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Politique Publié le vendredi 13 mai 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Ces morts ‘’sans grades’’ et ‘’anonymes’’Mme Salimata Porquet, Pdte du Repfeco : ‘’Les tueries des femmes ont donné du contenu à notre plaidoyer’’

Présidente régionale du Réseau Paix et Sécurité des femmes de l’espace Cedeao, Mme Salimata Porquet a sillonné plusieurs capitales en Afrique, en Europe et en Amérique dans le cadre du plaidoyer de cette organisation pour une implication plus forte de la communauté internationale en faveur du dénouement de la crise postélectorale Ivoirienne. Leader des organisations féminines de son pays, elle estime que les tueries contre les populations vulnérables notamment celles des femmes ont aidé à la prise de décisions urgentes au niveau international. Et lève un coin de voile sur son nouveau plaidoyer. A savoir une forte implication des femmes « architectes de la paix et du développement durable » dans les programmes de reconstruction post-crise et de réconciliation nationale. Entretien…
Selon des premiers chiffres, la crise postélectorale a fait au moins 3000 morts. Que vous inspire ce bilan ?
C’est un sentiment de profonde consternation. Et je m’incline très respectueusement devant la dépouille de tant de victimes innocentes. Vous devez savoir que sur ces 3000 morts, à 98%, il n’y a que de pauvres innocents. Les femmes et les enfants qui n’ont rien à voir avec la palabre des politiciens ont été les plus grandes victimes. Les femmes, les jeunes et les enfants ont été les premières victimes collatérales de la crise. Et les tueries orientées contre ces cibles vulnérables, contre ces personnes innocentes nous ont interpellées. Le Repfeco qui est le creuset de toutes ces organisations s’est donc mobilisé pour le respect du verdict des urnes. Pour nous, sans la démocratie, la promotion des droits de l’Homme et partant ceux des Femmes était un combat perdu d’avance. Nous nous sommes mises alors en mission. Nous avons donné de la voix pour que les tueries cessent, pour que cessent les souffrances des femmes et partant du peuple Ivoirien.

Pourquoi d’après vous, les pauvres, les anonymes ont-elles été les grandes victimes de cette crise postélectorale ?
Il faut dire que cette crise postélectorale était un combat de conservation du pouvoir. Pour garder le pouvoir d’Etat, la mouvance présidentielle sortante a fortement sollicité le suffrage des masses populaires. Il se trouve que les entités sociales de ces masses plus attentives au changement, ont tourné le dos à la Majorité Présidentielle (LMP) pour s’ouvrir au candidat du RHDP. Un tel choix n’ayant pas été accepté, les éléments armés de LMP feront payer le choix de l’adversaire politique à la place de leur mentor à ces entités notamment, les pauvres, les anonymes, les communautés vulnérables dont les femmes et mêmes des communautés religieuses et ethniques. En outre, ces cibles sont vulnérables en général du fait de leur situation sociale précaire. Elles ne peuvent ni organiser leur protection ni quitter rapidement leurs milieux de vie à la recherche d’un semblant de sécurité. Ce sont autant de raisons qui font des masses populaires les grandes victimes de ce conflit. Ces femmes qui sont tombées lors de cette marche à Abobo n’ont eu pour seul tort que d’avoir marché pour réclamer le respect du verdict des urnes. Celles qui sont décédées dans un marché de la même commune étaient à la recherche de leur pain quotidien. Ces pauvres innocentes n’étaient pour rien dans la crise postélectorale sont tombées parce que des obus tirés à l’aveuglette par les forces Pro-Gbagbo ont atterri et explosé dans leur marché.


Pensez-vous que si les premières victimes étaient des personnalités connues, d’envergure nationales ou internationales, cette crise postélectorale aurait fait long feu et plus de trois mille morts ?
Les tueries de personnalités ou de personnes anonymes n’étaient pas la solution à ce contentieux. Moi, je suis contre les tueries que ce soient des anonymes ou des personnalités. J’estime qu’on aurait pu éviter tous ces morts, tout ce dégât humanitaire et cette humiliation historique si la haine n’avait pas habité les cœurs, si le réflexe démocratique avait été au rendez-vous. C’est d’ailleurs le sens de notre démarche qui s’inscrivait à la fois dans une optique de plaidoyer mais également de responsabilisation des décideurs tant bien internationaux, régionaux que nationaux vis-à-vis des détentrices et détenteurs de droit à une paix, à une sécurité inclusive et durable en Côte d’Ivoire.

Vous le regrettez certes. Mais est-ce que les tueries dans les masses populaires ont eu un véritable impact sur la sortie de crise ?
Je dirais oui tout de suite. Dans le cadre du plaidoyer, nous avons été dans plusieurs pays à l’extérieur où nous avons eu des entretiens de haut niveau. Nous avons par exemple été reçu le 08 mars en Finlande par M. Alain Leroy qui avait à ses côtés tous les fonctionnaires du système Onusien en charge du maintien de la paix. A cette rencontre, les tueries de femmes lors de cette marche à Abobo qui ont été fortement médiatisées, ont donné du contenu à notre plaidoyer pour la prise de décisions urgentes de sortie de crise. A ces tueries, sont venues s’ajouter celles des femmes du marché d’Abobo. Ce sont entre autres, des faits que nous avons exposés lors de notre mission citoyenne et humanitaire. Et, je pense avoir été entendue puisque peu après la rencontre des Chefs d’Etats de la Cedeao à Abuja où nous avons eu à prendre la parole, une résolution importante a été prise à l’unanimité au conseil de sécurité de l’ONU. Je peux donc dire que de manière spécifique, les tueries des femmes lors de la marche de protestation contre le hold-up électoral et les obus des forces pro-Gbagbo ayant tué 40 commerçantes du grand marché d’Abobo ont donné du contenu à notre plaidoyer au niveau international. Et, cela a abouti à la prise de décisions urgentes dont la résolution onusienne interdisant les armes lourdes. Ce qui a permis de réduire les dégâts lors de la bataille d’Abidjan et accéléré la fin de la belligérance armée.

Pour vous quelles sont les priorités aujourd’hui ?
Bien avant, j’aimerais faire observer que la Côte d’Ivoire est un pays exceptionnel qui a à sa tête aujourd’hui un Chef exceptionnel. J’aimerais lui rendre hommage pour d’une part son sens du respect de la dignité humaine. Ce qui l’a amené à donner des consignes fermes pour que l’ex couple présidentiel soit traité avec dignité. Et d’autre part, le respect de son engagement de faire payer deux mois de salaires aux fonctionnaires et la mise en place d’une Commission Vérité et Réconciliation. La mise en marche de la réconciliation est salutaire. Mais, il y a un travail de réadaptation psycho sociale à faire. Il faut à propos, installer des cellules d’écoute dans toutes les communes.

La composition de la commission Dialogue, Vérité et Réconciliation est diversement appréciée dans la société civile nationale. Peut-on savoir pourquoi cette structure fait-elle tant l’objet de débats et de controverses ?
Le processus de réconciliation est tellement important que nous n’avons plus le droit à l’erreur. Le Forum de la réconciliation nationale a échoué parce que ses recommandations n’ont pas été appliquées avec rigueur et fermeté. Nous ne voulons plus connaître la même infortune. Il faut dire que chaque pays a sa manière d’organiser la réconciliation nationale post-crise. Quand, je me réfère au cas Béninois, ce sont les groupes constitués de la société civile, qui, au terme d’états généraux, ont désigné les membres de la commission et fixé l’orientation des travaux et attributions des membres. Ce fut une belle expérience qui aurait pu être exploitée chez nous. En Afrique du Sud, le choix du président de la Commission a été porté sur l’Archevêque Desmond Tutu. Mais chez nous, le président Alassane Ouattara a porté son choix sur une personnalité politique. En l’occurrence l’ex premier ministre Charles Konan Banny. Ce choix est difficilement attaquable dans le fond car, il fut le seul locataire de la Primature à avoir mis en route dans toutes les régions des missions de paix et de réconciliation. Mieux que les premiers ministres ou autres personnalités politiques ou apolitiques Ivoiriennes, il connaît les expertises nationales en matière de réconciliation nationale, de cohésion sociale. C’est selon moi un avantage qualitatif qui a prévalu à son choix. Méticuleux et rigoureux, son esprit d’ouverture a également pesé dans la balance. Mais dans la forme, son choix nous frustre, nous les femmes. Car, nous nous retrouvons hors du présidium. Etant donné que les postes de présidents sont pour les communautés religieuses (chrétienne et musulmane). C’est ce qui nous fâche.

Si on vous suit bien, les femmes réclament leur place dans le présidium de cette commission…
Absolument. En dépit du climat d’insécurité et de notre exclusion de la quasi totalité des cadres de discussion et de négociation, nous avons joué un rôle clé dans le processus électoral et dans la recherche de solution de sortie de crise pacifique. Aucun Ivoirien de bonne foi ne peut contester que la participation des femmes à ces élections a été très visible depuis l’enrôlement jusqu’au jour du scrutin en passant par les sensibilisations, l’éducation civique et l’observation électorale. Malgré nos appels et toutes les actions entreprises au péril de nos vies du fait des escadrons de la mort hostiles à notre prise de position en faveur de l’application de la volonté des Ivoiriens qui ont élu Alassane Ouattara, nous, les femmes avons été exclues des processus de médiation dirigées par la communauté internationale. Par exemple, depuis le début de la crise, les femmes sont absentes ou se sont retrouvées en nombre insignifiant dans les délégations qui se sont succédées pour une médiation en Côte d’Ivoire (UA, Cedeao et ONU). Cette discrimination constitue une violation des Résolutions 1325 et 1820 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il s’agit là d’opportunités que nous avons manquées pour faire valoir nos préoccupations et notre savoir-faire en matière de paix, de sécurité et de résolution des conflits. Et pourtant, nous sommes les mieux indiquées pour défendre nos aspirations et droits. Nous réclamons notre place dans le présidium de la commission Vérité et Réconciliation pour jouer au premier plan et non dans l’anti-chambre notre rôle d’architecte de la paix et du développement durable. C’est ainsi que les intérêts communs de toutes les Ivoiriennes et de tous les Ivoiriens seront pris en compte dans le souci des valeurs partagées tel que le stipule le thème du 16ème et dernier sommet de l’union Africaine. Nous recommandons donc la prise en compte immédiate de mesures correctives dans ce sens.

Un appel à lancer ?
La nouvelle Côte d’ivoire est en chantier sous la houlette du président Alassane Ouattara. Mais, nous ne voulons pas que les femmes soient à l’arrière du train qui entame sa sortie de gare. Il faut que les stéréotypes dévalorisants contre la femme cessent ainsi que les injustices faites contre nous. Je note très indignée que la ministre Kandia Camara fait l’objet d’une campagne ourdie alimentée par les anti-féministes qui prétendent que le manteau du département de l’Education nationale est trop grand pour elle. Je m’élève contre ces attaques en coupe réglée contre elle parce qu’elle est une femme. Non seulement, nous voulons la parité au Gouvernement ainsi que dans toutes les instances nationales de prise de décisions, mais revendiquons de surcroît des postes de souveraineté. Nous sommes fatiguées des postes sociaux. Et nous lançons un appel pressant au président de la République SEM Ouattara dans ce sens. En outre, nous invitons le gouvernement à mobiliser des ressources conséquentes pour la prise en charge des déplacés internes et externes et la création d’activités génératrices de revenus pour les femmes victimes qui ont tout perdu. Nous souhaitons également que les auteurs de crimes contre l’humanité surtout les viols et tueries massives des femmes soient poursuivis, jugés et ne bénéficient d’aucune amnistie dans les accords de paix.
Réalisé par M.T.T
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