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Politique Publié le mardi 22 mars 2011 | Notre Voie

Me Cheikh Khouressy Bâ, avocat sénégalais à propos de la crise ivoirienne : “On fait un mauvais procès au Conseil constitutionnel”

© Notre Voie Par Emma
Conseil constitutionnel : le président Yao N`dré se prononce sur les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante
Jeudi 2 décembre 2010. Abidjan
Le célèbre avocat et politologue sénégalais, Me Cheikh Khoureyssi Bâ, parle dans cet entretien à l’hebdomadaire sénégalais Le Témoin, du dossier ivoirien qu’il connaît parfaitement. Depuis 1992, Me Khoureyssi Bâ est un habitué des réalités sociopolitiques ivoiriennes. Sans faux fuyants, il déballe tout sur l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Le Témoin : Maître Cheikh Khoureyssi Bâ, vous êtes présenté au Sénégal comme l’avocat de M. Laurent Gbagbo ou, à tout le moins, son ami. Que pensez-vous de la situation confuse qui règne en ce moment en Côte d’Ivoire ? Cheikh Khoureyssi Bâ : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de parler de la situation de crise post-électorale que vit la Côte d’Ivoire depuis le second tour de la présidentielle ayant opposé M. Laurent Gbagbo à M. Alassane Dramane Ouattara, le 28 novembre 2010. Je voudrais d’ailleurs vous féliciter de m’avoir donné la parole pour servir un son de cloche autre à vos lecteurs. Dans le contexte, ce n’était pas du tout évident, vu la belle et suspecte unanimité avec laquelle, à ce jour, tous les média confondus, l’on n’a tenu à servir que la seule version des pro-Ouattara, ce qui constitue à tout le moins un grave déni du droit des Sénégalais à l’information. Pour en venir à votre question, pardonnez-moi d’utiliser une allégorie afin d’expliquer en peu de mots le pourquoi de ce que vous appelez confusion. Vous avez en Côte d’Ivoire un «boulanger» de qualité et réputé, selon la formule de feu le général Guéi qui a fait florès, et en face vous avez des pâtissiers amateurs, sans expérience, qui tiennent à le faire travailler avec une pâte frelatée, qu’ils savent impropre à la consommation dans leurs pays respectifs mais dont ils sont sûrs qu’en bons nègres, même pas fichus d’entrer dans l’Histoire, ses clients devraient raffoler sans se poser trop de questions. Bien évidemment le boulanger, dont je m’honore de l’amitié profonde et de la considération, soit dit en passant, refuse énergiquement. Cela a le don d’irriter au plus haut point le club des pâtissiers, et ces derniers ameutent le monde entier parce qu’ils sont puissants, détestent qu’on leur tienne tête et que les radios, télévisions, journaux… tout leur appartient. Et c’est parti pour la plus fantastique, la plus surréaliste, la plus abominable campagne de dénigrement, de propagande, de manipulation, d’agitation et d’intoxication de l’histoire mondiale des élections… Tout cela dirigé contre un homme seul et un seul homme qui plus est a battu son adversaire. Mais ils ont oublié que derrière cet homme se tient un peuple éduqué, en osmose avec son boulanger, et qui leur lance à la figure, lui aussi : «Merci, messieurs, nous ne mangeons pas de ce pain-là !» Il demeure qu’un fait somme toute anodin a puissamment contribué à installer ce que vous appelez à juste titre confusion dans les esprits pour ternir à jamais la victoire pourtant incontestable de M. Gbagbo. Exploité avec perversité et malice par les médias internationaux, ce fait a, à juste titre, conforté les gens de foi et de bonne volonté dans le sentiment qu’il y a eu quelque chose de pas très catholique, comme une sorte de blocage ou d’obstruction tendant à empêcher la proclamation par la Cei de la victoire du candidat Alassane Dramane Ouattara. Et cela a eu pour effet de faire planer définitivement la suspicion au détriment du camp présidentiel. Je puis vous assurer qu’en s’opposant à la lecture des resultats des zones cno (centre, nord, ouest) à laquelle s’apprêtait le sieur Yacouba Bamba, porte-parole de la C.e.i., MM. Tokpa Vehi et Damana Pickas , les deux seuls représentants du candidat Gbagbo au sein du presidium de cette commission (2 sur 12 membres), ne faisaient que s’opposer à la perpétration d’un coup d’Etat planifié. Ils agissaient à ce que les pénalistes appellent l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime. C’est le cas du citoyen modèle qui assiste à la commission d’une infraction et qui agit avec les moyens dont il dispose pour s’interposer afin de sauver la victime, ou préserver l’ordre et la tranquillité publics, ou simplement arrêter l’auteur du trouble. Il vous est arrivé certainement d’assister à une scène de lynchage, par exemple, qui vous a rebuté, et vous avez pu être tenté d’intervenir afin d’aider la victime de la colère populaire. Renseignement pris, vous avez continué votre chemin après avoir félicité les gens qui se défoulaient sur la pauvre victime ou, mieux, vous êtes même allé jusqu’à prêter votre concours à la séance de supplice, en n’hésitant pas à vous comporter comme le pire des tortionnaires. Le malfaiteur venait par exemple d’être pris en flagrant délit de viol sur la personne d’une gamine à peine sortie des langes ou, peut-être, en flagrant délit de meurtre, d’ agression mortelle sur une innocente victime et l’arme du crime était encore dans ses mains ? Etc, etc. Figurez-vous que le dimanche 28 même, dès la clôture du scrutin à 17 heures, les premiers résultats étaient tombés aux environs de 23 h. Ils concernaient le grand district d’Abidjan c’est-à-dire les 13 communes dont 10 encore gagnées haut la main, comme au premier tour du 31 octobre, par le président sortant, la région des Lagunes hors Abidjan, les 9 ou 10 régions environnantes sur un total de 19 régions que compte le pays. Ces résultats ne posaient aucun problème, ayant été consolidés, c’est-à-dire recomptés, et donc faisaient l’objet de consensus, les deux critères de consolidation et de consensus étant le mode opératoire prescrit pour le fonctionnement de la C.e.i. Il ne restait plus qu’à les balancer à la Rti (Radio-Télévision ivoirienne) dont la régie mobile était garée dans l’enceinte de la commission, comme c’était le cas au premier tour. Évidemment, c’était inacceptable pour les parrains de M. Ouattara, rien que les 10 communes faisaient 42 % de l’électorat, et leur poulain y avait été écrasé par son adversaire ! Par ailleurs, la lourdeur des scores de M. Gbagbo était la preuve éclatante que la consigne de report de voix donnée du bout des lèvres par M. Konan Bédié avait été royalement ignorée. Il s’y ajoutait surtout le fait, en corrélation arithmétique avec ce non-respect du report de voix, que le taux de participation avoisinerait dans la meilleure des hypothèses les 70 %. Et ce fait avait été attesté avant même la fermeture des bureaux de vote par l’ensemble des acteurs du processus, du président de la Cei au représentant du secrétaire général de l’ONU, en passant par celui du facilitateur et les observateurs de tous horizons. La défaite de M. Ouattara, et donc la victoire de M. Gbagbo, était consommée puisque, tout simplement, le premier nommé n’avait pu obtenir que 32 % des suffrages exprimés au 1er tour avec un taux de participation exceptionnel de 86% ! Il ne restait plus qu’à annoncer ces résultats, au demeurant conformes aux prévisions de tous les connaisseurs. Pour le camp international de M. Ouattara, il ne fallait le faire sous aucun prétexte, et tant pis pour eux si les Ivoiriens sont allés au lit ce 28 novembre avec la bonne nouvelle de la victoire de leur champion ! Vous conviendrez avec moi que c’est plutôt frustrant pour un candidat doublé de président en exercice. C’est à partir de ce moment que le coup d’Etat empêché par l’astucieuse mesure d’instauration du couvre- feu a réellement pris forme, avec l’entrée en piste des deux ambassadeurs de France et des Usa et des flics journalistes dépêchés pour annoncer au monde la victoire programmée de leur candidat. Maître, le mot «coup d’Etat» revient constamment dans votre plaidoirie. Au fait, voulez-vous parler de coup d’Etat militaire ou de coup d’Etat électoral ? Peut-être les deux à la fois ! Toujours est-il que le vrai coup d’Etat consistait tout bêtement à gonfler de 9 à 10 points le taux de participation, et à allouer à M. Ouattara des scores soviétiques dans les zones centre, nord, ouest où, malgré les conditions inacceptables de déroulement du scrutin (qui n’y a été ni égal, ni libre, ni secret), il ne parvenait toujours pas à résorber le gap des voix concédées dans la partie utile et habitée du pays. Le tour était joué, et les nègres condescendants n’y verraient que du feu, encore moins après que les médias dix mille montagnes auront fini de les conditionner. Dans le même temps, puisqu’il fallait préparer les esprits, le porte-parole de la Cei, en violation délibérée du mode opératoire, s’arrangera pour balancer en catimini au monde entier de faux résultats concernant le prétendu vote de la diaspora et donnant évidemment M. Ouattara vainqueur. Pour ce faire, dans la mesure où M. Gbagbo avait assuré une victoire nette pour la diaspora rien qu’avec le vote des Ivoiriens de France, la Cei des rebelles annulera d’autorité le vote des Ivoiriens dans tout l’hexagone. Motif pris de ce que des violences avaient été perpétrées à Paris sur la personne de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire ! Alors même qu’il s’agissait là de voix réelles, contrairement au scrutin bis des zones (Centre, Nord et Ouest) où la France a fait voter le ban, l’arrière-ban et jusqu’au bout du bi du ban des morts des empires de Kong et du Mali pour faire passer son candidat. Cela dit, on fait un mauvais procès au Conseil constitutionnel. Avec une pointe d’ironie, on semble se gausser de la célérité avec laquelle il a proclamé les résultats définitifs de l’élection alors même qu’il devait statuer sur plus de deux mille procès-verbaux. Ce qu’on ignore, c’est que le schéma retenu d’accord parties pour l’organisation de l’élection avait prévu que, dès la clôture du scrutin, le pv de chaque bureau de vote était transmis en sept exemplaires, dont la haute juridiction était ampliatrice au même titre que les autres intervenants, et en temps réel. Il s’y ajoute que les pv litigieux étaient identifiés depuis le lendemain du scrutin du 28 novembre et que le travail de contrôle avait commencé dès cette date, sans compter que le camp présidentiel avait commencé à émettre ses réserves dès la fermeture des opérations de vote. En outre, ce travail a été grandement facilité par le rejet desdits pv par le logiciel du programme de comptage électronique, le nombre de votants supérieur au nombre d’inscrits apparaissant comme une grossière anomalie qu’aucune machine au monde ne peut laisser passer. NB : Le chapeau est de la rédaction de Notre Voie Propos recueillis par Pape NDiaye Hebdomadaire LE TEMOIN N°1028 ( 26 janvier 2011) Sénégal
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