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Politique Publié le samedi 19 mars 2011 | Le Nouveau Réveil

Epitre n°1 à M. Laurent Gbagbo :/ “Tout est accompli !”

Bonjour monsieur le Past Président,
J'ai décidé de vous adresser une épitre par jour, jusqu'à ce que vous quittiez le pouvoir d'une façon ou d'une autre. Je préfère vous le dire brutalement, parce que très souvent, les tournures diplomatiques sont source d'incompréhension. Combien de lettres vous adresserai-je avant l'échéance que je me suis fixée ? Une, deux, dix, trente, cent ? Je ne sais pas, mais qui vivra verra !

Monsieur le Past Président,
Je vous appelle ainsi parce que je sais que vous n'aimez pas les expressions du genre " ancien Président, Président sortant, ex-Président ", etc. Je le sais parce que l'un de vos innombrables conseillers à la communication, une connaissance à moi, a passé la moitié de la journée d'hier à expliquer à des responsables de l'AFP à Paris, qu'il déteste que les médias notamment français (les autorités et institutions françaises sont les souffre-douleurs de votre politique) vous appellent ainsi. Alors je ne vais pas vous fâcher en utilisant des termes que vous avez en horreur, même s'ils reflètent la terrible réalité. Je sais aussi que votre éternel procureur de la République du Plateau déteste aussi cette appellation. Je ne veux pas perdre une seule seconde de mon temps à me retrouver en face de lui ou en face de l'un de ses substituts, à répondre à des questions aussi vaseuses que creuses, donc je préfère vous appeler " Past Président ". Le terme " Past " a le mérite d'être à la fois beau et sans signification, du moins en français. Bref.

Monsieur le Past Président,
Je vous le dis aussi brutalement : vous me décevez. Vous le " woody " de Mama, le garçon pile de Gagnoa, le guerrier plein de Treichville, le rempart de Cocody, l'homme aux dix-huit trous, la fourmi magnan sur colatier, la bête noire de la France, vous, dis-je, vous annoncez un discours que vous n'arrivez pas à prononcer depuis près d'une semaine ! Vous me décevez. Mais en même temps, je vous comprends. Je vous comprends, car votre déception à vous est certainement plus grande que la mienne. En effet, vous aviez annoncé ce grand et historique discours le samedi dernier. Au moment où vous l'annonciez " pour les heures qui suivent ", vos combattants amenés par le patron de votre garde prétorienne, le général Dogbo Blé, lançaient l'assaut prétendument final sur Abobo, surnommé Badgad, et à juste titre.
Rappelez-vous, vos derniers combattants disaient ce jour-là, " ça passe ou ça casse ". Et ça n'est pas passé. Votre grand discours de Napoléon-le-Conquérant, vous l'avez soigneusement rangé dans votre poche de Général-Lee-le-looser. Vos combattants vous ont convaicu que ce n'était que partie remise, et vous avez encore remis l'adresse à la nation pour " les heures qui suivent ". Les heures qui ont suivi vous ont cependant surpris. Le " commando invisible " d'Abobo désormais bien visible dans la capitale économique a exporté sa tactique qui consiste à harceler et à tourmenter vos combattants de façon aléatoire et intermittente, jusqu'à leur étourdissement (c'est la technique dite du moustique mâle), en plein cœur de Yopougon, votre Yopougon. Quelle audace ! Le " commando invisible " désormais bien visible ne s'est pas arrêté là. Il a osé s'attaquer au camp de la CRS de Williamsville et s'est payé le luxe de s'y servir, et copieusement, en carburant. Depuis hier, il applique sa tactique du moustique mâle au Plateau (camp Galliéni) et à Cocody (RTI), les deux communes qui représentent tout ce qui reste de votre pouvoir chancelant.

Monsieur le Past Président,
Comment dans ces conditions, pouvez-vous parler à votre peuple qui vous aime tant et si bien que le 28 novembre dernier, il vous a si gentiment gratifié d'un lamentable 45 % ? Je le répète, je vous comprends. Vous êtes arrivé à ce point où vous voulez vous accrocher à n'importe quel petit espoir. Mais il n'y a même pas un millième de micron d'espoir qui puisse soulager votre conscience de commandant en chef de troupes combattantes. Hier, vous avez encore rangé votre discours car quelques heures auparavant, le Président Ouattara (excusez-moi, si je n'ajoute pas le qualificatif " Past ") a posé avec des dizaines d'officiers et de vrais et dignes, de notre armée nationale. Quelques minutes avant votre hypothétique discours, votre grand allié, M. Jacob Zuma, vous envoyait un violent pavé dans la mare de votre détresse croissante, en affirmant, solennellement au Parlement sud-africain que vous avez perdu l'élection et que vous devez dégager (excusez-moi pour ce terme, je l'emploie parce qu'il est à la mode). J'avais prévenu vos proches que M. Zuma vous utilisait pour connaître un rayonnement international personnel et négocier la place de son pays au sein des membres permanents du Conseil de sécurité. Comme toujours, enfermés dans le carcan de leur fanatisme, ils n'ont pas voulu décrypter sereinement, et vous avec eux, les positions sibyllines de M. Zuma. M. Zuma a utilisé une technique bien connue de vous : la boulangerie.

Monsieur le Past Président,
Je n'attends personnellement rien de votre discours. Mais j'attends que vous sortiez enfin de votre bulle désespérée et compreniez une chose pourtant si évidente, mais que vos yeux aveuglés par la détermination d'une lutte sans sens (vous avez perdu l'élection et vous le savez) ni lendemain, refusent obstinément de voir : tout est accompli !
A lundi, si Dieu le permet.

André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
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