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Société Publié le vendredi 22 avril 2011 | Nord-Sud

Hôpital d’Abobo : Le drame des malades

La fuite du personnel médical et le manque de médicaments ont profondément affecté le système de santé à Abidjan. A Abobo, les malades ne savent plus où donner de la tête. Reportage.

L’hôpital central d’Abobo (non loin de la mairie) ressemble à un camp de réfugiés, ce jeudi matin. A l’entrée, une ambulance vient d’arriver avec des malades, sous la surveillance de quelques éléments des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) et des agents de Médecin sans frontière (Msf). Deux jeunes gens, l’un la tête bandée, l’autre le cou muni de sparadraps, sortent de la cour pendant que les malades de l’ambulance sont évacués à leur tour dans l’enceinte de hôpital. L’affluence à la porte est impressionnante. Parents, malades, personnel soignant, éléments des Frci, etc. Il faut s’identifier à un poste de contrôle à l’intérieur avant de passer. Dans la cour, c’est un monde fou. Deux tentes blanches de Msf ont été dressées à la réception. Devant, il y a de longues files d’attente. Ce sont des malades venus se faire soigner. Ici, c’est un « service de tri ». Vu le nombre très important de malades, Msf a décidé de soigner par ordre de priorité. Le service de tri consiste donc à voir quels sont les malades dont l’état nécessite des soins médicaux d’urgence. Ces derniers sont acheminés auprès des médecins ou infirmiers à travers un dossier. Les autres devront attendre. Mory Fofana est venu avec sa fille de 9 ans, qui, dit-il, souffre de paludisme. Assis sur une pierre, sous le soleil, il tient la jeune fille sur ses jambes. Impossible de chercher de l’ombre pour s’abriter au risque de perdre sa place dans le rang. « Je suis venu depuis 8h, mais le rang est trop long et ça n’avance pas. J’espère pouvoir faire soigner gratuitement ma fille car je n’ai pas d’argent pour payer les médicaments », espère-t-il. Ici, la gratuité des soins est l’un des principales raisons de l’affluence. Dans le rang, certains se sont déjà faits examiner par le personnel soignant de Médecin sans frontière. Une dame qui souffre de fièvre typhoïde, par exemple, se voit acceptée dans l’hôpital. Elle va être soignée gratuitement, c’est un soulagement. Cependant, d’autres personnes comme Masséni Traoré, qui dit souffrir de mal de ventre, n’ont pas été admises. Le cas de Masséni est moins sérieux que beaucoup de patients. On lui a proposé des soins, mais elle ne sera pas prise en charge par l’hôpital. Dans la longue file d’attente, beaucoup désespèrent parce que le rang n’avance pas et qu’ils ont moins de chance de se faire soigner temps.

Plus de dix morts par semaine

Ce tri, a priori étonnant, semble largement justifié. Dans les locaux de l’hôpital, difficile de circuler : les malades occupent toutes les pièces. Depuis les salles de la gynécologie jusqu’à la réception. Certains, qui n’ont pas de lit, sont couchés sur des nattes, des draps. Médecin sans frontière a établi des tentes pour accueillir le surplus de malades. Mais c’est encore loin d’être suffisant. Ces tentes sont bourrées de malades. C’est là qu’ils font leur perfusion et reçoivent les médicaments. Les visiteurs sont regroupés à l’entrée des services et sont priés de libérer les lieux pour faire de la place. Le personnel médical se compte sur le bout des doigts. Ce petit nombre doit faire face à des dizaines de malades qui ont urgemment besoin de soins. D’où l’impatience et l’inquiétude de certains malades et parents de malades. « On ne s’occupe pas de nous. J’ai amené ma fille qui souffre de paludisme depuis hier, mais les infirmiers sont consacrés à d’autres cas. À peine si on lui donne des soins », se plaint un parent de malade. « Il n’y a pas assez de médecins pour s’occuper de nous. De plus, les médicaments qu’on nous donne ne sont pas suffisants », indique un malade souffrant de paludisme également. Pour certains, c’est la faim. Il estime qu’ils ne reçoivent pas de nourriture. « Si un malade ne mange pas, vous aurez beau lui donner des médicaments, il ne s’en sortira pas », témoigne un parent de malade. M. Assane Ouédraogo, l’infirmier chargé de ces malades, indique que la situation est assez dramatique. « Nous avons plus de dix décès dans la semaine. Avant-hier (Ndlr : mardi), nous avons eu deux morts, hier (Ndlr : mercredi), il y a eu trois morts », explique-t-il. Pourquoi tant de morts dans un hôpital ? « Les malades viennent très souvent dans des états déjà piteux. D’autres viennent, anémiés. Or, nous n’avons pas de sang », se justifie l’infirmier. Le manque de médicaments est une autre réalité. Avec la gratuité des soins, difficile de subvenir au besoin de tous les malades. « Médecin sans frontière nous a demandé de ne pas donner d’ordonnance aux malades, nous essayons dans la mesure du possible de les satisfaire. Concernant la nourriture, nous allons commencer à leur donner à manger à partir d’aujourd’hui (Ndlr : hier). De plus, nous sommes en train d’être approvisionnés en matériel ». Mais il faut noter un autre fait important. Le personnel de l’hôpital ne s’est pas encore mobilisé. «Nous som­mes en effectif réduit. Je viens moi-même de l’hôpital général d’Abo­bo », affirme l’infirmier. Il est aidé par une poignée d’infirmiers et d’aides-soignants. Ils reçoivent par jour, une rétribution de 5.000 Fcfa.

Les blessés sous
haute surveillance

Aux urgences médicales, la surveillance est renforcée. C’est là qu’on été acheminé les blessés de la guerre. Les visites sont programmées à 13heures. Difficile d’avoir accès aux locaux fortement surveillés par des éléments des Forces républicaines. C’est un contrôle strict. Quelques blessés déjà soignés sortent des locaux des sparadraps sur des parties du corps. Ici, la principale difficulté ce sont les cas de chirurgie. Les blessés qui doivent être opérés perdent très souvent la vie, faute de médicament et de matériels appropriés. «Il faut rouvrir les autres centres de santé et les approvisionner en médicaments pour mettre fin aux cas de décès », indique Assane Ouédraogo.



Raphaël Tanoh
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