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Société Publié le jeudi 17 mars 2011 | Nord-Sud

Société / Père Augustin Obrou (Archevêché d’Abidjan) : “Ceux qui brûlent les mosquées ne sont pas chrétiens...”

© Nord-Sud
Archevêque Jean Pierre Koutwan pendant la messe de Noel a la Cathédrale Saint Paul d`Abidjan
Les chrétiens catholiques observent le carême depuis mercredi. Le Père Augustin Obrou responsable à la communication de l’archevêché d’Abidjan revient sur le sens de cette période et se prononce sur les attaques contre les lieux de cultes.


Quel comportement conseillez-vous aux chrétiens durant le carême qui vient de commencer ?
Les comportements à observer sont les mêmes que ceux qui sont toujours demandés au chrétien. On ne doit pas attendre le temps de carême pour changer de comportement. Il faut faire ce qui est et le faire positivement. Toutefois, dans le quotidien de notre vie, souvent on se laisse un peu aller. Le carême devient alors un temps de réflexion et d’approfondissement de notre foi.

Que doit-on surtout éviter pendant cette période ?
On le dit dans lors des prières du mercredi des cendres. Il s’agit de rester discret et ordinaire dans son attitude : lorsque tu vas prier, les gens ne doivent pas forcément savoir que tu observe le carême. Il faut avoir une mine joyeuse. Tu ne dois pas te mettre à prier à tous les endroits rien que pour te faire voir. Si tu veux prier, tu le fais dans ton coin à la maison, au bureau, ou tu te rends à l’église. Ce n’est pas parce que le carême est arrivé qu’il faille changer toutes ses habitudes. On maintient ses vertus habituelles en les approfondissant.

Cette période coïncide avec des tensions sociopolitiques dans le pays. Cela ne va-t-il pas rendre difficile l’observation de la pénitence du carême à certains chrétiens ?
Je pense au contraire que c’est un moment favorable. C’est quand il y a des difficultés qu’il faut se tourner vers Dieu. Dans les périodes de difficulté, les chrétiens sont nombreux à se tourner vers Dieu. Et j’ai pu l’expérimenter aujourd’hui (mercredi) à la cathédrale St Paul du Plateau. A la messe de 6h45, on ne s’attendait pas au monde qui est arrivé. Il y a eu la même affluence à 7h30, 8h30, 10h et ainsi de suite. Je ne crois pas les chrétiens n’arrivent pas à aller à l’église parce qu’ils sont en difficulté. La souffrance fait partie de la vie du chrétien. Parce celui qu’il suit, à savoir Jésus-Christ, a lui-même souffert la passion et est mort sur la croix. Et je pense que la souffrance est une occasion pour le chrétien de fortifier sa foi.

Les paroisses ont-elles pris des dispositions pour aller vers les chrétiens dont la foi pourrait avoir été quelque peu affectée à cause de la crise ?
De toutes les façons, l’église est proche de ses fidèles. Il y a ce que nous appelons les Communautés ecclésiastes de base(CEB). Ces CEB organisent des prières dans les quartiers. Et quand un fidèle est en difficulté et que les fidèles de son quartier savent qu’ils ne peuvent pas les régler, ils font appel au curé qui vient dans la communauté pour prier avec les fidèles. Cela se faisait d’habitude et ça se fait encore aujourd’hui.

Beaucoup de déplacés se dirigent vers des églises catholiques. Comment est organisé l’accueil de ces sinistrés ?
De tout le temps l’église catholique a fait du social, et elle est organisée en la matière avec la Caritas. Depuis que nous avons appris le problème des déplacés, nous avons mis notre pastorale sociale en branle. Cela a commencé par le recensement de tous ceux qui viennent sur les différents sites : il y avait Anokoi-Kouté, d’où nous avons dû faire partir les déplacés à cause des évènements qui ont eu lieu dans ce village. Il y a les sites de Saint Ambroise d’Angré, Anyama, Akoupé. Il y a eu aussi Duékoué. Comme je l’ai dit plus haut, l’église, dans ces circonstances, active la Cartas. On demande à tous les fidèles d’être généreux. Ils font des dons en espèce ou en nature dans les paroisses. Les chrétiens ont réagi fortement. Jusqu’à hier encore (mardi) des donateurs nous ont apporté du riz. Parce les déplacés sont nourris sur les sites d’accueil. A Saint Ambroise par exemple, ils ont droit à trois repas par jour (petit-déjeuner, déjeuner, diner). Et comme le temps de Carême est par excellence le temps du partage, nous nous attendons à plus de dons. Les privations qu’on fait ne sont pas destinées à une épargne. Elles servent d’aumônes pour les pauvres.

Cette période est aussi marquée par des saccages ou incendies de mosquées par des jeunes manifestants. Qu’est-ce explique, selon vous, que les mosquées soient visées ?
Je voudrais d’abord dire que rien ne peut expliquer cela. La seule chose qui puisse l’explique, c’est le fait que certaines personnes auraient bien voulu que cette crise bascule sur le terrain religieux. Mais je pense que les guides religieux et même les fidèles ont conscience que ce serait une catastrophe. Je voudrais dire aussi les mosquées ne sont pas les seuls lieux de culte touchés. L’église St Joseph d’Abobo a reçu des cocktails-Molotov.

Peut-on comparer un tel cas qui semble accidentel aux attaques mosquées qui ressemblent fortement à des actes prémédités ?
Les informations que nous avons reçues disent que ce qui s’est passé à l’église St Joseph n’était pas accidentel. Il nous revient que ce sont des manifestants (du Rhdp) qui, après avoir été gazés par les forces de l’ordre, se sont retrouvés dans ce quartier et ont lancé ces cocktails-Molotovs. Ce des jeunes du quartier, donc ils les connaissent. Pour nous, l’essentiel, c’est qu’il ne faut pas profaner, ni détruire un lieu sacré. C’est important pour nous. Nul n’a le droit de ne pas respecter le sacré de l’autre. Nous condamnons cela.

Quel message avez-vous pour les jeunes chrétiens qui participeraient aux incendies de mosquées ?
Je ne sais pas si ces casseurs sont des chrétiens ou des musulmans, parce que celui qui pose un tel acte n’est pas un homme de foi. Celui qui est croyant ne peut pas poser un tel acte. Pour celui qui le pose n’est pas chrétien. Il n’est pas musulman non plus. Parce que ces différentes confessions religieuses n’appellent leurs fidèles pas à violer l’espace religieux de l’autre.

Qu’avez-vous à dire aux fidèles des mosquées attaquées à la communauté musulmane dans son ensemble ?
Nous avons, à travers le Forum des confessions religieuses condamné l’attaque des mosquées. Nous avons visité les deux mosquées détruits à Yopougon. Et pour la circonstance, le nonce apostolique a effectué le déplacement. Nous l’avons fait dans le cadre du forum, mais l’église catholique parle. A travers l’évêque de Yopougon, avait décidé de rendre visite aux communautés sinistrées, avant même que le forum n’arrive. L’évêque avait déjà envoyé son chauffeur, qui est musulman, pour avertir les imams(…). Finalement il a profité de la visite du forum pour les rencontrer. Et l’église, sensible à ce qui s’est passé, va poser un acte. C’est évident. Avec les responsables, on décidera et on viendra. Nous avons écouté les responsables des mosquées victimes, nous avons vu leurs besoins. D’abord en tant qu’humain, et ensuite en tant hommes de foi, nous ne pouvons pas rester indifférents devant la souffrance de nos frères.



Interview réalisée par Cissé Sindou
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