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Politique Publié le mardi 8 mars 2011 | Nord-Sud

Massacres de femmes par les soldats de Gbagbo à Abobo - Un témoin raconte

Un témoin qui a assisté au massacre de femmes par des soldats pro-Gbagbo à Abobo raconte ce qu’il a vu et entendu.

Ce jeudi 03 mars, j’ai décidé d’aller rendre visite à mes parents restés à Abobo. En route, j’ai rencontré à ma grande surprise et avec joie une foule de femmes en route pour un meeting qui devrait regrouper uniquement que des femmes, rien que des femmes. Par petits groupes, joyeuses comme des enfants qui venaient de recevoir leurs cadeaux d’anniversaire, elles avançaient insouciantes et convaincues que leur sécurité était garantie.
A peine avais-je essayé de me renseigner pour en savoir davantage que nous avons entendu une cadence de tirs d’armes automatiques suivis de détonations assourdissants au rond-point d’Abobo, juste à l’entrée de la commune du côté de la casse. Ce fut la débandade totale. Partout des femmes en pleurs couraient. Les unes criaient « on a coupé sa tête, oh Dieu comment des hommes peuvent-ils tirer sur des femmes aux mains nues ? », « Comment Gbagbo peut-il faire cela ?» criaient-elles à vous déchirer le cœur. De loin, j’apercevais une colonne de véhicules militaires composée d’un cargo précédé d’un véhicule blindé de la Brigade anti-émeute (BAE) et d’un char.
Que se passe-t-il ?
Ce sont les hommes de Gbagbo qui viennent de tirer sur les femmes et il y en a huit qui sont mortes et beaucoup de blessées. Parmi les corps, deux ont la tête éclatée voire en bouillie. C’est horrible, c’est horrible ! s’écriaient des témoins.
Le spectacle qui s’offrait à nous n’avait pas de nom pour expliquer son niveau de cruauté. Les corps, gisaient sur le goudron dans des mares de sang qui semblaient les cimenter comme pour offrir un angle approprié à la meute de photographes de ce moment triste de l’histoire que notre conquête de la démocratie gardera pour les générations futures. Ici gisait une femme à moitié couverte d’un pagne maculé de sang coagulé. La foule de femmes massées criaient en chœur et en se tordant de douleur émotionnelle. « Oh Dieu, c’est une femme enceinte ; oh Dieu elle est enceinte » Là, c’était le spectacle d’une femme couchée sans vie à coté de la douille de roquette qui l’a décapitée net. Elle n’avait plus de tête. Le corps se débattait encore comme pour interpeller la foule de lui venir en aide tant elle débordait encore d’énergie. Là-bas, la foule avait fini de constater le décès du troisième corps. C’est le spectacle d’une jeune fille d’environ 14 ans en pleurs couverte de la chair et du sang des victimes qui m’a dissuadé de m’approcher davantage.
A environ une dizaine de mètres de moi, c’est un pousse-pousse qui transportait une des victimes vers un lieu que je n’ai pas cherché à savoir, tant le spectacle était insoutenable. En tout, l’on avait dénombré neuf corps de femmes fauchées ce matin.
Je n’avais, à cet instant-là, pas pensé aux blessées. Selon les informations qui me parvenaient, il y en avait près d’une vingtaine. J’en ai vu avec la main coupée, l’épaule ensanglantée. Les minis-cars, improvisés en ambulance, transportaient quelques victimes dans des cliniques de fortune du quartier, pendant que certains étaient carrément portés par des amis, des parents et jeunes gens, tous pressés d’apporter leur aide. Le cafouillage était indescriptible et insoutenable à la fois.
Ce qui m’étonne, c’est que quand les FDS sont arrivées vers la mairie, nous étions loin de nous imaginer qu’elles allaient tirer sur la foule. Elles ont mêmes été applaudies par les femmes. Mais c’est vers la casse, à la sortie, que le char qui était en tête de la colonne a tiré. Nous avons constaté que les autres qui étaient en arrière dans le cargo semblaient affectées par ce qui venait de se passer. Nous avons en effet remarqué que le cargo essayait de s’arrêter mais compte tenu de l’ampleur du drame et la crainte de la réaction de la foule, il est parti en trombe finalement. En tout cas c’est le comportement des lâches. S’ils sont des garçons, ils devaient commencer à faire feu depuis la mairie, au lieu d’attendre d’être hors de la foule avant de tirer sur elles. Faisait remarquer un des participants au meeting.
De toutes façons, le mal était déjà fait et les réactions au regard des propos qui se tenaient çà et là, ne présageaient rien de bon. Tout y passait. Le camp d’Alassane Ouattara était accusé pour sa persistance à vouloir négocier avec Gbagbo, alors que manifestement les gens mouraient et les vivants avaient du mal à joindre les deux bouts.
Personnellement, j’étais choqué par cette volonté manifeste et inexplicable de tuer froidement. Une certitude. Aujourd’hui, Abobo a encore une fois de plus perdu des enfants qui étaient venus s’exprimer librement les mains nues. Certes, ils soutenaient leur camp, celui d’Alassane Dramane Ouattara, mais c’était en chantant et en dansant, comme dans toute démocratie qui se respecte.

Une correspondance particulière
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