x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le lundi 21 mars 2011 | Le Temps

Interview/ Révérend Ediémou : «Les solutions pour sortir de la crise»

© Le Temps Par Emma
Présidentielle 2010 - Le premier ministre Guillaume Soro échange avec les religieux avant la proclamation des résultats
Mardi 2 novembre 2010. Abidjan. Primature. Photo: le Senior évangéliste Ediémou Blin Jacob, chef de l`Eglise du Christianisme céleste, Mgr Kutwa, chef de l`Eglise catholique, et le Cheick Boikary Fofana, chef de la communauté Musulmane, face à la presse
Chef du diocèse de l’Eglise du christianisme céleste de Côte d’Ivoire et président du forum des confessions religieuses, Ediémou Blin Jacob se sent doublement interpellé par la crise aigüe qui secoue la Côte d’Ivoire. Il en dissèque les causes et en ébauche des pistes solutions. Interview !
Lors du 2e tour de l’élection présidentielle, vous confiiez à la presse que quelque chose allait se passer. Est-ce ce que nous vivons, aujourd’hui ?

Je voudrais remercier Dieu. Et remercier votre journal de me donner l’occasion de dire ma part de vérité. Merci pour votre question relative à la journée du 28 novembre. Nous disions ce jour que quelque chose allait se passer. Dieu est visible et invisible. Le 28 novembre, c’était la date de la fête de la moisson. Et le prophète Oshoffa dans ses révélations avait déjà prévu cette date. Dieu ne fait rien sans révéler au préalable à ses prophètes. C’est pourquoi, nous avons dit que quelque chose allait se passer. Mais nous pouvions aller plus loin. Nous connaissions les résultats. Mais si nous donnions les résultats, à quoi auraient servi la Cei et le Conseil constitutionnel. Ce que nous avons dit, c’est ce qui se passe, en ce moment.

Trois jours après l’élection présidentielle, la machine électorale est restée bloquée. Il se dit que vous avez rencontré le Premier ministre dans ce laps de temps. De quoi avez-vous parlé ?
Ce n’est pas Ediémou qui a rencontré le Premier ministre Soro. C’est le collectif des leaders religieux. Avant le 1er tour, nous avons rendu visite aux candidats. Après les résultats, nous leur avons à nouveau rendu visite. Au second tour, nous avons fait pareil. Nous les avons félicités, en leur demandant de parler à leurs partisans jusqu’à la proclamation des résultats par la Cei. Tous nous ont rassurés. Malheureusement, les choses ne bougeaient pas. C’est ainsi que nous nous sommes rendus au Golf pour dire au Premier ministre (Ndlr, Soro) de tout faire pour qu’on ait les résultats. Avant d’aller voir le Premier ministre, nous avons rencontré M. Choi pour avoir une idée de la certification. Après son exposé, je n’ai pu placer un mot. Et je sentais ce qui arrive aujourd’hui. Par la suite, nous sommes allés voir Yao N’Dré (ndlr, président du Conseil constitutionnel). Nous Ediémou, nous lui avons dit qu’il est le Dieu de la Côte d’Ivoire. Sa parole va nous délivrer ou elle va nous noyer. Il était bon pour nous qu’il déclare le président Gbagbo vainqueur, en attendant que le vote soit repris dans les zones où il n’y a pas eu de consensus à la Cei. Nous savions que quelque chose allait se passer. Nos dires sont basés sur des révélations. Quand nous l’avons quitté, nous avons appris qu’il a déclaré le président Gbagbo vainqueur.

Revenons à l’Hôtel du Golf. Lorsque vous demandiez à Guillaume Soro de tout faire pour donner les résultats, était-il en compagnie du président de la Cei, Youssouf Bakayoko ?

Nous ne savons pas. Nous sommes allés le voir parce que pour nous, c’est lui l’arbitre. J’étais avec l’archevêque (Ndlr, Mgr Kutwa), l’imam Koudouss, le Cheick Boikari, Paul Ayo. Nous avons dit au Premier ministre de tout faire pour donner les résultats, ce jour-là. Je ne peux donc pas confirmer si Bakayoko était là-bas.

Vous demandez à Guillaume Soro de tout faire pour donner les résultats, alors que des régions constituaient des points d’achoppement. On ne vous suit pas…

Nous avons dit que c’est la Cei qui doit, en premier, donner les résultats. Nous nous acheminons vers la fin du délai de trois jours. Si nous n’avions pas les résultats, la Cei allait être forclose. En tant qu’accompagnateurs, nous avons demandé à l’arbitre de tout faire pour éviter cela.

Ce que vous craigniez est arrivé. La Cei était forclose. Malgré tout, Youssouf Bakayoko a donné les résultats. Qui plus est, au Golf, Qg du candidat du Rdr. vous a-t-on tenus informés ?

Nous ne sommes pas des politiciens. Nous accompagnons le processus. Spirituellement, nous jouons un rôle. A un moment donné, notre pouvoir s’arrête. Nous avons appris comme tout le monde par les médias.

Comment avez-vous accueilli ces résultats ?

Nous le disons encore une fois. C’est la Cei et le Conseil constitutionnel qui doivent donner les résultats. Nos sentiments importent peu. C’est la réaction des protagonistes qui comptaient. Nous, nous sommes pour la paix. Peu importe celui qui remporte les élections.

Quelques heures seulement après ces résultats, l’arbitre Guillaume Soro, vire dans le camp de Ouattara, en tant que son nouveau Premier ministre. Un commentaire ?

C’est un choix politique. En tant que religieux, je n’ai pas de commentaire à faire. Pour nous, en tant qu’arbitre, il devait attendre que tout soit bien fini. Mais Guillaume Soro est adulte, donc libre de ses choix.

La situation du pays est extrêmement volatile. Pour vous, d’où est venu le mal ?
Je me replonge dans la prophétie d’Oschoffa. Je répète que l’homme est corps et esprit. La Côte d’Ivoire est corps et esprit. Il y a un esprit en Côte d’Ivoire. Papa Oschoffa dit : « la Côte d’Ivoire est un pays béni, le président Houphouët est béni, et Dieu l’a choisi pour ce pays ». Le président Houphouët préparait l’avenir de la Côte d’Ivoire avec un successeur. En tête, le président Bédié. Il était convaincu que le Président Bédié allait poursuivre son œuvre. Mais, il s’est rendu compte que cela allait être difficile. Son rival réel était le président Gbagbo. Houphouët a envoyé le Premier ministre Alassane pour aider Bédié à poursuivre son œuvre. Le président Gbagbo qui est un élu de Dieu a dénoncé indirectement cette arrivée. Ce que vous devez savoir, c’est que cette crise physique a commencé depuis longtemps, spirituellement. Le prophète Oschoffa m’a dit que je devais aider la Côte d’Ivoire à se redresser. Et a prévenu que celui qui divise son église, sa famille sera divisée, son pays sera divisée. Le Pdci, à la mort du «vieux» est divisé. Bédié et Alassane se battent. Le diable a rapproché Gbagbo d’Alassane pour combattre Bédié. Le diable a agi et le président Gbagbo a coopéré avec Alassane au Front républicain. Il y a eu le coup d’Etat. Et par la suite, tout est allé vite pour le président Gbagbo. Grâce à Honoré Guié. Pour ne pas qu’Alassane soit président, il y a eu l’article 35. Quand la crise a commencé, au lieu de prendre une résolution pour faire d’Alassane un candidat, on touche la Constitution. On utilise l’article 48. L’article 35 est-il valable ? N’est-il pas valable ? Oh, le diable ! Le président Gbagbo prend l’article 48 et Alassane est candidat. Commence alors la bataille. Ce qui se passe est hautement spirituel.

La rumeur vous a annoncé à l’investiture de Ouattara ? Qu’en est-il exactement ?
Votre question est la bienvenue. Tous ceux qui ne m’ont pas vu au Palais ont dit que j’étais à l’investiture du président Ouattara. Moi, Koudouss, le Cheick Aboubakar et Mgr Kutwa, nous étions à l’archevêché. Nous n’avons pas eu une invitation officielle de la part de président de la République.

Lequel ?

Le président Laurent Gbagbo.

Allez-y !

Donc, nous espérions avoir un coup de fil. Nous n’avons pas eu de coup de fil et nous avons décidé d’envoyer des représentants. Nous n’étions ni au Palais, ni au Golf. Nous étions bel et bien à l’archevêché. On m’a appelé pour dire qu’on m’a vu sur France 24. Moi, je n’ai pas honte de mes opinions. Quel que soit ce que ça va me coûter. Je n’étais à l’investiture de Ouattara, ni à celle du président Gbagbo.

Vous étiez parmi ceux qui ont reçu les experts de l’Union africaine. De quoi a-t-il été
question ?

Il s’agissait de dire notre point de vue sur la crise. Nous avons dit que nous n’avons pas été informés des rôles de la Cei, du Conseil constitutionnel et de l’Onu, avec la certification. Le mal venait de là. Nous leur avons demandé de tout faire pour sortir la vérité. Qui de la Cei, du Conseil constitutionnel et de la certification avait le dernier mot. Pour nous, le panel devait tirer tout ça au clair.
Apparemment, le panel n’a réussi à démêler l’écheveau. Puisque l’Ua est restée sur sa première déclaration, à savoir, le président élu, c’est Ouattara…

On attend toujours qu’on nous dise, qui de la Cei, du Conseil constitutionnel et de la certification intervient en dernier lieu. Quand l’Ua dit que c’est le Conseil constitutionnel qui doit investir Alassane, c’est pour qu’on se batte. Tout est ambiguë. La politique, c’est l’art de tricher et de déplacer les solutions. Il faut qu’on arrive à être dans la droiture de Dieu.

Quelle est la droiture de Dieu, au moment où tout semble être bloqué, au moment où les positions se radicalisent chaque jour un peu plus ?

Dieu a déjà décidé. Les hommes doivent nous dire qu’au cours des réunions il a été décidé que telle Institution est au-dessus de l’autre. Lmp dit que la Constitution est valable. Rhdp dit pour sa part que la Cei est valable. Nous croyons que les deux camps ont raison.

La Cei donne les résultats provisoires, le Conseil constitutionnel les résultats définitifs. C’est écrit noir sur blanc…

Et la certification ?

Elle devait intervenir en aval…

C’est ce que vous dites. L’Ua n’a pas fait sortir cela dans son rapport. Chacun interprète à sa manière. On peut régler cette affaire-la en lisant les accords.
Au premier tour, la Cei a donné les résultats provisoires, le Conseil constitutionnel a donné les résultats définitifs. La certification a bouclé la boucle. Pourquoi, selon vous, on a changé les choses au deuxième tour ?

Je ne vous apprends rien quand je vous dis que la Conseil constitutionnel a donné le 21 novembre 2010, comme date du 2e tour de l’élection présidentielle. Et que la Cei a préféré le 28 novembre 2010. A partir de là, il y a eu un conflit de compétence. On est passé là-dessus sans y prêter attention. L’Ua doit pouvoir dire parmi les trois acteurs clés du processus, c’est la voix de celui-là qui compte. Dès cet instant, la crise va se régler rapidement. Nous serons à l’aise pour demander à celui qui n’a pas les faveurs des textes qu’il doit s’effacer pour sauver le pays. Ce pays est béni, donc on doit tout faire dans la justice. Et la justice est dans les deux camps. Pour la gloire de Dieu, je suis prêt à m’investir pour une issue négociée de la crise.

La violence s’est installée. Les Ivoiriens ont peur. Qu’avez-vous à dire aux auteurs
des crimes ?

Nous sommes des frères dans ce pays. Le diable veut que nous nous détruisions. La vie est un don de Dieu. Les catastrophes naturelles déciment des milliers de vie ailleurs. Ici, Dieu nous épargne de cela. Pourquoi devons-nous nous entre-tuer. Quand on touche les femmes, ça fait peur. Chaque jour, il y a des morts. Ne laissons pas le diable nous utiliser pour nous détruire. Il faut éviter de tomber dans une guerre religieuse. Les lieux de cultes sont sacrés. Nul n’a le droit de s’y introduire avec des armes. Les militaires ou toute autre personne doivent épargner les lieux de culte. Je prie pour que l’âme de ceux qui sont tombés repose en paix.
Vous avez récemment appelé Gbagbo et Ouattara à se parler. Concrètement, comment doit-on sortir de cette crise ?

Je suis trop petit. Le Président Gbagbo connaît ma loyauté et ma fidélité. Alassane également. Le Premier ministre Guillaume Soro a beaucoup aidé le forum des confessions religieuses. La politique a fini sa part dans la résolution de la crise. C’est sous le sceau de Dieu que cette crise va prendre fin. Nous sommes disposés à les faire asseoir autour d’une table pour des discussions. Ça ne sera pas facile. Mais ils doivent savoir que pour les Ivoiriens, ils n’ont pas d’autres choix que de se parler et de faire la paix. Courageusement. La guerre entraine la guerre et toujours la guerre. Si nous voulons faire seulement notre volonté, la Côte d’Ivoire sera maudite. Les deux baobabs doivent se rencontrer sous l’égide des religieux.

Interview réalisée par
Tché Bi Tché
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ