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Société Publié le jeudi 19 mai 2011 | Le Nouveau Réveil

Kanvaly Fadiga (professeur titulaire de sociologie et politique d`éducation à l`Ens) : “L`école ivoirienne, quelle solution après une si longue crise ?”

© Le Nouveau Réveil
Timide rentrée des classes à Abidjan après la crise et les combats
Les écoles d`Abidjan, fermées depuis plusieurs semaines à cause de la crise post-électorale et des combats qui ont conduit à la chute de l`ex-président Laurent Gbagbo, ont commencé à rouvrir mardi, mais de nombreux élèves et enseignants manquent encore à l`appel
Exposé des motifs de la communication

La Côte d`Ivoire vient de traverser une crise post-électorale sans précédent. Au moment où le Président de la République, SEM Allassane Dramane OUATTARA invite ses compatriotes d`une part, au pardon et à la réconciliation et d`autre part à la reconstruction et au développement, nous nous sommes senti interpellé à un double titre : d`abord, en tant que citoyen, ensuite, en tant qu`enseignant chercheur et spécialiste en éducation. C`est donc à ce double titre que nous apportons notre modeste contribution à l`identification des défis majeurs du secteur Education/Formation, et mes recommandations susceptibles de les relever.

En fait, il s`agit de concilier, à terme, trois exigences apparemment contradictoires que certains pays développés (Suède) ont réussi à concilier. Ces trois exigences ci-dessous citées doivent s`inscrire dans le cadre d`une politique nationale d`éducation, clairement définie, cohérente et articulée :

a) consolider et élargir l`accès à l`école pour faire face à la forte
demande sociale liée à l`extrême jeunesse de la population (60 % des habitants ont moins de 25 ans), conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en matière d`Education Pour Tous (EPT) ;
b) assurer la qualité des services d`éducation de même que celle des produits issus du processus de formation ;
c) rechercher la justice, la sécurité et l`équité sociale à travers la bonne gouvernance des ressources allouées à l`éducation, et à travers une politique de réussite pour tous les milieux sociaux. Tel est le fondement d`un climat scolaire et universitaire apaisé où le dialogue se substitue à la violence, les citoyens aux miliciens et le mérite au mercantilisme ;

La présente communication sera principalement articulée autour d`un état des lieux assorti de recommandations.

Une crise récurrente et structurelle

Les acteurs et les partenaires de l`Education s`accordent tous pour reconnaître que l`école ivoirienne est en crise et que cette crise est à la fois récurrente et structurelle.
Son caractère récurrent est lié à ses repères historiques multiples qui sont aussi déterminants les uns que les autres:
-ses origines coloniales (langue, structures et diplômes) ;
-les Programmes d`Ajustements Structurels (à partir de 1980) avec leurs incidences négatives sur les budgets alloués aux secteurs non productifs (Education, Santé, etc.) ;
-le retour au multipartisme (1990) qui a favorisé la contestation et la violence ;
-la dévaluation du Franc CFA (1994) qui a impacté négativement les capacités d`importation dans le domaine des infrastructures et des équipements éducatifs ;
-le coup d`état militaire (1999) qui a ouvert la voie à l`instabilité politique et la discontinuité des politiques d`éducation ;
-la crise militaro-politique (2002) qui a conduit à la partition du Pays, souvent à la détérioration ou à la destruction des infrastructures et équipements tant économiques que sociaux sur l`étendue du territoire national, et au déplacement interne et externes des populations ;
-la crise post-électorale (à partir de Décembre 2010) marquée par la guerre, les traumatismes, les exactions de toutes sortes, et les mêmes déplacements de populations ;

Tous ces évènements ont inéluctablement affecté la vie de la Nation, de l`Etat, des institutions, des communautés et des individus. L`école ivoirienne n`a pas échappé à cet impact dans la mesure où elle était tantôt la cible visée par les événements, tantôt le théâtre des opérations conduites par ses propres acteurs (élèves et étudiants, notamment).

Son caractère structurel vient du fait qu`elle affecte toutes les facettes de l`école ivoirienne :
-la philosophie et les politiques d`éducation en rupture continuelle du fait de l`instabilité durable ;
-le pilotage et la gouvernance du système éducatif et des ressources matérielles et non matérielles qui lui sont affectées ;
-les valeurs et les normes qui devraient inspirer et guider les programmes de formation et la jeunesse scolaire et universitaire.

Etat des lieux

Il n`y a pas de recommandations pertinentes qui ne reposent sur un diagnostic fiable. Mais dans le cadre de cette communication, nous allons faire l`économie d`une véritable analyse diagnostique pour ne souligner que les situations problèmes majeures qui affectent l`efficacité du système éducatif national et la qualité de ses différents produits humains.

La gouvernance et l`expansion du système éducatif national

Il ressort de l`analyse un certain nombre d`indicateurs qui marquent l`insuffisance de la prévision, de la gouvernance et de la rétroactivité :

a- l`absence ou la faiblesse de visibilité, de vision prospective
liée à l`arrêt des plans quinquennaux et à l`irrégularité des études diagnostiques et prospectives. Aussi, saluons-nous la parution de l`importante étude portant ``Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP)``, initiée par le Ministère d`Etat, chargé du Plan et du Développement (2009).
Il est permis d`espérer que ce pilotage à vue du développement national sera désormais corrigé grâce à une collaboration plus étroite entre le Ministère du Plan et du Développement et l`ensemble des planificateurs sectoriels et multisectoriels du développement.

b- la faiblesse ou l`insuffisance de l`articulation interne et externe du système qui se traduit sur le plan interne par une insuffisante intégration et cohérence des politiques, programmes et promotions conduits par les différents ministères chargés d`Education/Formation (Education Nationale, Enseignement Technique et Formation Professionnelle, Enseignement Supérieur, et Recherche Scientifique). Sur le plan externe, la faible articulation entre l`école, le monde du travail et les valeurs traditionnelles communautaires, est dénoncée à la fois par les employeurs, les parents d`élèves, élèves/étudiants et les diplômés eux-mêmes. Cette désarticulation interne du système éducatif va entraîner la faiblesse des rendements de l`enseignement général. Selon le RESEN (2004), les redoublements ont atteint un taux moyen 25 %. Ces redoublements sont fortement liés aux échecs massifs lors des examens nationaux (BEPC, BAC) et dans le premier cycle de l`enseignement supérieur général (DUEL, DUES, DEUG, etc.).
La désarticulation externe du système se traduit par le chômage + le sous-emploi (plus de 40 % de la population active) et la déscolarisation massive. Tous les ans, l`école ivoirienne déverse dans la société, en plus des diplômés, près de 350 000 déscolarisés, sans préparation professionnelle.

c- le désengagement de l`Etat dans le domaine de l`investissement éducatif, la dégradation des infrastructures scolaires et la désuétude de leurs équipements qui contrastent avec l`accroissement continu des demandes d`éducation ont conduit à une massification progressive de l`enseignement qui se traduit par :
- des effectifs de plus en plus élevés (117 élèves/classe dans certains établissements secondaires d`Abidjan plusieurs centaines d`étudiants dans les amphithéâtres des universités de Cocody et d`Abobo) ;
- le relâchement de l`encadrement pédagogique et la détérioration de la qualité tant des services que des produits éducatifs ;
- des interrogations sur l`accréditation internationale des diplômes délivrés et sur la compétitivité de nos diplômés sur le marché du travail.

d- une clé de répartition budgétaire au détriment des dépenses consacrées à la pédagogie et à l`acquisition de matériels didactiques. Selon le RESEN (2004), 80 % du budget de l`éducation sont consacrés aux salaires, 19 % aux interventions sociales et 1 % à la pédagogie et aux matériels didactiques. Les conséquences de cette répartition sont l`absence ou l`insuffisance de manipulation lors des apprentissages et le caractère abstrait des enseignements.

e- la paupérisation des populations en général et des milieux scolaires et universitaires en particulier, la tendance à la baisse du niveau de recrutement des enseignants et la démotivation générale de ces derniers à exercer correctement leurs professions, constituent incontestablement des facteurs importants de contre- performance de l`école. A ces facteurs socio-économiques et psychologiques, s`ajoute l`absentéisme conjoncturel des personnels, en dépit du payement des soldes et des arriérés de salaires.

f- la violence, les bruits et toutes les formes d`agression perpétrée contre les écoles et dans les écoles ont fini par créer chez les acteurs et les partenaires de l`éducation un sentiment général d`insécurité qui contraste avec les représentations traditionnelles selon lesquelles l`école est un havre de paix, de sérénité et de culture. La responsabilité de la FESCI est grande face à ces violences.

g- le laxisme et l`impunité se sont érigés en règle de fonctionnement, tant au niveau de l`Etat, qu`à celui de l`école. Aujourd`hui, tout est négociable, tout se vend, tout s`achète, y compris le diplôme et les postes d`emploi. A quoi serviraient donc le travail, le mérite et la morale ?
h- le sous équipement pédagogique généralisé à tous les niveaux d`enseignement se manifeste par l`insuffisance des laboratoires et salles spécialisées, des NTIC en général et de l`outil informatique en particulier. La connexion au réseau Internet reste un luxe pour la plupart des établissements.
i- les conditions socio-économiques et culturelles non satisfaites pour le développement durable de l`éducation en Afrique.
Selon Roger GAL, l`éducation telle qu`elle est aujourd`hui, comme une institution spécialisée et formelle, n`apparaît et ne prospère, que lorsque la société a atteint un niveau d`épargne et d`accumulation de richesse assez suffisant lui permettant de dégager une partie de ces richesses et de l`affecter au secteur éducatif, sans que ce prélèvement n`affecte sensiblement le fonctionnement des autres secteurs d`activités. Les pays développés européens, américains et asiatiques ont respecté cette démarche au cours de leurs évolutions historiques respectives. L`Afrique est l`un des rares continents qui a hérité de l`école, alors qu`elle sortait à peine de l`économie de subsistance. Aussi, l`insuffisance des ressources économiques et financières de la plupart des Etats africains explique en partie les difficultés structurelles de leurs systèmes d`enseignement au triple plan de la démocratisation de l`accès, de l`amélioration de la qualité, de la compétitivité, de l`équité et de la sécurité sociale. Ces données permettent de comprendre d`une part, la marginalisation de l`enseignement pré-scolaire qui n`accueille que près de 10 % des populations concernées et d`autre part, le sous-développement de l`Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (près de 50 000 élèves) en dépit de la mission stratégique assignée à cet ordre d`enseignement.

La qualité de l`éducation

En éducation, la qualité se mesure au niveau de deux instances distinctes et complémentaires : les écoles et le marché de l`emploi. Nous venons d`analyser au niveau de la gouvernance les facteurs intrinsèques et extrinsèques qui influencent négativement la qualité des formations en Côte d`Ivoire : l`état des infrastructures, la massification de l`enseignement, le relâchement ou l`absence de contrôle, la faible visibilité du modèle éducatif proposé, la paupérisation, le laxisme, la démotivation et aujourd`hui l`absentéisme des élèves et de leurs formateurs. Cependant, évitons de confondre qualité et facteurs de qualité. Si les facteurs constituent les conditions déterminant la qualité, cette dernière est mesurée par l`ensemble des connaissances, compétences et valeurs réellement acquises par les élèves et les étudiants au terme de leurs formations respectives. Ce qui est communément appelé ``Référentiel de compétence acquise (Rca)`` validé ou non par les écoles et les universités.

Mais, en dernier ressort, le Rca est validé par le marché du travail en fonction de critères tels que la pertinence, l`efficacité et les compétences requises par l`entreprise et les autres milieux d`accueil.

a) La qualité de l`éducation en fonction des programmes de formation scolaires et universitaires
Au niveau des examens nationaux qui mettent l`ensemble des élèves par type et niveau de formation en compétition, il ressort pour la session de 2009, les résultats suivants, selon la DIPES du MENFB:
CEPE : 74, 51 % d`admis
Entrée en 6e : 40 % d`admis
BEPC : 23, 40 % d`admis
BAC : 20, 12 % d`admis
Examen de passage 1ère 2e année Abobo-Adjamé : 40 admis sur1000 candidats, soit un taux d`admission de 4 %.
Ces données statistiques très significatives cachent cependant de grandes disparités entre les régions, les écoles, les universités et les grandes écoles.
Car si le taux d`admission au BAC est relativement faible au plan national, il est élevé dans les établissements d`excellence tels que Sainte Marie de Cocody (plus de 99 % en 2010), Collège Jean Bosco (66 % en 2008), Lycée Classique d`Abidjan (62 % en 2008).
Les mêmes disparités de performances sont constatées entre les étudiants des universités publiques et ceux des grandes écoles publiques aux résultats très satisfaisants. Au sein des universités publiques, les résultats dans les facultés de médecine + pharmacie + odonto-stomatologie contrastent avec ceux des facultés de lettres et de droit.
Durant les différents cycles de formation, la qualité de l`éducation se mesure aussi par l`importance du redoublement et des abandons, c`est-à-dire par l`importance des populations qui ne réussissent aux examens nationaux comme aux examens de passage d`une classe à l`autre, d`un cycle à l`autre.
Dès le CP 1, le taux de redoublement s`élève à 20,3 % et celui de l`abandon à 3 % (RESEN, 2004), tandis qu`en classe de 6e, le redoublement est de 6, 4 % et l`abandon à 13, 7 %. Le taux moyen de redoublement estimé 25 % pour l`éducation de base est excessif par rapport au 2,4 % de l`OCDE, au 7, 1 % de l`Afrique anglophone. Il reste encore supérieur au 23, 7 % de l`Afrique francophone.
Les abandons scolaires sont également excessifs lorsqu`on compare les 350 000 déscolarisés ivoiriens par an aux 150 000 déscolarisés en France où le nombre d`élèves du primaire et du secondaire est cinq fois plus élevé que les 3 041 408 en Côte d`Ivoire.
La qualité se mesure également par les taux d`accès : 60 % au CP1 ; 30, 9 % en 6e ; 29, 6 % en 5e ; 28,1 % en 4e ; 26, 8 % en 3e, 12,3 % en 2nd ; 11, 7 % en 1ère et 11, 1 % en Tle. Outre l`échec scolaire en partie imputable à l`élève, la contre-performance de l`école s`explique aussi par des facteurs sociaux, infrastructurels et psychologiques : insuffisance des capacités d`accueil, pauvreté des parents, démotivation des élèves et des enseignants, etc.

b) La qualité selon les exigences du monde du travail
En Côte d`Ivoire, la faiblesse de l`articulation entre le système de formation et le marché de l`emploi s`explique par la grande autonomie dont jouissent les écoles de formation par rapport aux entreprises. En dépit des efforts des pouvoirs publics en faveur d`une meilleure articulation, l`interactivité entre les deux instances reste encore faible. La plupart des programmes de formation professionnelle sont en déphasage par rapport aux réalités des pratiques technologiques et managériales des entreprises.
Ce qui explique que les diplômés nouvellement recrutés ne soient directement opérationnels. Le stage en entreprise prend alors un caractère nécessaire en raison de la dépréciation des diplômes.
Toutefois, les insuffisances de la formation n`expliquent pas entièrement le chômage et le sous-emploi. La crise économique a considérablement ralenti l`activité économique et limité les possibilités d`embauche pour les directeurs des ressources humaines et les entrepreneurs.
Selon les données de l`Enquête sur le Niveau de Vie (ENV, 2006) menée à Abidjan, le chômage frappe autant les formations générales que les formations professionnelles. Ainsi, au niveau des diplômés de l`enseignement général, la Côte d`Ivoire accuse les taux de chômage suivants :
-22 % pour le CEPE ;
-16 % pour les titulaires du BEPC ;
-27 % pour le BAC ;
-19 % pour la Licence ;
-25 % pour la Maîtrise ;
-13 % pour l`ensemble des diplômés de l`enseignement général.
Au niveau de l`enseignement technique et la formation professionnelle, les niveaux de chômage sont davantage préoccupants, contrairement à toute attente :
-12,7 % pour le CAP ;
-53 % pour le BEP ;
-12,5 % pour les titulaires du BT ;
-42 % pour le BTS.

Globalement, on peut constater que l`accès à l`emploi de diplômés est soumis à plusieurs influences :

a) la spécialité ou la filière de formation : en effet les médecins, techniciens et les ingénieurs trouvent plus facilement du travail que les littéraires et juristes ;
b) l`expérience professionnelle notamment la durée du séjour en entreprise influence considérablement les chances d`accès à l`emploi conforme aux spécialités de formation ;
c) le niveau de diplômation est décisif dans les domaines de l`enseignement et de la recherche. Il l`est moins dans le domaine technique et industriel où l`expérience l`emporte ;
d) l`établissement fréquenté par les diplômés est d`autant plus important que ces derniers viennent des USA, de l`Union Européenne ou du Japon. Les diplômés nationaux s`inscrivant en queue de palmarès.

Le climat scolaire et universitaire

Dans le chapitre de la gouvernance, nous avons souligné les insuffisances et les dysfonctionnements de l`école ivoirienne en ce qui concerne le climat scolaire et universitaire. Soulignons seulement à grands traits :
-la recrudescence de la violence qui atteint son expression armée notamment lors de la crise post-électorale ;
-l`intolérance et la volonté d`hégémonie de la FESCI à l`égard des autres mouvements scolaires et universitaires;
-la perte d`autorité de l`administration et des enseignants face à la situation hégémonique ;
-le laxisme généralisé face au mercantilisme (vente et achat des notes, des diplômes, des concours et des emplois;
-la victoire de la corruption sur les valeurs du mérite et de l`excellence ;
-l`absence de sécurité, de justice et d`équité sur les campus scolaires et universitaires ;
-absence de véritables cadres de concertation entre les différents acteurs et partenaires de l`éducation, jouissant d`une autorité qui s`impose à tous, etc.
Sous le vocable climat scolaire et universitaire, nous aborderons les principaux indicateurs socio-organisationnels qui rendent compte de la qualité du ``vivre ensemble`` dans les établissements scolaires et universitaires. Le bon climat scolaire devrait permettre aux acteurs et partenaires de l`éducation d`assainir l`environnement juridique et moral de l`école et de construire l`école et la société ivoiriennes sur les fonds baptismaux de :
-l`effort, du mérite et de l`excellence ;
-la motivation et l`abnégation ;
-la sécurité des personnes et des biens;
-l`application équitable des règlements, des lois et des sanctions ;
-la concertation et le dialogue dans le processus de prise de décision ;
-l`institution d`un cadre de concertation à la fois aux niveaux central, régional, local et des établissements.

Recommandations

Les recommandations colleront à l`articulation de l`analyse diagnostique. Elles porteront donc sur trois grandes orientations :
1- les recommandations pour la bonne gouvernance et l`expansion du système éducatif national ;
2- les recommandations pour l`amélioration de la qualité des services et produits éducatifs ;
3- les recommandations en vue d`un meilleur climat scolaire et universitaire.

Les recommandations pour la bonne gouvernance et l`expansion du système éducatif national

- la reformulation et l`explicitation d`une politique nationale cohérente en matière d`éducation prenant en compte l`ensemble des types et niveaux d`éducation. Ce qui suppose une ferme volonté de coordination des activités ministérielles et inter-ministérielles (préscolaire, primaire, secondaire, supérieur, alphabétisation, écoles communautaires, etc.) ;
- le renforcement de l`ensemble des capacités de planification, de coordination, de contrôle et supervision. Ce qui suppose non seulement la formation des personnels administratifs et de planification actuels, mais aussi le recrutement de nouveaux agents dans le secteur Education/Formation ;
- une meilleure articulation interne et externe du système éducatif, ce qui suppose une meilleure adaptation des capacités d`accueil et des programmes au niveau des transitions cycles inférieurs cycles supérieurs. Cette articulation implique également un meilleur partenariat entre l`école et l`entreprise dans l`élaboration et la mise en œuvre des programmes de formation professionnelle ;
- la reprise de l`investissement public, de l`investissement privé, du partenariat international et/ou bilatéral, en faveur de la réhabilitation, des infrastructures existantes et des constructions nouvelles. La responsabilité de l`Etat est majeure mais l`Etat ne peut pas tout faire face à l`ampleur de la mission. C`est pourquoi, l`Etat doit réactiver le plan araignée au niveau de l`enseignement privé et la coopération chinoise qui s`était déjà engagée pour la construction de 100 collèges et lycées en raison de 10 établissements/an.
- la régularisation par l`Etat des dettes et arriérés dus à l`enseignement privé, la seconde mamelle du système éducatif ;
- une nouvelle clé de répartition budgétaire en faveur de l`équipement pédagogique et didactique. En effet, les études Unesco sur les facteurs de qualité de l`éducation montrent que l`investissement dans l`équipement pédagogique impacte plus la qualité de l`éducation que l`investissement dans le social (bourses, salaires et autres interventions) ;
- la relance de la formation continue en faveur de tous les personnels de l`éducation : enseignants, chefs d`établissements, planificateurs, financiers, etc.
Cette relance suppose le renforcement des capacités des centres de formation pédagogiques tels que les Cafop, l`Ipnetp et l`Ens. A cet effet, la déconcentration de l`Ecole Normale Supérieure d`Abidjan devient nécessaire face à l`importance croissante des effectifs de la formation continue et de l`Université de Vacance.
- la revalorisation des salaires des enseignants et des discriminations positives en faveur des élèves méritants et socialement défavorisés permettraient de lutter contre la pauvreté en milieux scolaire et universitaire ;
- le renouvellement de l`équipement didactique et sa modernisation par l`acquisition des NTIC en général et de l`outil informatique en particulier. La connexion au réseau Internet ne doit plus être un luxe mais une nécessité dans une école où les bibliothèques sont rares et insuffisamment dotées de données récentes.
L`emploi optimal du dernier semestre de l`année académique 2010-2011 afin d`éviter l`année blanche avec ses lourdes conséquences sur l`accès à l`école, la scolarité des élèves et des étudiants, les salaires versés sans travail et la fourniture des entreprises en main d`œuvre.

Les recommandations pour l`amélioration de la qualité des services et produits éducatifs

- la poursuite de la politique de recrutement des enseignants au regard des exigences de qualité et de quantité. Et ce, en mettant un frein au rabaissement du niveau de recrutement surtout dans les écoles primaires où le BEPC est le diplôme exigé et en résorbant l`important déficit de personnels constaté à tous les niveaux d`enseignement;
- les programmes d`enseignement sont des facteurs essentiels de la qualité. Mais, pour impacter positivement la qualité, ils doivent être pertinents et prendre en compte les trois exigences de la réforme des LMD : modulables, capitalisables et professionnels ou pré-professionnels. L`efficacité des programmes est liée à la disponibilité des intrants qui l`accompagnent, (manuels scolaires, documents d`accompagnement pour enseignant, autres matériels didactiques ;
- l`exigence d`une accréditation par le CAMES des programmes d`enseignement et des diplômes délivrés par les universités et grandes écoles publiques. Car, il est curieux de constater que seules les universités et les grandes écoles privées sont soumises à cette exigence ;
- l`élaboration d`une pédagogie de la réussite et de l`efficacité grâce à la définition d`indicateurs pertinents de performance qui serviront de tableau de bord pour le pilotage des programmes. C`est par la connaissance des obligations de résultats qu`enseignants, élèves et étudiants s`organisent pour les atteindre ;
- la responsabilisation des élèves et étudiants vis-à-vis de leurs propres résultats car il n`y a pas de succès et d`excellence, sans mérite, sans stratégie et organisation pour la réussite, sans primauté des activités d`étude sur les loisirs et le plaisir ;
- l`amélioration de l`articulation programmes de formation/exigence des entreprises par une concertation étroite entre les équipes pédagogiques et les employeurs;
- une meilleure utilisation des énormes fonds alloués aux agences telles que l`AGEFOP, l`AGEPE, le FDFP, le FNS, etc., en faveur des établissements conventionnels (Collèges et lycées Techniques, Lycées professionnels, Grandes Ecoles, etc.) du Ministère de l`Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle ;
- l`étroite collaboration enseignants/cadres d`entreprises dans la mise en œuvre des programmes et des évaluations rétro-actives ;
- la prise en charge des millions de déscolarisés laissés pour compte dans les familles et dans la rue en vue de leur insertion sociale. En effet, la qualité de l`éducation se mesure aussi par les déperditions sociales qu`engendre le système de formation.

Les recommandations en vue d`un meilleur climat scolaire et universitaire
Pour redonner à l`école son caractère de temple du savoir, de havre de sécurité et paix, nous devons reconstruire à l`école, les fondamentaux de la culture de la paix, à savoir :
- l`instauration de l`Etat de droit qui repose sur la bonne gouvernance morale et éthique : respect des lois par tous, sans distinction de conditions sociales ni d`appartenances politiques, tribales et/ou religieuses. L`Etat de droit suppose que l`Etat a la volonté et les moyens pour faire respecter le droit ;
- l`institution d`un véritable cadre de concertation et de dialogue entre les différents partenaires et acteurs de l`éducation. Ce cadre sera à la fois central, régional, local et par établissement. Il sera doté d`une charte fonctionnelle qui définit à la fois sa philosophie de paix, ses structures fonctionnelles, ses moyens d`actions, de contrôle et de sanction. Il devrait jouir d`une large autonomie par rapport aux différentes autorités ;
- le combat de la violence sous toutes ses formes dans les écoles et sur les campus universitaires devient un objectif prioritaire. A ce titre, devrait être exclue du leadership de ces cadres de concertation, toute personne ayant participé directement ou indirectement aux luttes armées de la crise post-électorale ;
- l`acceptation de la différence, le pluralisme des associations et des syndicats devraient s`inscrire sur la base d`une plate-forme consensuelle négociée et partagée par tous les acteurs et partenaires ;
- l`application de sanctions sévères à l`encontre de tout acteur coupable d`indélicatesse, de corruption ou de toutes autres formes violence (tricherie, vente ou achat de notes, de diplômes ou de places ouvertes à des concours, intimidations ou agressions des personnels, dégradation du patrimoine, obstruction aux libertés individuelles et au droit de l`Homme, etc.) ;
- la rigueur dans l`organisation des enseignements et des apprentissages qui soumet les uns et les autres à la discipline du travail. Toutefois, cette rigueur devrait être humanisée par des pratiques de solidarité dans certaines situations pédagogiques ou sociales. Autrement dit, le principe de rigueur n`est pas incompatible avec le principe de solidarité qui accepte certaines formes particulières de discriminations positives en faveur des handicapés physiques, psychologiques et/ou sociaux ;
- l`instauration d`un climat social où les valeurs traditionnelles qui fondaient la relation pédagogique sont remises au goût du jour : l`autorité des enseignants, le respect par l`enseignant de la déontologie de sa profession, la mise à disposition des enseignants, des élèves et des étudiants, de la documentation nécessaire pour la recherche et le travail personnel ;
- la dotation des écoles et des universités de services nécessaires (cafétéria, photocopie, téléphonie, Internet, etc.) susceptibles de réduire la dépendance des enseignants et surtout des élèves vis-à-vis des nuisances et des tentations de l`environnement.

Conclusion générale

Pour nous résumer, nous retiendrons que la crise ivoirienne de l`éducation en général et la crise post-électorale en particulier invitent à deux types de reconstruction :
- la réhabilitation, la reconstruction et le développement des infrastructures et du matériel qui sert de cadre physique et institutionnel aux activités éducatives ;
- la reconstruction morale, éthique et citoyenne de la jeunesse ivoirienne et de l`ensemble des acteurs de l`éducation à travers des programmes d`enseignement et d`éducation à la culture de la paix. Cette deuxième reconstruction doit permettre à la société de se réconcilier avec elle-même et à l`école de réconcilier tous ses acteurs et partenaires dans la perspective d`un ``vivre ensemble`` sécurisé et partenarial.

La problématique de l`éducation est comparable à une savonnette mouillée. Lorsque vous la saisissez par un bout, elle vous échappe par l`autre. C`est pourquoi, toute tentative de remédiation de la crise de l`éducation doit être collective, multi-disciplinaire et les solutions proposées devraient résulter d`un dialogue, d`un débat contradictoire. Aussi, en raison de son caractère individuel, cette communication comporte-t-elle nécessairement des limites.
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