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Politique Publié le mercredi 11 mai 2011 | Nord-Sud

Crimes contre l’humanité / Gbagbo peut-il échapper à la CPI ?

© Nord-Sud
Annan, Tutu et Robinson rendent visite à Gbagbo à Korhogo
Les membres du groupe dit des Elders (Anciens) Kofi Annan, Desmond Tutu et Mary Robinson, sont arrivés lundi matin à Korhogo, dans le nord de la Côte d`Ivoire, pour rencontrer le président ivoirien déchu Laurent Gbagbo, placé en résidence surveillée
Pour avoir laissé se refermer toutes les voies à une issue pacifique à la crise post-électorale, Laurent Gbagbo devrait voir s’ouvrir grandement, devant lui et ses proches, les portes de la Cour pénale internationale.

Certes, toutes les voies conduisant à un exil doré aux Etats-Unis ou dans l’espace européen sont désormais fermées, mais Laurent Gbagbo pourrait bien être accueilli par un pays européen. Il s’agit des Pays-Bas, siège de la Cour pénale internationale (Cpi), chargée de juger les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes contre l’humanité. Or, en l’espèce, tous les actes de violation des droits de l’Homme imputés au régime de M. Gbagbo, s’apparentent, à bien des égards, à des crimes contre l’humanité, relevant donc de la compétence des tribunaux internationaux. C’est au nom de la compétence de ces tribunaux que d’autres anciens dirigeants, notamment africains, sont déjà dans les geôles de la Cpi, à la Haye. Au nombre de ceux-ci figurent l’ancien président libérien, Charles Taylor ou encore l’ancien vice-président congolais, Jean-Pierre Bemba. Si l’ancien seigneur de guerre libérien est connu pour avoir régné d’une main de fer, sur son pays, c’est surtout pour les crimes commis en Sierra-Léone voisine par des forces militaires qui se reconnaissent en lui, qu’il est poursuivi. A son passif, 17 chefs d’accusations de toutes sortes, allant de la conscription d’enfants soldats à des crimes sexuels en passant par l’extermination dont ont été victimes, environ 200.000 personnes. Après avoir été contraint d’abandonner le pouvoir, il trouve exil au Nigeria où il sera capturé et conduit devant le tribunal spécial pour la Sierra-Léone.
S’agissant de Jean-Pierre Bemba, son défèrement devant la Cpi, s’apparente aux ennuis judiciaires de Charles Taylor. C’est en effet beaucoup plus pour des crimes contre l’humanité (crimes sexuels, crimes de guerre) commis par ses hommes en Centrafrique que l’ancien vice-président congolais est dans la nasse de la justice internationale.

La violence poursuit Gbagbo

Arrivé au pouvoir en 2000, dans des conditions ‘’calamiteuses’’, les dix ans de gestion des affaires par Laurent Gbagbo, s’en trouveront éclaboussés par plusieurs graves violations. Le face-à-face dans les rues entre les partisans de M. Gbagbo avec les militants du Rassemblement des républicains (Rdr) pour la reprise du scrutin auquel Alassane Ouattara a été empêché de se présenter, s’est soldé par plusieurs morts. C’est dans la veine de ces affrontements qu’un charnier de 57 corps a été découvert, le 26 octobre 2000, à Yopougon. Les forces fidèles à Laurent Gbagbo ont été (et continuent de l’être) soupçonnées d’être les auteurs de cette barbarie. Deux années plus tard, avec le coup d’Etat contre le régime de Gbagbo, mué en rébellion, ces actes ignobles vont se répéter dans plusieurs localités du pays mais surtout au Sud. C’est que, les partisans de Laurent Gbagbo qui accusent les nordistes et les ‘’étrangers’’ d’avoir voulu renverser leur leader, ont entrepris des actions de représailles contre ces ‘’ennemis de Gbagbo’’. Outre le charnier qui a été découvert, le 6 décembre 2002 à Monoko Zohi (120 dépouilles, dans la région de Daloa, dans le Centre-Ouest du pays) par les forces françaises de Licorne, naquit un phénomène baptisé ‘’escadrons de la mort’’. Il a consisté en une traque débouchant soit sur des enlèvements, soit sur des tueries d’opposants au régime de Laurent Gbagbo. Pour l’essentiel, ils ont dû, (déjà à cette époque), se mettre sous la protection des soldats de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (Onuci), au Golf hôtel. Le premier de ces opposants à avoir manqué de se faire tuer a d’ailleurs été Alassane Ouattara. Il n’aura eu la vie sauve qu’après avoir trouvé refuge à l’ambassade d’Allemagne, mitoyenne de sa résidence d’alors. Ce qui ne fut pas le cas pour plusieurs membres de son personnel de maison. L’autre épisode noir du règne de Laurent Gbagbo va se jouer en mars 2004. Cette année-là, le G7, une coalition des forces politiques opposées à Laurent Gbagbo, signataires, décident de battre le pavé, à Abidjan, pour exiger l’accélération de la mise en œuvre de l’accord de Linas-Marcoussis. Le chef de l’Etat d’alors, jugeant intolérable la participation de l’ex-rébellion des Forces nouvelles à cette manifestation, la réprime dans le sang. Le bilan macabre de cette répression est de 100 morts, selon l’Onuci et de 500 morts et 1000 disparus, d’après les organisateurs. Au lendemain de ces violences inouïes, les opposants à M. Gbagbo avaient déjà entamé les démarches visant à saisir la Cpi. Une démarche qui va buter contre le fait que la Côte d’Ivoire, signataire du Traité de Rome instituant la Cpi, n’a pas encore ratifié ledit traité. N’empêche, en mars 2010, à la faveur de la commémoration de l’anniversaire de cet événement douloureux, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) et surtout le Rassemblement des républicains (Rdr), ont réaffirmé leur détermination à rendre justices aux militants tombés sous les balles des forces pro-Gbagbo. Pour contourner l’obstacle de la ratification préalable du Traité de Rome, les houphouétistes disent avoir écrit à la commission des droits de l’Homme de l’Onu aux fins de saisir par son truchement, la Cpi. C’est dans l’attente de l’aboutissement de cette saisine qu’est enfin organisé le scrutin présidentiel.

L’élection, un tournant

Si globalement, les deux tours se sont bien déroulés, les organisations de défense des droits de l’Homme n’ont pas moins été saisies de plusieurs cas de violations de droits humains, notamment dans les supposés fiefs de Gbagbo où les partisans ou supposés tels (surtout les Baoulé et les Malinké) de MM. Ouattara ou Henri Konan Bédié (Parti démocratique de Côte d’Ivoire), ne se seraient pas montrés reconnaissants à l’égard de leurs hôtes, en votant Laurent Gbagbo. Mais, c’est le bras de fer qui opposera le chef de l’Etat sortant à son challenger, Alassane Ouattara, sur les résultats de la présidentielle qui occasionnera un nombre incalculable de victimes. Avant le déclenchement de l’offensive militaire visant à le chasser du pouvoir, il était reproché à Laurent Gbagbo d’avoir sur sa main, le sang de 800 personnes. Au nombre de ces victimes de la violence post-électorale dont le sort a ému le monde entier, sept femmes tuées, le 3 mars et entre 30 et 50 personnes tuées dans un marché à Abobo. Ces deux tueries spectaculaires ont été clairement imputées aux forces pro-Gbagbo. Quand sera enclenché le processus de règlement de la crise post-électoral par la force, c’est à l’Ouest que les partisans de Gbagbo vont se signaler. Constitués essentiellement de miliciens Guéré et de mercenaires libériens, ces partisans de l’ex-chef de l’Etat se sont livrés à des atrocités sans commune mesure. Quand ils ne brûlaient pas vifs, leurs boucs-émissaires, ils les décapitaient, les tuaient à l’arme lourde ou les jetaient dans des puits (comme ils l’ont fait en 2006 à Petit-Duékoué et à Guitrozon).

Qui doit juger Gbagbo ?

Certes, la justice ivoirienne a engagé des poursuites contre l’ancien homme fort d’Abidjan mais, selon toute évidence, envoyer le dossier de Laurent Gbagbo à La Haye, pourrait être la solution idéale. Et ce, pour plusieurs raisons. En effet, pour juger le chef de file de la ‘’Refondation’’, il faudra mettre sur pied, la Haute-cour de justice, compétente pour juger les hautes personnalités. Si dans les textes, ce ‘’tribunal’’ existe, il faudra le mettre en place. Outre la mise en place de la Haute-cour de justice, force est de constater que le tissu social, déchiré par plusieurs mois de crise, est encore trop fragile pour supporter un tel procès qui suscite des passions aussi bien dans le camp des parents des victimes, que dans celui des partisans de l’ancien régime. Pour preuve, tandis que les militants Rhdp accusent Alassane Ouattara, d’être trop souple avec les anciens dirigeants du pays, les partisans de Laurent Gbagbo accusent le nouveau pouvoir de maltraitance. C’est d’ailleurs au nom de cette fragilité que les autorités sierra-léonaises ou congolaises ont choisi de confier ces genres de procès aux tribunaux internationaux. Surtout que, lorsqu’on sort d’une crise telle que celle qu’a traversée la Côte d’Ivoire, il y a de nombreux chantiers de reconstruction à conduire. Confier Laurent Gbagbo à la justice internationale et ses ‘’lieutenants’’ pourrait être la parade.

Marc Dossa
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