura donc pas de décision sur ce dossier», note-t-on toutefois à Paris. Entre autres accords, les deux pays signeront un nouveau document cadre de partenariat qui prévoit près d'un milliard d'euros de financements de la part de l'Agence française de développement (Afd). A indiqué l’Agence France presse (Afp). Est-ce le prix à payer pour ramollir les ardeurs ? Rien n’est moins sûr. Pour autant qu’on le sache, l’Afrique du Sud a déjà fait savoir ce qu’elle entend des pays occidentaux, relativement aux affaires intérieures à l’Afrique. « Tandis que nous respectons les vues de nos amis en dehors du continent, nous aimerions qu’ils sachent que les Africains souhaiteraient plutôt avoir l’opportunité de gérer les problèmes africains, soutenus par les amis en dehors du continent, mais pour l’essentiel la solution doit venir des dirigeants africains eux-mêmes ». Relate un communiqué du ministère des Affaires étrangères d’Afrique du Sud avant la rencontre avortée du panel des cinq chefs d’Etat mis en place par l’Union africaine et qui devrait se réunir, le 28 février 2011, à Nouakchott en Mauritanie. Le report à 4 mars de cette réunion est pour des raisons évidentes de « calendrier trop chargé » de l’un des chefs d’Etat membre dudit panel.

Jacob Zuma en l’occurrence dont « la visite de travail » en France est porteuse de beaucoup d’espoir pour le président Blaise Compaoré du Burkina Faso et Victor Gbého président en exercice de la commission de la Cedeao qui soutiennent Ouattara. En effet, Alassane Dramane Ouattara espère en tirer suffisamment de dividendes après sa bourde d’Abidjan (il a ‘’vigoureusement’’ refusé de rencontrer Zuma). Une erreur politique que le candidat malheureux du Rdr a vainement tenté de rattraper en recevant finalement le chef d’Etat sud-africain mais sous les huées de ses partisans convoyés jusqu’au Golf Hôtel pour les besoins de la cause. Dans la délégation sud-africaine qui a effectué le voyage d’Abidjan, l’on prend cela comme un os de travers qui va être difficile à avaler dans les relations futures, si bien entendu les intérêts de l’Afrique du Sud et de la France avaient pour centre de gravité Alassane Dramane Ouattara. La France s’en était prise vertement à Ouattara selon une confidence diplomatique, et le tir rectifié malgré «quelques huées pas si graves» pour un président d’un pays comme l’Afrique du Sud qui en a vécu des vertes et des pas mûrs du temps de l’apartheid.

L’Afrique du Sud de son côté avait fait l’effort d’ignorer la sortie de route d’Alassane Ouattara. Ce pays avait estimé dans un communiqué ultra rassurant que «la position de l’Afrique du Sud n’a pas changé, nous n’avons pas de favoris (dans la crise ivoirienne entre Gbagbo et Ouattara)».

Mais le contexte a désormais évolué. Un des braves en l’occurrence Alassane Dramane Ouattara semble essoufflé, diminué et son image plutôt ternie par les massacres que ses mercenaires provoquent dans les rues d’Abidjan. «Si les gens de Ouattara et de Gbagbo disent maintenant ensemble qu’ils ont besoin d’aide pour sortir de cette crise politique, je pense plus avisé de se concentrer sur cet aspect et de les aider à s’en sortir» expliquait, le 17 février Maite Nkoane-Mashabane ministre sud africain des Affaires étrangères. «Ce sont eux qui ont dit qu’ils ne voulaient pas discuter à nouveau des élections ; ils veulent aller de l’avant parce qu’ils réalisent qu’il y avait des anomalies au sujet des élections», accuse encore le chef de la diplomatie sud-africaine. Mais en Côte d’Ivoire quand on crie à hue et à dia, il faut chercher à situer les responsabilités. Qui d’autre qu’Alassane Dramane Ouattara avait réfuté une “autre” mission de l’Union africaine, la traitant de «mission de la dernière chance» ? En effet, alors que le président Laurent Gbagbo continue d’appeler à explorer toutes les voies possibles pour faire «éclater la vérité», Guillaume Soro nommé Premier ministre par Alassane Ouattara appelait les Ivoiriens à une révolution orange et «à ne pas confier leur destin à l’Union africaine. Les Ivoiriens aiment trop qu’on vienne les aider de l’extérieur, c’est à nous de prendre notre destin en main pour chasser Gbagbo du pouvoir».

L’opération «dompter Zuma» devient d’autant plus difficile et délicate pour le président français Nicolas Sarkozy, dans la mesure où, tant en Côte d’Ivoire qu’au Conseil de sécurité à New York, les hommes chargés de «faire le travail» perdent de plus en plus en crédibilité. Pendant que l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) s’empêtre dans des forfaitures et par conséquent est déclarée persona non grata dans ce pays pour avoir pris fait et cause pour les rebelles ivoiriens, le Secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon et son représentant Youn-Ji Choï son mis au banc des accusés. 1er mars, des diplomates africains se confiant à TWN-New York mettent à nu les incongruités des compatriotes coréens. Sans preuve, l’accusation de «vente d’armes par la Belarusse à la Côte d’Ivoire» est venue envenimer les choses. Au point où la méticuleuse Mme Inga-Britt Ahlenius ex-Haut fonctionnaire à l’Office des services de contrôles internes (Bsci) s’interrogeait comment «un tel homme (Ban Ki-moon, ndlr) a-t-il pu se retrouver à la tête de cette prestigieuse institution pour la tâche la plus importante du monde». Pour cet autre diplomate, «l’élection de Ban Ki-moon a été voulu par les super puissances parce qu’elles le savaient malléable à la tête de ce machin qui puisse aider à diriger le monde à leur gré». Dans un tel contexte si précaire, la France peut-elle véritablement compter sur un revirement spectaculaire de situation pendant qu’un vent d’agacement souffle sur la maison de verre de New York ? Pas si sûr. De fait, le président sud-africain Jacob Zuma pour lequel toutes les dispositions ont été prises pour lui garantir une visite de travail dans le farniente et le lucre, vient de faire un pied de nez qui risque de tout chambouler dans le protocole et au-delà, de donner un goût d’huile de ricin aux champagnes que l’on s’apprêtait à sabrer au Palais de l’Elysée en son honneur. Selon M. Alain Toussaint, Conseiller spécial du président Laurent Gbagbo, le président sud-africain aurait confié sur la chaîne américaine Cnn qu’ «en Côte d’Ivoire, il n’y a pas eu d’élection. Les rebelles n’ont pas déposé les armes (…) des citoyens ont été empêchés de voter (…) Si ce qui s’est passé, vous appelez cela une élection, alors c’est Laurent Gbagbo qui a gagné (…)». Une déclaration qui vient couper l’herbe sous les pieds de Nicolas Sarkozy et qui pourrait le désarmer dans toute initiative d’évoquer d’éventuels dossiers politiques en rapport avec l’Afrique et plus précisément avec la Côte d’Ivoire.

Simplice Allard
al08062317@yahoo.fr
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