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Art et Culture Publié le jeudi 12 mai 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Daouda Le Sentimental, artiste-musicien : ‘’Je suis le premier zouglouman’’

‘’Gbaka d’Abidjan’’ ou "Bouquet de fleurs", "Mon cœur balance" ou encore ‘’La femme de mon patron’’, etc. De la technique à la musique, un parcours et surtout de l’audace. Cet artiste chanteur l’a fait en un doigté magique. Né en 1951 à Niangoloko au Burkina, près de la frontière ivoirienne, Daouda Tou-Koné alias Daouda Le Sentimental, est un artiste-musicien, auteur et compositeur. Il ne croyait pas faire carrière dans la musique. Et pourtant, grâce à elle, il est connu dans le monde entier. Succès, carrière, musique, Burida et réconciliation nationale, Daouda Le Sentimental passe tout au peigne fin.

Où vivez-vous en ce moment ?

Je vis à Abidjan à Yopougon-Siporex mais je vais souvent à Lomé où résident ma femme et mes enfants. Ma femme est togolaise.

Daouda Koné termine ses études à l`Institut National de l`Audiovisuel à Bry-sur-Marne, près de Paris en 1975, avec le diplôme de Contrôleur Technique en poche. Quel changement a bien pu se passer pour que vous en arriviez à faire aussi de la musique ?

J'étais technicien à la RTI et la musique n'était qu'un passe-temps pour moi. C'est par hasard que des collègues de la Télé (RTI) ont découvert mes talents cachés de chanteur, et m'ont poussé presque, malgré moi, devant les cameras. Ma vie a été bouleversée du jour au lendemain et le destin a voulu que la musique prenne le dessus sur la technique. Je ne regrette rien car chacun a sa mission sur terre et la musique a apporté beaucoup de choses positives dans ma vie.

On dit de vous que vous êtes le nouveau G. G. Vickey avec vos chansons romantiques et comiques. Qu’en pensez-vous ?

J'ai appris à jouer la guitare en interprétant les chansons de G. G. Vickey, qui était ma grande idole à l'époque. Je me suis beaucoup inspiré de lui.

Dans les années 70, le rythme musical reggae exerçait une influence sur les artistes chanteurs de l’époque. Pourquoi Daouda Le Sentimental n’a-t-il pas été dans ce moule-là ?

C'était plutôt la musique congolaise qui prédominait dans les années 70 à côté d'une nouvelle musique pop inspirée de la musique américaine avec François Lougah, Bailly Spinto, Bozambo, Nguessan Santa et bien d'autres. Le reggae est arrivé au début des années 80 avec l'avènement d'Alpha Blondy. Moi, je faisais plutôt de la variété parce que je ne pratiquais pas un rythme précis. Et les journalistes ne savaient pas dans quelle catégorie me classer.

Ce qui était important pour moi, c'était les textes et les mélodies, et le rythme dépendait de la mélodie.

Comment vos collègues sont-ils arrivés à démasquer vos talents de chanteur-compositeur?

C'est après le succès retentissant de mon passage à l'émission "Dimanche pour tous" avec la chanson "Gbaka" jouée en live avec l'orchestre de la RTI, que tout s'est déclenché. J'étais devenu un phénomène dans le monde musical ivoirien. Georges Benson décide alors de créer un label pour produire le disque de ‘’Gbaka d'Abidjan’’. Et c'est ainsi que Moya Production est née et Georges Benson est devenu producteur à cause de moi. C'est cette même structure qui a lancé six (6) ans plus tard Alpha Blondy.

Pourquoi portez-vous le pseudonyme ‘’Daouda Le Sentimental’’ ?

Malgré le thème de "Gbaka" et de mon deuxième disque "Le villageois" sur la vie à Abidjan, mes chansons parlent beaucoup plus d'amour d'où le surnom de "sentimental" qu'on m'a donné. C'est pourquoi j'ai voulu que mon premier album soit dédié exclusivement à l'amour. Et c'est l'album qui a lancé ma carrière internationale. Je suis encore surpris de voir que même les plus jeunes connaissent par cœur ces chansons aujourd'hui.

Pourquoi les thèmes que vous traitez dans vos chansons sont-ils liés aux scènes conjugales ou sociales ?

J'observe beaucoup et j'écoute beaucoup ce qui se passe dans la société qui m'entoure. Je m'inspire tout simplement du quotidien des gens ordinaires dans leur vie familiale ou communautaire avec les différentes facettes de notre société. Je suis le premier zouglouman sans le tam-tam...

Premier zouglouman sans le tam-tam. Que voulez-vous dire concrètement? Pouvez-vous être plus clair?

Le zouglouman chante les faits de société et la vie quotidienne des gens du quartier, comme moi, depuis "Gbaka" jusqu'à ce jour. Seulement, eux, ils ont en plus les percussions, le rythme et la danse. J'étais le premier à chanter surtout en français alors que chacun chantait dans sa langue maternelle. J'utilisais le français populaire de Côte d'Ivoire. D'ailleurs, c'est moi qui ai créé les expressions "Abobo la guerre" et "Yopougon la bagarre" dans "Gbaka" pour surnommer ce qu'on appelait alors "Abobo gare" et "Yopougon gare". Il fallait lutter tous les soirs pour embarquer dans les ‘’Badjans’’ et rentrer à la maison. J’habitais déjà Yopougon-Siporex dont je suis l'un des tout premiers résidents depuis 1975. Voilà pourquoi je dis que je suis le premier zouglouman mais sans le tam-tam. (Rires)

Quelle anecdote accompagne votre album "La femme de mon patron", enregistré en 1985 sous la direction de Alhadji Touré, avec la participation des meilleurs musiciens camerounais du moment tels que Toto Guillaume et Jules Kamga ?

En 1984, je vivais à Paris (France) et c'était quand le rythme Makossa camerounais était au sommet de la musique africaine. Moi, je voulais utiliser les meilleurs musiciens du Makossa sans faire du Makossa, et Alhadji Touré était le meilleur arrangeur du moment. J'ai eu le culot de les solliciter alors que leurs cachets étaient bien au-delà de mes maigres moyens. Mais, ils ont tous accepté de m'aider pour des cachets minimum. Mon audace a payé puisque je continue de bénéficier du succès extraordinaire de "La femme de mon patron" jusqu'à ce jour.

Est-ce que vous vous attendiez à ce succès ? Selon vous, pourquoi le succès a-t-il été presqu’immédiat ?

Non, je ne peux pas dire que je m'attendais à un tel succès même si j'en rêvais. Et, je crois que ce succès est dû à la qualité des arrangements d'Alhadji Touré, du travail des musiciens et enfin des paroles et de la mélodie de la chanson.

Vous enregistrez en 2000 à Washington, avec l’arrangeur Georges Kouakou, l`album "Sentimental 2000", et en 2007 vous enregistrez et coproduisez un nouvel album de 14 titres.

Les deux albums passent inaperçus. Est-ce à dire que vous n’avez plus d’inspiration ?

L'album de 2000 n'a pas bénéficié de promotion ni à la Radio ni à la Télé, parce que je n'ai pas pu venir au pays à cause de la crise après les élections présidentielles. Celui de 2007 par contre m'a permis de faire mon come back sur le devant de la scène musicale nationale et africaine. Et, j'en suis très satisfait. Le public a bien aimé le duo avec la charmante Bétika. Un nouvel album est déjà prêt à sortir dès que la situation du pays se rétablira.

Quel bilan faites-vous de vos 35 ans de carrière ?

Après 35 ans, quand je vois l'intérêt que le public continue d'avoir pour mes chansons, toutes générations confondues, je suis assez fier de mon parcours. Et même si je ne suis pas millionnaire, la musique me rapporte régulièrement assez de revenus pour subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. Sans oublier les autres avantages indirects.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la musique ivoirienne aujourd’hui ?

J'étais invité récemment pour un show au Cameroun et j'étais très agréablement surpris du succès des chansons ivoiriennes là-bas. Quoi qu'on dise du Coupé-décalé, c'est la musique ivoirienne qui fait danser les gens partout maintenant. Le zouglou aussi s'est bien imposé au-delà du continent. C'est à nous d'en profiter pour montrer d'autres belles facettes de notre grande créativité artistique.

Le Burida a été totalement confié aux artistes. Pensez-vous objectivement qu’ils sauront être à la hauteur, en ce qui concerne la gestion de cette maison ?

Je ne sais pas quoi dire du Burida après toutes ces années d'espoir déçu mais je veux quand même faire confiance à mes collègues qui en ont la charge maintenant. J'ose espérer que les choses iront mieux.

Le fléau de la piraterie gangrène le secteur des œuvres de l’esprit. Avez-vous des solutions miracles pour juguler cette ‘’guerre’’ faite aux artistes du monde entier ?

Je ne pense pas qu'il y ait une solution miracle contre la piraterie mais il faudrait envisager de réduire d'abord le prix de vente des Cd originaux, pour qu'ils soient à la portée de la poche de la grande majorité des mélomanes. Qui se rabattent sur les produits pirates ou de contrebandes moins chers et de mauvaise qualité.

Aujourd'hui, en Côte d’Ivoire, l'on parle de plus en plus de réconciliation nationale et de paix. Pensez-vous que cela a des chances d'aboutir ?

On nous a trop divisés et nous nous sommes entredéchirés pour rien. C'est dans la tolérance, malgré nos différences, que nous devons nous pardonner pour nous réconcilier.

La musique adoucit les mœurs et doit unir tous les cœurs. Les artistes doivent contribuer à la cohésion sociale et non attiser les tensions... Cela dépend des Ivoiriens eux- mêmes. C'est dans l'égalité, la fraternité, la liberté et l'unité qu'on doit se comprendre pour vivre ensemble.

Réalisée par Krou Patrick
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